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17/01/2025 | FRANCE | N°23NT02534

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 17 janvier 2025, 23NT02534


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... E... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier (CH) de Lannion-Trestel à leur verser chacun la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la mort in utero de leur fille.



Par un jugement n°2101308 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête et un mémoire, enregistrés le 23 août 2023 et le 22 mars 2024, Mme C... E... et M. A... D..., représentés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier (CH) de Lannion-Trestel à leur verser chacun la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la mort in utero de leur fille.

Par un jugement n°2101308 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 août 2023 et le 22 mars 2024, Mme C... E... et M. A... D..., représentés par Me Prat, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2023 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Lanion-Trestel à leur verser chacun la somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice d'affection ou, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lanion-Trestel le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation ;

- la décision implicite de rejet de leur demande indemnitaire préalable est insuffisamment motivée ;

- le centre hospitalier de Lannion-Trestel a commis les 19 et 20 février 2018, une faute en ne diagnostiquant pas, à la lecture des monitorings, le mauvais état de santé du fœtus et en ne déclenchant pas l'accouchement de Mme C... E..., ce qui a entraîné le décès in utéro de son fœtus arrivé à terme ;

- leur préjudice d'affection s'établit pour chacun d'entre eux à 20 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2024, le centre hospitalier de Lannion-Trestel, représenté par Me Le Prado et Gilbert, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision implicite de rejet de la demande indemnitaire présentée par les requérants est inopérant et, en tout état de cause, mal fondé ;

- en l'absence de faute, la responsabilité du centre hospitalier de Lannion-Trestel ne saurait être engagée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- les conclusions de M. B...,

- les observations de Me Prat, représentant Mme C... E... et M. A... D...

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., née en 1996, a été suivie pour une première grossesse par le centre hospitalier de Lannion-Trestel. Le 5 mars 2018, elle a accouché d'un fœtus mort in utero. Le 26 novembre 2020, estimant que le suivi de sa grossesse n'avait pas été conforme aux règles de l'art, Mme E... et le père de l'enfant, M. D..., ont saisi le centre hospitalier de Lannion-Trestel d'une réclamation préalable aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice d'affection qu'ils estiment avoir subi du fait de la mort in utero de leur fille. Cette demande a donné lieu à un rejet implicite, confirmé expressément par un courrier du

19 février 2021 de l'assureur SHAM présenté pour le compte du centre hospitalier de Lannion-Trestel. Par un jugement du 23 juin 2023, dont Mme E... et M. D... relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le centre hospitalier de Lannion-Trestel n'avait commis aucune faute dans la prise en charge de la grossesse de Mme E... est inopérant.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Lannion-Trestel :

3. Il résulte de l'instruction que la date du terme de la grossesse de Mme E..., initialement fixée par le service de maternité du centre hospitalier de Lannion-Trestel au 20 février 2018, a été réestimée à la date du 4 mars 2018, sans qu'une telle différence d'évaluation de près de quinze jours ne soit expliquée par le personnel médical de l'hôpital. Par ailleurs, il apparaît que si les examens du rythme cardiaque fœtal réalisés les 19 et 20 février 2018 n'ont pas décelé d'anomalies, des baisses des mouvements actifs fœtaux d'une durée d'environ 15 minutes ont néanmoins été relevés au cours de l'examen du 20 février 2018. L'examen anatomo-pathologique a conclu à un décès in utero du fœtus, avec oligoamnios, remontant à plusieurs jours mais n'a décelé aucune maladie foeto-placentaire ni déterminé la cause du décès du fœtus tout en relevant que le bébé était parfaitement formé. Enfin, le centre hospitalier de Lannion-Trestel n'a pas communiqué certains documents médicaux afférents à la grossesse de Mme E.... Dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas de statuer en connaissance de cause sur une éventuelle faute commise par le centre hospitalier de Lannion-Trestel dans le suivi de la grossesse de Mme E... et sur l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et le décès in utero de son enfant. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de Mme E... et de M. D... d'ordonner une expertise confiée à un gynécologue-obstétricien qui pourra s'adjoindre, le cas échéant, les services d'un pédiatre et qui aura pour mission de fournir au juge les éléments qui permettent d'apprécier si la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Lannion-Trestel doit être engagée.

DECIDE :

Article 1er: Avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme E... et de M. D..., il sera procédé à une expertise médicale contradictoire entre les parties qui sera réalisée par un expert spécialisé en gynécologie-obstétrique qui pourra s'adjoindre, le cas échéant, un pédiatre.

Article 2 : L'expert en gynécologie-obstétrique sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant.

Article 3 : L'expert aura pour mission de :

- de se faire communiquer par le centre hospitalier de Lannion-Trestel l'entier dossier médical de la grossesse de Mme E... ainsi que tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ;

- de dire si la prise en charge du suivi de la grossesse de Mme E... au centre hospitalier de Lannion-Trestel a été attentive, diligente et conforme aux données acquises de la science médicale ; de préciser si tous les examens et gestes médicaux ont été réalisés tant au profit de la mère que de son bébé ;

- de dire si les modalités de surveillance du fœtus à partir de l'admission de

Mme E... dans cet établissement le 18 février 2018 ont été conformes aux règles de l'art alors applicables et de dire si des manquements peuvent être relevés dans le suivi de cette grossesse, en particulier à partir de l'admission de Mme E... au centre hospitalier ;

- de préciser, si elles peuvent être déterminées, les causes du décès in utero de l'enfant ;

- de donner son avis sur la pertinence des examens réalisés, sur l'adaptation des moyens d'investigation médicale mis en œuvre ou non, sur la surveillance mise en œuvre durant la prise en charge de la requérante ;

- de dire si le décès constaté a un lien avec des manquements qui seraient observés, et, pour le cas où des manquements auraient été commis , si ces derniers sont à l'origine d'une perte de chance de naissance en bonne santé de l'enfant des requérants ;

- de donner à la cour toutes informations ou appréciations utiles de nature à lui permettre de se prononcer.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et M. A... D... et au centre hospitalier de Lannion-Trestel.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

La rapporteure,

I. MARION

La présidente

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02534
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : PRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;23nt02534 ?
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