Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 mars 2023 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2304348 du 10 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2024, Mme B..., représentée par Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé et, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en se fondant sur un avis émis le 7 avril 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet l'a privée de la garantie d'un examen préalable et complet de sa situation ;
- la majeure partie de son traitement médicamenteux n'est pas disponible en Arménie de sorte que la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est contraire au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant son pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Côtes-d'Armor qui n'a pas présenté de défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier et notamment celles communiquées pour la requérante le 16 octobre 2024.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les observations de Me Dollé, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne, relève appel du jugement du 10 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2023 du préfet des Côtes d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 30 septembre 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le préfet des Côtes-d'Armor a accordé à Mme B... un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 29 décembre 2024. Cette décision a implicitement mais nécessairement retiré les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 7 mars 2023 en litige. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'intéressée dirigées contre ces deux décisions sont devenues sans objet. En conséquence, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée(...) ".
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Par un avis du 7 avril 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Arménie, l'intéressée pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ne ressort pas des documents médicaux produits par la requérante que son état de santé se serait dégradé et aurait nécessité que le préfet consulte de nouveau le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à la date à laquelle il a pris la décision litigieuse. En effet, plusieurs certificats médicaux indiquent que l'intéressée, qui a été opérée puis traitée par chimiothérapie, radiothérapie et hormonothérapie pour un cancer aux deux seins, diagnostiqué en 2013, est actuellement en rémission. Ainsi que le confirme son médecin traitant dans son certificat du 23 janvier 2024, Mme B... reste seulement soumise à un traitement médicamenteux par Letrozole(r) et à un suivi régulier annuel. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres pathologies dont souffre l'intéressée, à savoir notamment un diabète de type II et une hypertension artérielle, auraient évolué défavorablement depuis le 7 avril 2022. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en se fondant sur cet avis, le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. La double circonstance que Mme B... a été hospitalisée à compter du 16 octobre 2023 et qu'une allocation aux adultes handicapés lui a été accordée au titre de la période du 1er février 2020 au 31 janvier 2025 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 7 mars 2023, dont la légalité s'apprécie, au demeurant, à la date à laquelle il a été pris.
6. Mme B... soutient par ailleurs que la majeure partie de son traitement médicamenteux n'est pas disponible en Arménie. Si à l'appui d'une note en délibéré présentée devant le tribunal administratif l'intéressée a produit la liste des médicaments essentiels disponibles en Arménie, ce seul document, non circonstancié, ne permet pas d'établir qu'elle ne pourrait accéder dans son pays d'origine à des médicaments ayant les mêmes substances actives que ceux qui lui sont prescrits, ni qu'elle ne pourrait y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé alors qu'aucun des documents médicaux dont elle se prévaut ne fait état du caractère non remplaçable des médicaments qu'elle prend. Les considérations générales sur le système de santé en Arménie qu'invoque la requérante, en ce qui concerne notamment l'accès au forfait social, ne permettent pas davantage de remettre en cause le sens de l'avis précité du collège de médecins de l'OFII et d'établir qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement dans son pays d'origine des soins nécessités par son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Côtes-d'Armor aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il n'est pas contesté que Mme B... est entrée en France le 5 octobre 2013, et a bénéficié jusqu'au 30 novembre 2021 d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé. La requérante n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier de son intégration à la société française. Il n'est pas davantage établi que d'autres membres de sa famille résideraient régulièrement en France ou qu'elle serait dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors qu'être écarté. Il n'est pas davantage établi qu'en refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour le préfet des Côtes-d'Armor aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en tant qu'elle concerne le refus de titre de séjour qui lui a été opposé. Pour les mêmes motifs ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1971 et L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête présentée par Mme B... dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2023 en tant qu'il concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera transmise pour information au préfet des Côtes d'Armor.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 janvier 2025
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00575