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08/11/2024 | FRANCE | N°22NT03197

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 22NT03197


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société La Caravelle a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 mars 2021 par lequel le maire de La Haye (Manche) s'est opposé à la déclaration préalable de division qu'elle a déposée en vue de créer trois parcelles à bâtir sur la parcelle cadastrée à la section 558 AC sous le n° 0048 (558 AC 48), ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le maire a rejeté la demande de permis d'aménager qu'elle a présentée en vue de la création d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Caravelle a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 26 mars 2021 par lequel le maire de La Haye (Manche) s'est opposé à la déclaration préalable de division qu'elle a déposée en vue de créer trois parcelles à bâtir sur la parcelle cadastrée à la section 558 AC sous le n° 0048 (558 AC 48), ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le maire a rejeté la demande de permis d'aménager qu'elle a présentée en vue de la création de quatre lots à bâtir avec un espace de retournement sur la même parcelle, d'enjoindre au maire de délivrer les autorisations de lotir sollicitées et de procéder au déplacement de la canalisation située sur le terrain, afin de la mettre en conformité avec la législation sur l'environnement.

Par un jugement n° 2101203 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé les arrêtés contestés, a enjoint au maire de La Haye de délivrer les autorisations de lotir sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune de La Haye le versement à la SAS La Caravelle de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la société La Caravelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 septembre 2022 et le 29 septembre 2023, la commune de La Haye, représentée par la SELARL Juriadis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société La Caravelle devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de la société La Caravelle une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de La Haye soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable ; la société requérante ne pouvait, par la même demande, contester deux autorisations d'urbanisme distinctes ; ces deux projets n'avaient aucun lien fonctionnel ainsi que l'a d'ailleurs relevé le tribunal administratif ;

- les arrêtés litigieux, en ce qu'ils se fondent sur ce que les deux projets de lotissement devaient faire l'objet d'une seule et même demande de permis d'aménager, ne sont pas entachés d'une erreur de droit ;

- le fractionnement artificiel du projet de lotissement en deux demandes distinctes visait, en réalité, à contourner les dispositions de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, relatives à la loi sur l'eau ;

- le motif tiré de l'absence de branchement au réseau d'assainissement n'est pas entaché d'inexactitude ;

- les autres moyens soulevés en première instance par la société La Caravelle ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, les arrêtés litigieux sont légalement justifiés par un autre motif tiré de ce que les projets de lotissement ne sont pas compatibles avec l'orientation d'aménagement et de programmation n° 44.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 août 2023, la société La Caravelle, représentée par Me Taforel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de commune de La Haye une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de La Haye ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Gutton, représentant la commune de La Haye.

Considérant ce qui suit :

1. La société La Caravelle, propriétaire de la parcelle cadastrée à la section 558 AC sous le n° 48 (558 AC 48), située chemin des Merisiers, à La Haye (Manche), d'une superficie totale de 14 632 m² et grevée d'une servitude de passage d'une canalisation d'assainissement, a déposé le 2 février 2021 une déclaration préalable de travaux en vue de la création sur la parcelle d'un lotissement comprenant trois lots et une demande de permis d'aménager, concernant la même parcelle, pour la création d'un lotissement composé de quatre lots et d'un espace de retournement. Par deux arrêtés du 26 mars 2021, le maire s'est opposé à la déclaration préalable et a refusé de délivrer le permis d'aménager sollicité aux motifs, d'une part, que les deux projets de lotissement concernaient la même unité foncière et auraient dû faire l'objet d'une seule et même demande de permis d'aménager, d'autre part, que les éléments fournis ne permettaient pas de répondre aux conditions de raccordement au réseau d'assainissement collectif des parcelles issues des projets de lotissement. La commune de La Haye relève appel du jugement du 29 juillet 2022 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a annulé, à la demande de la société La Caravelle, ces deux arrêtés et a enjoint au maire de délivrer les autorisations d'urbanisme sollicitées par cette société.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. ". L'article L 442-2 du même code dispose que : " Un décret en Conseil d'Etat précise, en fonction de la localisation de l'opération ou du fait que l'opération comprend ou non la création de voies, d'espaces ou d'équipements communs, les cas dans lesquels la réalisation d'un lotissement doit être précédée d'un permis d'aménager. ". Aux termes de l'article L. 442-3 de ce code : " Les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d'un permis d'aménager doivent faire l'objet d'une déclaration préalable. ". Aux termes de l'article R. 421-19 dudit code : " Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : a) Les lotissements : / -qui prévoient la création ou l'aménagement de voies, d'espaces ou d'équipements communs à plusieurs lots destinés à être bâtis et propres au lotissement. Les équipements pris en compte sont les équipements dont la réalisation est à la charge du lotisseur ; / -ou qui sont situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques, dans un site classé ou en instance de classement ".

3. Aux termes des dispositions du règlement écrit du plan local d'urbanisme intercommunal applicable à toutes les zones : " Le branchement sur un réseau d'assainissement collectif est obligatoire pour toute construction ou installation nouvelle qui requiert un assainissement ".

4. Il résulte des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

5. Ainsi qu'il a été dit, le maire a refusé de délivrer le permis d'aménager sollicité par la société La Caravelle et s'est opposé à la déclaration préalable déposée le même jour par cette société en se fondant sur le même motif tiré de ce que " les éléments fournis dans la demande ne permettent pas de répondre aux conditions de raccordement au réseau d'assainissement des (...) parcelles issues du projet de lotissement ".

6. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis d'aménager et notamment du plan du réseau des eaux usées " PA 8-5 " joint au dossier que la société pétitionnaire a précisé les conditions de raccordement de chacun des 4 lots concernés, en traçant sur ce plan les branchements individuels projetés ainsi que leur raccordement à une canalisation d'assainissement, elle-même repérée sur le plan, le long de la limite séparant les deux futurs lotissements et représentée sur la légende comme le " réseau projeté ". Si le dossier joint à la déclaration préalable ne précise pas les modalités de raccordement au réseau d'assainissement des trois lots issus de la division foncière, il ressort des pièces du dossier et notamment au document " PA 8-5 " précité, joint à la demande de permis d'aménager déposée le même jour par la société pétitionnaire, que le lotissement objet de la déclaration préalable doit aussi être longé par la canalisation future, identifiée sur ce document comme le " réseau projeté ". Il est constant que cette canalisation n'existe pas encore et que la société pétitionnaire prévoit sa création en remplacement d'une canalisation existante traversant d'est en ouest le terrain d'assiette du projet, au milieu des futurs lots Nos 1 et 2 du lotissement objet du permis d'aménager litigieux.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par des avis émis le 1er mars 2021, le syndicat d'assainissement Les Roselières, maître d'ouvrage du réseau public d'assainissement, interrogé par le maire, a émis des avis défavorables sur les projets de lotissements aux motifs, d'une part, que la demande de permis d'aménager ne tient pas compte du réseau existant ni ne précise les conditions techniques et financières de pose d'une nouvelle canalisation, et d'autre part, que les éléments fournis à l'appui de la déclaration préalable ne précisent pas les conditions de raccordement au réseau d'assainissement collectif des trois parcelles issues du projet de division foncière. Par suite, à la date des arrêtés litigieux, le maître d'ouvrage de la canalisation d'assainissement enfouie sous la parcelle 558 AC 48 n'avait pas donné son accord à la création d'une nouvelle canalisation, telle qu'envisagée par la société pétitionnaire pour le raccordement des deux futurs lotissements. Dans ces conditions, le maire ne pouvait s'assurer que les lots issus de ces opérations pourraient effectivement être raccordés à un réseau d'assainissement collectif, conformément aux dispositions générales du plan local d'urbanisme intercommunal, telles que citées au point 6, qui rendent obligatoire un tel raccordement. Dès lors, le maire pouvait légalement refuser, pour ce motif, de délivrer les autorisations de lotir sollicitées par la société La Caravelle. Il résulte de l'instruction que le maire de La Haye aurait pris les mêmes décisions de refus en se fondant sur ce seul motif. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légalité de l'autre motif retenu par l'autorité administrative et sur lequel les premiers juges se sont prononcés, c'est à tort que, pour annuler les arrêtés du 26 février 2021, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur ce que le motif de refus opposé par le maire aux demandes de déclaration préalable et de permis d'aménager, tiré de l'impossibilité de s'assurer du raccordement au réseau d'assainissement des futurs lots à construire, était entaché d'inexactitude.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société La Caravelle devant le tribunal administratif de Caen.

9. En premier lieu, et d'une part, alors même que les terrains objet des demandes d'autorisation d'urbanisme ne se trouvaient pas dans le champ de visibilité d'un monument historique, le maire de La Haye avait la faculté de consulter l'architecte des Bâtiments de France. D'autre part, il résulte des termes mêmes des arrêtés litigieux que le maire de La Haye ne s'est pas cru lié par les avis du syndicat d'assainissement Les Roselières. Par suite, les moyens tirés de ce que le maire aurait irrégulièrement sollicité l'avis de l'architecte des Bâtiments de France et aurait méconnu l'étendue de sa compétence doivent être écartés.

10. En second lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi par les pièces du dossier.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Haye est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé les deux arrêtés du 26 mars 2021 par lequel le maire de La Haye a refusé de délivrer à la société La Caravelle un permis d'aménager et s'est opposé à la déclaration préalable déposée par cette société, d'autre part, a enjoint au maire de délivrer les autorisations de lotir sollicitées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de La Haye, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la société La Caravelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société La Caravelle une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de La Haye et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement du 29 juillet 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société La Caravelle devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : La société La Caravelle versera à la commune de La Haye une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées, en appel, par la société La Caravelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Haye et à la société La Caravelle.

Copie en sera adressée, pour information, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Coutances.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03197
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;22nt03197 ?
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