Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... C... B... et M. F... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 novembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Khartoum (Soudan) refusant de délivrer à M. E... A... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille d'un réfugié.
Par un jugement n° 2114418 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 août 2022 et le 5 février 2024, Mme C... B... et M. E... A..., représentés par Me Seguin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2021 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. E... A... le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le certificat de naissance produit établit l'identité du demandeur et le lien de filiation allégué ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... B... et M. E... A... tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Khartoum (Soudan) rejetant la demande de visa de long séjour présentée par M. E... A... en qualité de membre de famille d'un réfugié. Mme C... B... et M. E... A... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'âge de l'enfant pour lequel il est demandé qu'il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c'est-à-dire à la date à laquelle est présentée la demande de visa à cette fin, sans qu'aucune condition de délai ne puisse être opposée. La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu'après son enregistrement par l'autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, lorsqu'une nouvelle demande de visa est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette demande, et non de la première demande.
4. Les dispositions précitées ne peuvent toutefois recevoir application dans le cas où l'enfant a atteint l'âge de dix-neuf ans entre la demande d'asile de son parent et l'octroi à celui-ci du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Dans cette hypothèse, sous réserve que la demande de réunification ait été introduite dans les trois mois suivant l'octroi de la protection, l'âge doit être apprécié à la date de la demande d'asile.
5. Doit être regardée comme date de présentation de la demande de visa, la date à laquelle le demandeur effectue auprès de l'administration toute première démarche tendant à obtenir un visa au titre de la réunification familiale.
6. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
8. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la commission a rejeté le recours formé contre le refus de visa opposé à M. E... A... aux motifs, d'une part, que l'intéressé, âgé de plus de 19 ans le jour où il a déposé sa demande de visa, n'est pas éligible à la procédure de réunification familiale, d'autre part, que le certificat de naissance produit ne présente ni les conditions de forme ni les conditions de fond permettant de le faire considérer comme un acte d'état civil.
9. A l'appui de sa demande de visa, M. E... A... a produit la copie et la traduction d'un certificat de naissance (" birth certificate ") délivré le 14 octobre 2018 par la direction générale du registre de l'état civil du service des passeports et du registre d'état civil, indiquant qu'il est le fils de Mme C... B.... Si ce certificat de naissance ne comporte ni l'heure de la naissance, ni les dates et lieux de naissance des parents, la qualité et l'identité de la personne qui a déclaré la naissance ainsi que la date de cette déclaration, le ministre de l'intérieur ne précise pas quelles dispositions du droit local soudanais exigeaient ces mentions particulières. Aussi, ce certificat établi par les autorités soudanaises doit être regardé comme un acte de naissance rédigé dans les formes usitées au Soudan. En l'absence de démonstration du caractère irrégulier, falsifié ou inexact de cet acte d'état civil étranger, celui-ci est de nature à établir l'identité de M. E... A... et le lien de filiation l'unissant à Mme C... B.... Par suite, en estimant que l'identité du requérant et le lien de filiation allégué n'étaient pas établis et en refusant pour ce motif la délivrance du visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E... A..., né le 7 mars 1999, était âgé de 19 ans et 5 mois, le 17 juillet 2018, date à laquelle il a été convoqué à l'ambassade de France à Khartoum pour y déposer sa demande de visa en tant que membre de la famille d'un réfugié. Si le requérant a atteint l'âge de 19 ans entre la demande d'asile, présentée, le 22 janvier 2018, par sa mère et l'octroi à cette dernière, le 20 mars suivant, du statut de réfugié, la demande de réunification a été introduite le 17 juillet 2018, plus de trois mois après que Mme C... B... s'est vue octroyer la protection internationale. Par suite, à la date du dépôt de sa demande d'asile, M. E... A... n'était plus éligible à la procédure de réunification familiale. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, dont le bien-fondé n'est d'ailleurs pas contesté par les requérants.
11. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".
12. S'il est soutenu que M. E... A... est isolé au Soudan et qu'il souhaite rejoindre sa mère en France, où vivent aussi ses 5 frères et sœurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de 22 ans à la date de la décision contestée serait dépourvu d'attaches personnelles ou familiales dans ce pays dont il a la nationalité et où réside encore son père. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... B... et M. E... A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil des requérants au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de Mme C... B... et de M. E... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... B..., à M. F... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02712