Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2302102 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 mai et 7 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Coffin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 9 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine ;
- pour les mêmes motifs la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire à l'article L. 611-3 du même code et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires, enregistrés les 4 et 10 octobre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, relève appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2023 du préfet du Calvados portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable.
La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / Chaque année, un rapport présenté au Parlement l'activité réalisée au titre du présent article par le service médical de l'office ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre de schizophrénie paranoïde depuis 2017, qu'elle a été hospitalisée à plusieurs reprises en raison de cette pathologie et qu'elle suit un traitement médicamenteux composé notamment d'Aripiprazol(r) et de Venlafaxine(r). Dans son avis émis le 12 octobre 2022, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il a cependant considéré qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé ivoirien, Mme A... pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement et d'une surveillance adaptés à son état de santé. La requérante produit un extrait de l'index pharmaceutique établi par la Nouvelle Pharmacie de la Santé Publique de Côte-d'Ivoire, organisme chargé d'une mission de service public à finalité sociale, qui a pour mission d'assurer la disponibilité des médicaments essentiels dans ce pays, montrant que les médicaments qui lui sont prescrits ne figurent pas sur cette liste. Ce document permet toutefois de constater qu'il existe en Côte-d'Ivoire des médicaments de même classe ou reposant sur le même principe actif que l'Aripiprazol(r) et la Venlafaxine(r), indispensables à son traitement. Par ailleurs si l'intéressée se prévaut d'un extrait d'une émission de radio concernant la santé au cours de laquelle il aurait été fait état du nombre insuffisant de psychiatres en Côte-d'Ivoire, ce document ne permet pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII. Enfin, en se bornant à évoquer un salaire moyen en Côte-d'Ivoire de 116 euros, correspondant à un peu plus de 76 000 francs CFA, et en soutenant que 90 % de la population n'a pas accès à une protection sociale, la requérante, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait exercer une activité professionnelle même partielle, n'établit pas qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que la requérante n'établit pas qu'elle ne pourra bénéficier en Côte-d'Ivoire d'un traitement médical approprié à la pathologie dont elle souffre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, et en l'absence de tout autre élément invoqué par Mme A..., le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A...(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 janvier 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01402