Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2024 en tant que le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ou, à défaut, d'annuler la décision d'obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n°2402367 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2024, Mme A... représentée par Me Ardakany, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2024 en tant que le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ou, à défaut, d'annuler la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de 7 jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est illégale car sa demande de titre n'a pas donné lieu à un examen approfondi de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 9 de l'accord franco-ivoirien signé le 21 septembre 1992 et l'alinéa 1 de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car :
- ses redoublements en première et deuxième année de licence " administration, économique et sociale " s'expliquent par la dépression nerveuse qu'elle a eu après le décès de sa mère survenu le 25 mai 2023 et son inscription le 12 septembre 2023, en parallèle de la licence AES, en BTS gestion de la PME, mais ces circonstances ne démontrent pas l'absence de caractère sérieux de ses études alors qu'elle a été finalement admise en 3ème année de licence à la rentrée 2024/2025 ;
- elle justifie d'un revenu moyen mensuel de 615 euros qui provient de la rente que lui verse son père et de l'argent versé par son oncle et ses tantes qui résident en France et l'hébergent gratuitement ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour et est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation alors qu'elle démontre la réalité de ses attaches familiales sur le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 21 septembre 1992 conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 16 janvier 2003 à Treichville (Côte-d'Ivoire) est une ressortissante ivoirienne. Elle est entrée en France le 7 septembre 2020 munie d'un visa long séjour portant la mention " mineure scolarisée " valable jusqu'au 4 novembre 2021 pour suivre une première année 2020/2021 de licence " administration économique et sociale " (AES) à l'université de Bretagne occidentale. Le 25 août 2022, suite à son passage en deuxième année à l'issue de son redoublement de la première année de licence AES en 2021/2022, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " étudiant " au titre de l'année universitaire 2022/2023. Cette demande a été rejetée au motif que Mme A... n'établissait pas disposer de moyens d'existence suffisants par une décision du préfet du Finistère du 26 janvier 2023, notifiée le 1er février 2023. Mme A... n'a pas contesté cette décision et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français et a sollicité de nouveau, le 14 septembre 2023, un titre de séjour " étudiant " afin de redoubler sa deuxième année de licence AES. Par un arrêté du 24 janvier 2024, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 4 juillet 2024, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2024 en tant que lui est refusé la délivrance d'un titre de séjour étudiant et qu'il lui est fait obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 de leur jugement, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour n'aurait pas été prise à l'issue d'un examen approfondi de sa situation personnelle.
3. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures (...) doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) " et aux termes du second alinéa de l'article R. 422-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour être autorisé à séjourner en France, l'étranger doit justifier qu'il dispose de moyens d'existence suffisants correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ". L'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français a fixé à 615 euros par mois le montant de cette allocation d'entretien.
4. Il résulte tant des stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 que des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance et le renouvellement d'un titre de séjour étudiant sont subordonnés à la double condition que l'étudiant étranger justifie poursuivre effectivement des études en France et disposer de moyens d'existence suffisants. La condition tenant aux moyens d'existence suffisant est regardée comme remplie lorsque l'étudiant peut justifier de revenus correspondant a minima à l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux étrangers boursiers du Gouvernement français, laquelle a été fixée à 615 euros par mois par l'arrêté du 31 décembre 2002.
5. Il ressort des pièces du dossier que si, en dépit de son redoublement à l'issue des deux premières années de la licence AES, Mme A... peut être regardée comme justifiant poursuivre ses études dans ce cursus à l'université de Bretagne Ouest, il est constant qu'elle ne justifie pas, ainsi que le tribunal administratif de Rennes l'a jugé au point 5 de sa décision, percevoir des revenus d'un montant égal ou supérieur à l'allocation d'entretien mensuel de base, prévue par l'article R. 422-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile allouée aux étrangers boursiers du Gouvernement français, et fixée à 615 euros par l'arrêté du 31 décembre 2002. Si la requérante produit à hauteur d'appel plusieurs attestations de prise en charge financière de son père et d'amis de sa famille, celles-ci ont été établies au mois de juillet 2024, soit postérieurement à la décision attaquée et, surtout, elles ne sont pas accompagnées de preuves de virements ou règlements au profit de Mme A... qui lui permettraient de bénéficier de revenus mensuels d'un montant minimal de 615 euros. Enfin, la circonstance que Mme A... est hébergée gratuitement par son oncle ne peut être prise en compte dans l'évaluation de ses moyens d'existence. Par suite, et dès lors que la décision de refus de séjour en litige était notamment fondée sur l'insuffisance des ressources de Mme A... et qu'un tel motif pouvait fonder légalement le refus opposé à l'intéressée, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-ivoirien signé le 21 septembre 1992 et de l'alinéa 1 de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas annulée par le présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français prise par le préfet du Finistère doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour doit être écarté.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... séjournait en France depuis trois ans et cinq mois à la date de la décision litigieuse et que le motif de son admission au séjour en France, pour y suivre des études, ne lui donnait pas vocation à demeurer sur le territoire au-delà de la durée de son parcours d'études supérieures. Si Mme A... réside chez son oncle qui l'héberge à Brest et soutient que sa grand-mère, ses tantes maternelles, son petit frère, ses cousins et cousines résident dans le département du Val-d'Oise, ces circonstances ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à établir l'intensité de ses relations avec les membres de sa famille. Par ailleurs, l'intéressée n'établit pas avoir tissé des liens avec des personnes en dehors du seul cercle familial qu'elle mentionne et qui auraient été de nature à démontrer une intégration réelle dans la société française. En outre, Mme A... ne démontre pas, malgré le décès de sa mère, être dépourvue de toute attache familiale ou personnelle en Côte-d'Ivoire, où vit toujours son père et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans. Au regard de ces éléments, la décision par laquelle le préfet du Finistère a obligé Mme A... à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A....
8. Il résulte de ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2024 et d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.
Le rapporteur,
I. MARION
Le président,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24NT02481