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09/01/2025 | FRANCE | N°24NT03431

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, Juge unique, 09 janvier 2025, 24NT03431


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, par une requête enregistrée sous le n° 2405222, d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré, d'autre part, par une requête enregistrée sous le n° 2408595 d'annuler l'arrêté du

24 mai 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction de retour sur le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, par une requête enregistrée sous le n° 2405222, d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré, d'autre part, par une requête enregistrée sous le n° 2408595 d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2405222, 2408595 du 26 novembre 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2024, M. A..., représenté par

Me Thullier demande à la cour :

- prononcer en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du 26 novembre 2024 ;

- de condamner le préfet de la Loire-Atlantique à verser la somme de 1 500 euros à Maître Thullier Alice au titre de l'article L.761-1 CJA et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour cette dernière de se désister du bénéfice de l'aide juridictionnelle ou au client en cas de rejet ou d'absence de demande de l'aide.

M. A... soutient que :

- le juge de première instance a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et plus particulièrement s'est mépris sur son occidentalisation et sur les conséquences à tirer de cette circonstance reconnue comme un motif de protection de la part des instances françaises en charge de l'asile ; le premier juge a entaché son jugement d'erreur de fait et de droit ; les éléments portés à la connaissance de l'administration à l'occasion du réexamen de sa demande d'asile sont des éléments nouveaux jamais évoqués et analysés en présence de M. A..., seule personne pouvant faire état de sa situation personnelle et des craintes qu'il encourt en Afghanistan : le premier juge a aussi méconnu l'étendue de sa compétence ;

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer ; dans son jugement, le juge de première instance n'a pas étudié les risques qu'il encourt en cas de renvoi en Afghanistan notamment au regard de l'article 3 de la cour européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni étudié sérieusement sa situation laquelle présente plusieurs motifs justifiant que la Cour nationale du droit d'asile lui octroie une protection lors du réexamen de sa demande d'asile ;

- le jugement est irrégulier car il n'est pas suffisamment motivé ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'atteinte à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

En ce qui concerne l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision décidant son éloignement n'est pas suffisamment motivée ; la décision contestée ne repose sur aucun examen sérieux du risque de violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH) ;

- le préfet a entaché sa décision d'une illégalité en ne précisant pas sur quel fondement juridique précis il se place pour considérer qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français ;

- il n'a jamais été mis à même de faire valoir tout élément relatif à sa demande d'asile devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puisqu'il n'a pas été entendu par la CNDA lors de sa première demande d'asile, qu'il n'a pas été davantage entendu par l'OFPRA dans le cadre de son réexamen sur son occidentalisation et du fait qu'il est actuellement en attente d'une convocation devant la CNDA afin de pouvoir être entendu pour la première fois par cette juridiction et donc de pouvoir évoquer l'ensemble de sa situation ainsi que les éléments nouveaux relatifs à son occidentalisation ;

- il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations écrites ou orales avant l'édiction de la décision d'éloignement ;

- le préfet n'a pas examiné de manière complète sa situation personnelle laquelle est pourtant susceptible de fonder le bénéfice de sa protection par la CNDA dans le cadre de sa demande de réexamen ; il est en droit d'obtenir une protection de la part de la CNDA qui aurait pour conséquence un droit au séjour ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle au regard des articles 3 et 8 de la CEDH ;

En ce qui concerne l'illégalité de la décision prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours ;

- la décision prévoyant un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'erreur de droit ;

En ce qui concerne l'illégalité de la décision portant fixation du pays de renvoi :

- la décision en litige ne précise pas les éléments de faits sur lesquels le préfet s'est fondé pour fixer le pays de renvoi ; la décision ne comporte aucune information permettant d'établir qu'un examen des risques qu'il encourt en cas de retour en Afghanistan a été effectué ;

- cette décision n'est pas suffisamment motivée et méconnaît le droit d'être entendu ;

- la décision est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- le préfet de Loire-Atlantique n'a pas examiné la situation de M. A... au regard des dispositions de l'article L. 721-4 du CESEDA et s'est également senti lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;

- il n'a jamais été mis à même de faire valoir tout élément relatif à sa demande d'asile devant la CNDA et l'OFPRA ;

- le juge n'a pas opéré le contrôle qui lui incombe s'agissant de l'examen sérieux de sa situation par le préfet et des risques qu'il encourt en cas de renvoi vers l'Afghanistan ; il encourt en cas de retour en Afghanistan des risques pour sa vie et son intégrité physique qu'il établit par la production de nombreux documents ; le mode de vie qu'il emprunte désormais correspondent en tout point aux critères reconnus par les talibans pour considérer qu'un ressortissant afghan est occidentalisé et ainsi justifier qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique et à sa vie ;

En ce qui concerne l'illégalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision n'est pas motivée ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- cette décision méconnaît les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de la situation personnelle du requérant, laquelle est pourtant susceptible de fonder l'octroi d'une protection par la CNDA dans le cadre de sa demande de réexamen ;

- dans la mesure où sa demande de réexamen est en cours d'instruction auprès de la CNDA et compte tenu des éléments sérieux qu'il apporte à l'appui de sa demande de réexamen, il est nécessaire qu'il puisse être présent lors de son audience à la CNDA, possibilité qui lui a été retirée lors de sa première demande d'asile en raison de circonstances étrangères à sa volonté ;

- cette décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an qui méconnaît sa situation singulière ne prend pas en considération les circonstances humanitaires attachées à sa situation puisqu'elle fait nécessairement obstacle à la possibilité pour d'être entendu par la CNDA lors d'une audience pour laquelle il devrait être convoqué dans les prochains mois ;

- il ne représente pas une menace à l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2024 préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient qu'il n'est pas établi que l'arrêté contesté emporte des conséquences difficilement réparables sur la situation du requérant et qu'aucun des moyens soulevés ne sont fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2024.

Vu :

- la requête n° 2403429 enregistrée le 5 décembre 2024 par laquelle M. A... a demandé l'annulation du jugement n° 2405222, 240895 du 26 novembre 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quillévéré,

- et les observations de Me Thullier, représentant M. A....

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 10 H 30.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 26 novembre 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté d'une part, la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et, d'autre part, de l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la

Loire-Atlantique portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

M. A... demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2405222, 2408595 du 26 novembre 2024 du tribunal administratif de Nantes.

2. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ". Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

3. M. A..., ressortissant afghan né le 31 mai 2001 qui déclare être entré irrégulièrement en France le 4 mars 2022 a formé une demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 17 février 2023, confirmée par un arrêt du 21 août 2023 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). La demande de réexamen de sa demande d'asile, placée en procédure accélérée, a été déclarée irrecevable par l'OFPRA le 27 décembre 2023. La circonstance que M. A... a introduit un recours devant la CNDA, toujours pendant, contre la décision de l'OFPRA rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile ne fait pas obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre, dès lors que son droit de se maintenir sur le territoire a pris fin.

4. D'une part, en l'état de l'instruction, aucun des moyens invoqués par M. A... n'apparaît sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ainsi que l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

5. D'autre part, M. A..., soutient être originaire de la province de Nangarhar où sévit une grande violence, devoir transiter par la ville de de Kaboul, également soumise à des violences importantes, en cas de retour en Afghanistan et présenter un profil occidentalisé qui l'expose à être reconnu par les talibans comme un traitre et identifié comme membre d'une famille opposée aux talibans. Toutefois, la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié présentée par M. A... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, la cour ayant notamment estimé que les déclarations de l'intéressé devant l'OFPRA n'avaient pas permis d'établir sa provenance géographique ni qu'il aurait acquis, au cours de son séjour en Europe, un profil " occidentalisé " et serait susceptible d'être pris pour cible à ce titre. En outre, le statut de réfugié obtenu par son frère ne suffit pas à M. A... qui n'apporte pas d'autres éléments nouveaux pour justifier des risques actuels, réels et personnels qu'il encourrait en cas de retour en Afghanistan. Ainsi, M. A... n'apporte pas, en l'état de l'instruction, d'éléments probants quant aux conséquences difficilement réparables que pourrait emporter l'exécution du jugement du 26 novembre 2024.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement rendu le 26 novembre 2024 par le tribunal administratif de Nantes.

Sur les conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 1500 euros que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête à fin de sursis à exécution présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

La président-rapporteur

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT03431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : Juge unique
Numéro d'arrêt : 24NT03431
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Avocat(s) : THULLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24nt03431 ?
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