Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de son enfant mineur E... A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 4 janvier 2022 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer au jeune E... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2206615 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Taffou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 4 janvier 2021 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune E... A... le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa demande de visa ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- la décision des autorités consulaires, prise avant même le dépôt d'une demande, révèle un défaut d'examen de sa demande ;
- la décision consulaire est entachée d'une erreur de fait ; le préfet a autorisé le regroupement familial au bénéfice de son fils ;
- elles est entachée d'une seconde erreur de fait ; les actes d'état civil qu'elle a produits ne sont pas inauthentiques ;
- la décision contestée n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle méconnaît les articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 4 janvier 2022 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer au jeune E... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Il résulte de ces dispositions que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle qui a été prise par les autorités diplomatiques ou consulaires. Par suite, la décision née du silence gardé pendant plus de deux mois par cette commission sur le recours formé par Mme B... contre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé s'est substituée à cette décision. Il en résulte que les conclusions de la requête de Mme B... doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision implicite de la commission de recours.
3. Aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". L'article L. 434-2 du même code précise : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ".
4. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.(...) ".
5. Il ressort de l'accusé de réception du recours formé par Mme B... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire, à savoir que l'autorisation de regroupement familial n'a pas été accordée par l'autorité préfectorale et que les documents d'état civil produits sont inauthentiques.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 2 juillet 2021, le préfet de l'Eure a autorisé le regroupement familial sollicité par Mme B... au bénéfice du jeune E... A.... Par suite, en rejetant le recours formé par Mme B... à l'encontre du refus de visa opposé à ce dernier au motif que l'autorisation de regroupement familial n'avait pas été accordée par l'autorité préfectorale, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur de fait.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission de recours a estimé que l'identité du jeune E... A... ainsi que le lien de filiation l'unissant à Mme B... n'étaient pas établis. Mme B... produit, pour la première fois en appel, un jugement de reconstitution d'acte de naissance rendu le 13 avril 2023 par le tribunal de premier degré de Kribi et l'acte de naissance établi en exécution de ce jugement de reconstitution dont il ressort que le jeune E... A... est l'enfant de Mme B.... Le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établit pas ni même n'allègue que ces documents, qui établissent l'identité du demandeur et le lien de filiation allégué, seraient frauduleux. Aussi, c'est par une inexacte application des dispositions précitées que la commission a estimé que l'identité du demandeur de visa et le lien de filiation l'unissant à Mme B... n'étaient pas établis.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré au jeune E... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 février 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé refusant la délivrance d'un visa au jeune E... A... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune E... A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024 .
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01016