La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2024 | FRANCE | N°23NT01602

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 18 octobre 2024, 23NT01602


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 13 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 10 mai 2022 des autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran) refusant de délivrer à Mme G... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.





Par un jugemen

t n° 2214988 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 13 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 10 mai 2022 des autorités consulaires françaises à Téhéran (Iran) refusant de délivrer à Mme G... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2214988 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des

outre-mer de délivrer à Mme G... le visa sollicité, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... et Mme G... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la demande était irrecevable faute d'être suffisamment motivée, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la déclaration par M. C..., d'une tierce personne comme concubine lors de sa demande d'asile ne peut être regardée comme justifiée par la circonstance qu'il n'avait pas alors compris la question posée dès lors qu'il a indiqué corriger ses précédentes déclarations en désignant une autre personne que Mme G... comme concubine ;

- l'acte de mariage établi à la date du 23 octobre 2019 présente un caractère frauduleux ;

- aucun élément de possession d'état n'est produit pour établir la réalité de la relation matrimoniale.

La requête a été communiquée, le 11 août 2023, à M. C... et Mme G..., qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant afghan né le 2 juin 1987, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 1er mars 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Mme E... G..., ressortissante afghane née le 23 mai 1995, qu'il présente comme son épouse, a déposé une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale. Par une décision du 10 mai 2022, l'autorité consulaire française à Téhéran a refusé de lui délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite née le 13 septembre 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... et de Mme G..., la décision implicite de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme G... le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; /(...) ".

3. Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire adressé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par Mme G... au titre de la réunification familiale, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission de recours s'est appropriée le motif de refus opposé par l'autorité consulaire tiré de ce que l'intéressée n'a pas été déclarée comme membre de famille de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire lors de la déclaration faite par M. C... de sa situation familiale devant l'OFPRA.

6. Il ressort du formulaire de demande d'asile, renseigné le 2 mai 2016 par M. C..., qu'il a déclaré une tierce personne, Mme F... A... née en 1994, comme sa concubine. S'il a indiqué, lors du recours préalable qu'il a formé par lettre du 9 juillet 2022 contre la décision de l'autorité consulaire, que cette déclaration était erronée au motif qu'il n'avait pas compris la question posée, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note du 21 avril 2022 de l'OFPRA, que M. C... a mentionné, dans la fiche familiale de référence renseignée postérieurement, le 23 mars 2017, après l'obtention le 1er mars 2017 du bénéfice de la protection subsidiaire, être en concubinage avec une autre personne, Mme I... née le 1er janvier 1994. L'OFPRA précise, en outre, dans cette même note que Mme E... G..., née le 23 mai 1995, n'a jamais été mentionnée par M. C... lors de ses entretiens conduits en langue Dari, langue qu'il a déclaré comprendre. Son existence n'est pas davantage évoquée dans la restitution du récit de M. C... faite par l'OFPRA dans sa décision du 1er mars 2017. M. C... n'apporte pas d'explication convaincante sur l'absence de toute mention de Mme G... comme étant sa conjointe. Dans ces conditions, et alors même que les intéressés ont produit une attestation dénommée " Certificat de mariage ", établie le 23 octobre 2019, par laquelle les témoins attestent de la célébration du mariage de M. C... avec Mme G... le 22 avril 2015, la commission de recours, en se fondant sur la circonstance que Mme G... n'a pas été déclarée par M. C... comme étant sa conjointe de sorte qu'elle ne pouvait se voir délivrer un visa sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motifs présentée par l'administration en appel, que c'est à tort que, pour annuler la décision implicite de la commission de recours, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que le motif de refus opposé à la demande de visa tiré de ce que M. C... a déclaré une tierce personne comme sa concubine lors de sa demande d'asile est entaché d'une erreur d'appréciation.

8. Il appartient alors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... et Mme G... devant le tribunal administratif de Nantes.

9. En premier lieu, les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.

10. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.

11. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement. Si, dans l'hypothèse où la décision consulaire était motivée, une telle demande a néanmoins été présentée et l'autorité administrative y a explicitement répondu, cette réponse doit être regardée comme une décision explicite se substituant à la décision implicite de rejet initiale du recours administratif préalable obligatoire.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire adressé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par Mme G..., la commission de recours a entendu s'approprier les motifs de la décision consulaire, qui vise les articles L. 561-2 à L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la réunification familiale et indique que Mme G... n'a pas été déclarée comme membre de famille de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire lors de la déclaration faite par M. C... de sa situation familiale devant l'OFPRA. Ce faisant, la commission de recours a énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision. Le moyen tiré de ce que la décision de la commission de recours serait insuffisamment motivée doit, par suite, être écarté.

13. En second lieu, si les requérants soutiennent que la décision contestée de la commission de recours méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ils n'apportent aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ces moyens eu égard à ce qui a été dit au point 6.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer à Mme G... le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... et Mme G... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... C... et à Mme E... G....

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. LE REOUR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01602
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;23nt01602 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award