Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un arrêt du 17 novembre 2023, la cour a ordonné avant dire droit une expertise contradictoire afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance sur l'origine des désordres subis par Mme C... et M. D... à l'occasion de l'effondrement, le 12 mai 2015, d'une partie de leur mur de clôture jouxtant la parcelle cadastrée L.O. n° 346 située 77 rue de la Contrie et appartenant à la commune de Nantes.
Par une ordonnance du 5 décembre 2023, le président de la cour a désigné M. B..., en qualité d'expert.
Le rapport d'expertise, reçu le 11 juillet 2024, a été communiqué aux parties.
Par des mémoires enregistrés les 8 août et 26 octobre 2024 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), Mme C... et M. D..., représentés par Me Marcault-Derouard, maintiennent leurs précédentes conclusions, et demandent à la cour :
- d'annuler le jugement n° 1904999 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leurs conclusions ;
- d'ordonner une nouvelle expertise ;
- de condamner la commune de Nantes à leur verser la somme globale de 141 827,05 euros en réparation de leurs préjudices.
Ils soutiennent que l'effondrement du mur est entièrement imputable à la commune de Nantes.
Par des mémoires, enregistrés les 11 et 23 septembre 2024, la commune de Nantes, représentée par Me Pierson, conclut au rejet de la requête, à ce que sa responsabilité soit limitée à 20 %, à ce que les frais d'expertise ne soient mis à sa charge qu'à hauteur de 20 %, voire à titre subsidiaire de 50 %, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... et M. D..., qui ont concouru à la réalisation du dommage, ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- les observations de Me Marcault-Derouard pour Mme C... (présente) et M. D...
- et celles de Me Dupuy pour la commune de Nantes.
Considérant ce qui suit :
1. En 2007, Mme C... et M. D... ont acquis une maison d'habitation construite en 1952 sur une parcelle de 664 m² située au n° 79 de la rue de la Contrie à Nantes. Un mur de clôture en pierres sépare leur propriété de la parcelle voisine de 18 500 m² appartenant à la commune de Nantes, et sur laquelle a été construite dans les années 1970 l'école maternelle publique des Châtaigniers. Le 12 mai 2015, le mur appartenant en totalité à Mme C... et M. D..., s'est partiellement effondré dans leur jardin. Par une ordonnance du 4 août 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi par les intéressés, a ordonné une expertise judiciaire. M. E..., désigné en qualité d'expert, a déposé son rapport le 20 juin 2016. Le 10 mai 2019, après une tentative de transaction infructueuse, Mme C... et M. D... ont présenté une réclamation préalable indemnitaire auprès de la commune de Nantes. Le même jour, ils ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Nantes à leur verser une somme globale de 141 827,05 euros en réparation des désordres occasionnés par l'effondrement d'une partie du mur. Par un jugement du 15 février 2022, le tribunal administratif a reconnu la responsabilité de la commune de Nantes à hauteur de 20 % et l'a condamnée à verser la somme de 6 300 euros aux requérants. Mme C... et M. D... ont fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité la responsabilité de la commune de Nantes à 20%. Cette dernière, par la voie de l'appel incident, conteste ce jugement en tant qu'il a reconnu sa responsabilité. Par un arrêt du 17 novembre 2023, la cour a annulé le jugement attaqué entaché d'une omission à statuer, a écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nantes et a jugé que, compte tenu notamment de la contradiction du rapport d'expertise et du diagnostic géotechnique réalisé par la société ECR Environnement et de l'ancienneté du rapport de M. E... réalisé en 2016, il y avait lieu d'ordonner une nouvelle expertise. M. B..., désigné en qualité d'expert, a déposé son rapport le 11 juillet 2024, lequel a été communiqué aux parties pour observations. Mme C... et M. D..., d'une part, et la commune de Nantes, d'autre part, maintiennent leurs conclusions.
Sur la responsabilité :
2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
3. Il résulte de l'instruction que le mur de clôture délimitant la propriété de Mme C... et M. D... de celle de la commune de Nantes a probablement été construit en pierres sèches sans mortier et sans fondation au 19ème siècle. Les experts s'accordent à considérer que ce mur fait partie intégrante de la propriété des consorts G... et qu'il ne s'agissait pas à l'origine d'un mur de soutènement. S'il est constant que lors de la construction de leur maison en 1952 par les précédents propriétaires, il a été nécessaire de procéder à un décaissement du terrain pour permettre les fondations de ce bâtiment, tant la société ECR environnement, chargée d'effectuer une étude des sols dans le cadre de la première expertise, que M. B..., second expert judiciaire, ont constaté, contrairement aux conclusions du premier expert qui n'a apporté aucun élément de nature à écarter l'avis de son sapiteur, que ces travaux avaient été limités à l'emprise de la maison et n'avaient pas affecté la solidité du mur de clôture qui n'avait présenté aucune fissure plusieurs années après ces travaux. En revanche, ces mêmes experts ont attesté que lors de la construction de l'école dans les années 1970, des remblais importants de plus de 50 cm de hauteur avaient été placés au pied du mur sans aucune protection afin d'aménager une voie de desserte. Si la commune fait valoir que cette voie ne présente aucun signe d'affaissement du côté de l'école, la partie effondrée du mur de Mme C... et M. D... correspond, ainsi que l'ont relevé les experts, à la zone de remblai la plus haute alors que l'ouvrage ancien et sans fondation n'était pas destiné à supporter un tel poids. De plus, les requérants justifient par les photos prises que cette voie de circulation n'est pas réservée à des véhicules légers et qu'elle peut être empruntée par des véhicules de plus gros gabarit à l'occasion de travaux dans l'enceinte de l'école. De plus, si la commune remet en cause le défaut d'entretien par les consorts G... de leur mur, M. E..., premier expert, a constaté que le mur, en dehors des fissures qu'il présentait à proximité de la partie détruite, était dans un état sanitaire satisfaisant. Pour sa part, M. B... a même précisé que l'enduit constitué de ciment et de sable apposé sur le mur du côté de l'école avait provoqué un écoulement des eaux pluviales vers son pied et contribué à le fragiliser. La société ECR, tout comme le premier expert, avait également relevé la plantation du côté de l'école de lauriers palme à proximité immédiat du mur et l'affleurement de leurs racines en surface et sous le mur. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les aménagements réalisés dans leur jardin par les consorts G... consistant notamment à la construction d'une terrasse à l'arrière de leur maison aient contribué à la réalisation des dommages. Par suite, les requérants sont fondés à rechercher la responsabilité sans faute, pleine et entière, de la commune de Nantes à raison de l'effondrement de leur mur de clôture.
Sur les préjudices :
4. En premier lieu il résulte des constatations effectuées par les différents experts que le mur appartenant à Mme C... et M. D... présente une fragilité sur une longueur de 37 ml en raison de bombements et de défaut d'aplomb et que cette partie de l'édifice menace à plus ou moins long terme de s'effondrer. Les travaux de reprise du mur ont été évalués à la somme de 92 093,94 euros TTC par le second expert judiciaire. Toutefois, ainsi que ce dernier l'a fait observer, compte tenu de l'ancienneté du mur et de sa reconstruction à neuf, il y a lieu d'appliquer un coefficient de vétusté qui sera évalué à 15 % du montant des travaux. Dans ces conditions, la somme de 78 279,85 euros TTC doit être mise à la charge de la commune de Nantes.
5. En second lieu, il est constant que depuis 2015 Mme C... et M. D... et leurs enfants ne peuvent plus jouir sereinement de leur jardin et de leur terrasse et que l'effondrement d'une partie de leur mur porte atteinte à leur tranquillité et à leur intimité. Par suite, il y a lieu de condamner la commune de Nantes à leur verser une somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.
6. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... et M. D... sont fondés à solliciter la condamnation de la commune de Nantes à leur verser la somme globale de 88 279,85 euros en réparation des préjudices résultant de l'effondrement de leur mur de clôture.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge définitive de la commune de Nantes, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires des deux expertises réalisées par MM. E... et B..., taxés et liquidés aux sommes respectives de 5 736 euros et de 7 451,90 euros.
8. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C... et M. D..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Nantes de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Nantes le versement à Mme C... et M. D... d'une somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La commune de Nantes versera la somme globale de 88 279,85 euros à Mme C... et M. D... en réparation des préjudices résultant de l'effondrement de leur mur de clôture.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête présentées par Mme C... et M. D... est rejeté.
Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme globale de 13 187,90 euros TTC sont mis à la charge définitive de la commune de Nantes.
Article 4 : La commune de Nantes versera à Mme C... et M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Nantes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à M. F... D..., ainsi qu'à la commune de Nantes.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 janvier 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au préfet de la région des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01160