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29/07/2024 | FRANCE | N°24NT02265

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, Juge unique, 29 juillet 2024, 24NT02265


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2318938 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la

demande de Mme A....



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2318938 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Clara Prelaud, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au titre de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement n° 2318938 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

3°) de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Maître Clara Prelaud la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- un éloignement du territoire français de l'intéressée emporte des conséquences difficilement réparables justifiant la mise en œuvre d'une procédure de sursis à exécution de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- la préfecture peut mettre à exécution la mesure d'éloignement à tout moment alors même que le jugement en son article 1er confirme l'obligation de quitter le territoire sous réserve d'une abrogation de celle-ci par la préfecture ; son état de santé s'oppose à ce que le jugement soit mis à exécution ; elle doit subir une néphrectomie le 1er août 2024 au CHU de Nantes et le suivi médical post-opératoire de cette intervention n'est pas assuré en Tunisie ;

- l'absence de titre de séjour précarise sa situation engendre une grande détresse ; sans titre de séjour, elle ne peut pas travailler et ne peut donc plus s'acquitter des charges quotidiennes ;

Il existe des moyens sérieux en l'état de l'instruction de nature à annuler le jugement attaqué et l'arrêté contesté ;

- le jugement est irrégulier ; la demande ne peut être rejetée sous réserve qu'un évènement se produise comme le prévoit l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en décidant d'écarter le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre et obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a justifié à l'appui de nombreuses pièces qu'elle était insérée sur le plan socio-professionnel ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 525-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles L. 525-9 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation ; elle doit subir le 1er août 2024 une néphrectomie (ablation d'un rein), car elle souffre constamment en raison du dysfonctionnement de l'un de ses reins ; elle justifie de l'absence de soins post-opératoires en Tunisie pour les patients souffrant d'insuffisance rénale ; elle bénéficie en France du statut de travailleur handicapé, statut dont elle ne pourra bénéficier en Tunisie ;

- la décision de refus de titre et la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté méconnaît les articles 1, 3, 4, 7 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il méconnaît les stipulations de la Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2007 ratifiée par la France et entrée en vigueur le 20 mars 2010 ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision contestée portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- cette même décision méconnait l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision d'éloignement sur sa situation personnelle au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle reprend les mêmes moyens de légalité externe que ceux soulevés à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision contestée fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et faisant obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative pour que le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes soit prononcé ne sont pas réunies dès lors que, d'une part, le jugement attaqué a prononcé en son article 1er une suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français opposée à Mme A... jusqu'à l'opération que doit subir celle-ci le 1er août 2024 et, d'autre part, que les moyens soulevés n'ont pas de caractère sérieux en l'état de l'instruction.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête n° 24NT02262 par laquelle Mme A... demande l'annulation du jugement attaqué.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quillévéré,

- les observations de Me Prelaud, avocat de Mme A....

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 10 heures 30.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduit d'office. Mme A... demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2318938 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes

Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. L'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Eu égard aux délais dans lesquels la cour doit statuer, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la demande de sursis à exécution :

4. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ". Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

5. D'une part, le jugement par lequel un tribunal administratif rejette la demande en annulation d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'entraîne, en tant que tel, aucune mesure d'exécution susceptible de faire l'objet du sursis prévu à l'article R. 811-17 du code de justice administrative. Ces dispositions ne peuvent, par suite, être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant au sursis à l'exécution du jugement du 4 juillet 2024 en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... à fin d'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour.

6. D'autre part, le jugement attaqué qui doit être regardé comme rejetant en son article 1er la demande de Mme A... alors même qu'en son point 22, ce jugement invite l'intéressée à présenter compte tenu du changement de circonstances constitué par l'évolution de son état de santé, si elle s'y croit fondée, une demande d'abrogation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou à en différer l'exécution, met fin au caractère suspensif du recours et rend possible la mise en œuvre, y compris d'office, de la mesure d'éloignement. L'exécution de l'arrêté du 27 novembre 2023 du préfet de Loire-Atlantique en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, assortie d'une décision désignant le pays de renvoi, rendue possible par l'exécution du jugement du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes, implique la menace pour Mme A... d'être éloignée du territoire français à destination de la Tunisie, alors que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision d'éloignement sur la situation personnelle de Mme A... et donc de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui est invoqué par la requérante à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi. Cette mesure d'éloignement alors que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas répondu favorablement à la demande d'abrogation de la décision l'obligeant l'intéressée à quitter le territoire ou à en différer l'exécution, présentée par l'intéressée en exécution de l'article 1er du jugement attaqué, risque d'entraîner, par elle-même, des conséquences difficilement réparables pour Mme A... qui doit subir une intervention chirurgicale (Néphrectomie) le 1er août 2024 dans le service d'urologie du CHU de Nantes dont il n'est pas établi par les pièces au dossier que le suivi médical post-opératoire puisse être effectué en Tunisie. En conséquence, Mme A... est fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes en tant que ce jugement a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 27 novembre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi.

7. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n° 2318938 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes seulement en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation des décisions du 27 novembre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi.

Sur les conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Prelaud, avocat de Mme A..., une somme de 1 000 euros hors taxe. Conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat.

ORDONNE :

Article 1er : Mme A... est admise à l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de Mme A... contre le jugement n° 2318938 du tribunal administratif de Nantes du 4 juillet 2024, il sera sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation des décisions du 27 novembre 2023 du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros hors taxe à Me Prelaud en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Prelaud renoncera, si elle recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24NT02265 de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique

La président-rapporteur

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente

N° 24NT02265 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : Juge unique
Numéro d'arrêt : 24NT02265
Date de la décision : 29/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Avocat(s) : PRELAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-29;24nt02265 ?
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