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04/10/2024 | FRANCE | N°23NT00667

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 04 octobre 2024, 23NT00667


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision de l'ambassade de France en Ethiopie et auprès de l'Union africaine refusant à Mme D... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.





Par un jugement n° 2205465 du 13 janvier 202

3, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision de l'ambassade de France en Ethiopie et auprès de l'Union africaine refusant à Mme D... un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2205465 du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme D... un visa de long séjour dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de M. C... A... et de Mme E... présentée devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la décision de refus ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; à défaut de reconnaissance du mariage des intéressés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Mme D... doit être considérée comme étant la concubine de M. A... ; l'acte de mariage n'est pas régulier ; le mariage n'a fait l'objet d'un enregistrement que le 17 septembre 2017 soit postérieurement à la reconnaissance du statut de réfugié de M. A... ; le caractère suffisamment stable et continu de leur relation, avant l'introduction de la demande d'asile, n'est pas établi par la production de mandats d'envoi d'argent illisibles et quelques échanges via une messagerie instantanée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 7 juin 2023, M. A... et Mme D..., représentés par Me Seguin, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant éthiopien né le 10 mai 1996, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du 28 avril 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un jugement du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A... et de Mme D..., la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française en Ethiopie et auprès de l'Union africaine rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour Mme D... en qualité de conjointe d'un réfugié statutaire et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à cette dernière le visa de long séjour sollicité, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de visa déposée par Mme D..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'il n'existe pas de preuve que Mme D... a été déclarée comme membre de famille de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire lors de la déclaration par l'intéressé de sa situation familiale en application de l'article R. 722-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des témoignages de proches ayant participé à la cérémonie, que M. A... et Mme D... se sont mariés le 1er novembre 2015 dans la localité de Balé-Ali en Ethiopie. Il ressort également des pièces du dossier que ce mariage a été enregistré par le responsable du " service d'enregistrement " de cette localité par un acte dressé le 17 septembre 2017 dont le caractère probant ne saurait être remis en cause par les seules anomalies mineures que relèvent le ministre, alors que les mentions relatives à la date de célébration du mariage, à l'identité et aux dates de naissance des intéressés sont concordantes en tous points avec celles figurant dans l'acte de naissance de l'intéressée et les déclarations faites auprès de l'OFPRA le 30 mars 2017 par M. A... lors de sa demande d'asile. Il ressort également des pièces du dossier que M. A..., qui a fui l'Ethiopie en janvier 2016, soit seulement deux mois après la célébration de son mariage, le 1er novembre 2015, avec Mme D..., qui n'a vu sa situation régularisée, après son arrivée en France au mois de septembre 2016 à l'issue de son périple via le Soudan, la Lybie et l'Italie, qu'en avril 2017, date de délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugié, a adressé à son épouse des échanges via une messagerie instantanée en mars et avril 2017 et a commencé à lui envoyer plusieurs mandats financiers à compter du mois de mai 2019, qui se sont poursuivis jusqu'au mois de janvier 2020 ainsi que des colis en juin 2019 et janvier 2021. M. A... et Mme D... établissent de la sorte la réalité et la continuité de leur relation matrimoniale. Il s'ensuit qu'en refusant la délivrance du visa sollicité, la commission de recours a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer à Mme D... le visa sollicité.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et Mme D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... et à Mme D... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... A... et à Mme E....

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00667
Date de la décision : 04/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : SCP SEGUIN ET KONRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-04;23nt00667 ?
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