Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2303960 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 avril 2024, M. B..., représenté par Me Le Bihan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou salarié ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- en subordonnant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au fait d'avoir déjà travaillé en France le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ; il n'a en outre pas vérifié si sa situation familiale ne constituait pas une considération humanitaire ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour entache d'illégalité les décisions prises le même jour sur son fondement ;
- la décision fixant la Russie comme pays de renvoi est contraire aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fui ses obligations militaires.
Le préfet des Côtes d'Armor n'a pas produit de défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe, relève appel du jugement du 13 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2023 du préfet des Côtes d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, invoqué par M. B..., tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet a subordonné la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au fait d'avoir déjà travaillé en France. Le jugement attaqué doit être annulé en raison de cette omission.
3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté contesté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, par un arrêté du 21 novembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Côtes-d'Armor du même jour, le préfet a donné délégation à M. Cochu, secrétaire général de la préfecture, signataire de l'arrêté attaqué, aux fins notamment de signer en toutes matières tous les actes relevant des attributions du préfet à l'exclusion de certains d'entre eux, au nombre desquels ne figurent pas les décisions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée. Les circonstances tenant à ce que le préfet ne mentionne pas le jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 mai 2021 annulant l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 25 février 2020 et lui a fait obligation de quitter le territoire français et à ce qu'il indique par ailleurs que l'intéressé ne justifie pas de " liens personnels et familiaux en France suffisamment intenses et stables au regard de ceux qu'il conserve dans son pays d'origine " alors que sa sœur séjourne régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour en cours de validité, ne suffisent pas à établir qu'il n'aurait pas procédé à un réexamen de sa situation personnelle et familiale. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. M. B... se prévaut d'une promesse d'embauche, en date du 29 janvier 2020, établie par la société Renova qui souhaitait l'embaucher dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de manœuvre. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée cette promesse d'embauche restait valable. Par ailleurs, si le préfet a indiqué dans l'arrêté contesté que l'intéressé ne démontrait pas avoir travaillé en France depuis son entrée sur le territoire français en 2016 et n'avait déclaré aucun revenu en 2018 et 2019, il a également ajouté que M. B... ne faisait valoir aucun motif exceptionnel pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " salarié " ou de " travailleur temporaire ". Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit invoqué par l'intéressé ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent, que M. B..., qui séjourne en France depuis 2016, ne justifie d'aucune expérience professionnelle en dépit de la promesse d'embauche dont il se prévaut. Par ailleurs, si l'intéressé justifie de la présence régulière en France de sa sœur, il est constant qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il est hébergé chez un compatriote dans les Côtes-d'Armor. Il n'apporte aucun justificatif sur la situation de sa mère qui vivrait en France et sur le fait que son père serait inhumé à Rennes. Il ne justifie pas davantage qu'il serait dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine. Le requérant n'apporte aucun autre élément susceptible de constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Eu égard à ce qui vient d'être dit au point 8, les moyens tirés de la violation des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
12. En premier lieu, M. B... qui n'établit pas que la décision lui refusant un titre de séjour est illégale, ne peut valablement invoquer cette illégalité à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 à 10 du présent jugement.
En ce qui concerne la décision fixant son pays de renvoi :
14. En premier lieu, M. B... qui n'établit pas que la décision lui refusant un titre de séjour est illégale, ne peut valablement invoquer cette illégalité à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision fixant son pays de renvoi.
15. En second lieu, aux termes des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 juin 2017 confirmée en appel par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 4 décembre 2017. Par ailleurs, si l'intéressé soutient qu'il encourt des risques en cas de retour en Russie en raison du fait qu'il n'aurait pas effectué son service militaire, lors de son audition par les forces de l'ordre, le 16 novembre 2020, il a indiqué ne pas avoir été persécuté dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en fait et ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel doivent être rejetées. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées en appel sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 doivent être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La demande de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet des Côtes d'Armor.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 janvier 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01049