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08/11/2024 | FRANCE | N°23NT01764

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT01764


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 18 octobre 2021 des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme D... un visa de long séjour en qualité de descendante à charge d'un ressortissant français.





Par un jugement n° 2209270 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 18 octobre 2021 des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme D... un visa de long séjour en qualité de descendante à charge d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 2209270 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 juin 2023 et 24 octobre 2023, Mme D... et M. A... C..., représentés par Me Pollono, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 3 février 2022 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991

Ils soutiennent que :

- le lien de filiation de Mme E... à l'égard de M. C... est établi par les pièces produites ;

- ils justifient de la prise en charge de Mme E... par son père, M. C..., ressortissant français ;

- ils justifient que M. C... dispose de ressources suffisantes pour prendre en charge sa fille ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet

- et les observations de Me Pollono, pour Mme D... et M. A... C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 3 décembre 1988, a présenté une demande de visa de long séjour en qualité de descendante à charge d'un ressortissant français. Par une décision du 18 octobre 2021, les autorités consulaires françaises en République démocratique du Congo ont rejeté cette demande. Par une décision du 3 février 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme D... et de M. C... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours. Mme D... et M. C... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 423-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " S'il est âgé de dix-huit à vingt et un ans, ou qu'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, ou qu'il est à la charge de ses parents, l'enfant étranger d'un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans sous réserve de la production du visa de long séjour prévu au 1° de l'article L. 411-1 et de la régularité du séjour. (...). ".

3. Lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'enfant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

4. Pour refuser de délivrer à Mme D... le visa sollicité, la commission de recours contre les refus de visa s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'elle n'est pas à la charge de son père, dès lors qu'elle ne justifie pas être bénéficiaire de virements financiers consistants depuis une période significative et que le père de Mme D... ne dispose pas de moyens pour une telle prise en charge.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., de nationalité française, subvient aux besoins de sa fille, Mme D..., âgée de plus de 21 ans à la date de la décision contestée, par l'envoi régulier, depuis au moins le mois de février 2020, de mandats internationaux de plus de 200 euros. M. C... justifie également de la perception par sa fille, à laquelle il a consenti une procuration à compter du 31 juillet 2021, de loyers versés par le locataire d'un des logements dont il est propriétaire à Kinshasa/Limete, pour un montant mensuel de 166 euros. M. C... a, en outre, rédigé une attestation sur l'honneur, réitérée le 8 mars 2022, par laquelle il atteste prendre intégralement en charge sa fille qui ne dispose d'aucun revenu propre en République démocratique du Congo. Ces attestations sur l'honneur sont corroborées par des jugements rendus depuis la décision contestée, les 23 mars 2022 et 4 mai 2023 par le tribunal de paix de Kinshasa/Gombé faisant état du caractère ancien du soutien financier apporté par le père de la demandeuse de visa. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. C... perçoit, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, un revenu moyen mensuel de 1 600 euros, complété d'une pension mensuelle d'invalidité de 303 euros. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de l'avis d'imposition rectifié, établi au titre des revenus 2021, que le foyer fiscal est composé non de huit enfants mais de cinq enfants dont deux font l'objet d'une résidence alternée chez leur mère et qu'à la date de la décision contestée, l'un des enfants majeurs percevait un revenu mensuel de 1 370 euros. Dans ces conditions, en estimant que Mme D... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de son père de nationalité française, la commission de recours a commis une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme D.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Pollono dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 20 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 3 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée par Mme D... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Pollono une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E..., à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01764
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt01764 ?
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