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18/10/2024 | FRANCE | N°23NT01513

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 18 octobre 2024, 23NT01513


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours administratif contre la décision du 22 février 2022 du consul de France à Djibouti rejetant la demande de délivrance d'un visa de long séjour à Mme D... au titre de la réunification familiale.



Par un jugement n°2202074 d

u 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours administratif contre la décision du 22 février 2022 du consul de France à Djibouti rejetant la demande de délivrance d'un visa de long séjour à Mme D... au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n°2202074 du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2023, M. B... et Mme D..., représentés par Me Regent, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 9 août 2021 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la commission de recours n'a pas exposé les motifs de sa décision implicite avant l'expiration du délai d'un mois suivant la demande de communication de motifs, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 7 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- et les observations de Me Regent, pour M. B... et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant somalien né en 1990, a été admis au bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 6 octobre 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par une décision du 22 février 2021, le consul de France à Djibouti a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme E... en qualité de membre de la famille d'un étranger ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision implicite née le 25 mai 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire. Par une décision du 4 août 2021, la commission de recours a rejeté explicitement ce recours et a confirmé la décision de refus de délivrance d'un visa de long séjour. Par un jugement du 7 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... et de Mme E... tendant à l'annulation de la décision du 4 août 2021 de la commission de recours. M. B... et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile (...) ". L'article L. 561-5 du même code dispose : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ".

3. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour rejeter la demande de visa présentée par Mme D..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité de la demanderesse et, partant son lien matrimonial avec le réunifiant n'étaient pas établis.

6. Pour justifier de l'identité de Mme D..., a été produit un passeport établi le 8 avril par les autorités somaliennes. Si le ministre fait valoir que ce passeport ne correspondrait pas au modèle reconnu par le conseil européen depuis le 1er janvier 2016, cette circonstance ne suffit pas à lui retirer son caractère probant, dès lors qu'il n'est pas établi que les précédents modèles de passeports ne seraient nécessairement plus usités depuis cette date. En outre, les requérants produisent, pour la première fois en appel, une attestation, non contestée par le ministre, du secrétaire de l'ambassade de Somalie à Djibouti indiquant que le passeport de Mme D... est authentique. Mme D... produit également un certificat de naissance dressé par la municipalité de Marka le 23 mai 2019. Les circonstances que ce certificat de naissance se présente en langues somalie et anglaise et non dans les seules langues officielles de la Somalie que sont le somali et l'arabe et qu'il soit revêtu d'un timbre mentionnant l'ancienne appellation du pays avant la guerre civile de 1991, à savoir " Somali Democratic Republic ", ne suffisent pas à établir le caractère irrégulier, falsifié ou inexact du certificat de naissance produit. Si le ministre relève également que le lieu de naissance mentionné dans ce certificat de naissance, à savoir " Merca ", ne correspond pas au lieu de naissance de Mme E... tel qu'indiqué dans l'acte de mariage établi par l'OFPRA le 9 mars 2017, à savoir " Ceel Ahmed ", il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation du secrétaire de l'ambassade de Somalie à Djibouti déjà citée, que " Ceel Ahmed est un village du district de Merca ". La circonstance que ce certificat de naissance a été établi plusieurs années après les événements qu'il relate n'est pas davantage, par elle-même, de nature à en établir le caractère inauthentique, alors que les énonciations contenues dans ce certificat de naissance sont conformes aux déclarations faites par M. B... devant l'OFPRA ainsi qu'aux mentions figurant sur le passeport de Mme E... dont le caractère authentique a été confirmé par le secrétaire de l'ambassade de Somalie à Djibouti, ainsi que cela a été dit.

7. Par ailleurs, le ministre ne saurait faire valoir le caractère apocryphe du certificat de mariage somalien, également produit à l'appui de sa demande de visa par l'intéressée, dès lors que l'OFPRA a établi un certificat de mariage pour lequel il n'est pas allégué qu'une procédure d'inscription de faux aurait été mise en œuvre.

8. Dans ces conditions, en estimant que l'identité de la demandeuse de visa, et partant, son lien matrimonial avec M. B... n'étaient pas établis et en refusant pour ce motif de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme D.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les conclusions présentées à son profit sur le fondement des dispositions de cet article et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 4 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Mme D... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme D... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à Mme E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01513
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;23nt01513 ?
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