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17/01/2025 | FRANCE | N°24NT02533

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 17 janvier 2025, 24NT02533


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2024 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.



Par un jugement n° 2401681 du 12 juin 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 9 août 2024

, M. B..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2024 du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2024 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 2401681 du 12 juin 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2024, M. B..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2024 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 janvier 2024 du préfet du Morbihan ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État, la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation : elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru obligé d'édicter cette décision ; elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de remettre son passeport et de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 5 décembre 2024 les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. B... dirigées contre la décision portant obligation de remettre son passeport et de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient sont irrecevables comme nouvelles en appel.

Par une décision du 9 octobre 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien né le 12 décembre 1987 à Ozurgeti, est entré en France le 2 avril 2023 sous couvert d'un visa de type C. Il a sollicité le 23 mai 2023 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 janvier 2024, le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a obligé à remettre son passeport et à se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient. M. B... relève appel du jugement du 12 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 janvier 2024 du préfet du Morbihan :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait sur la base desquelles elle a été prise. Par ailleurs, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucun autre élément du dossier, que le préfet n'aurait pas examiné la situation personnelle de M. B.... Par suite, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ne peuvent qu'être écartés.

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... présente un état de santé général particulièrement fragile et souffre de multiples pathologies. Le requérant souffre en particulier d'une insuffisance rénale chronique de type 5 qui le contraint à subir depuis 2013 des séances d'hémodialyse rénale, à raison de trois fois par semaine, ainsi que, notamment, d'une hypocalcémie et d'une inflammation des tissus mous du torse. Pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Morbihan s'est approprié l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ce dernier peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié pour ses différentes affections. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical géorgien établi le 13 mars 2023, que M. B... bénéficiait déjà de séances d'hémodialyse en Géorgie jusqu'à son arrivée en France. Par ailleurs, si M. B... soutient qu'il ne pourra pas bénéficier d'une greffe de rein en Géorgie en se prévalant de deux attestations des 2 mars 2023 et 28 mars 2024 émanant pour la première du directeur du centre clinique de néphrologie et pour la seconde du ministère de la santé géorgien indiquant que le don et la transplantation d'organes cadavériques ne sont pas effectués en Géorgie, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé a subi en 2013 une greffe rénale. Si cette greffe a malheureusement échoué, cette circonstance ne permet pas de remettre en cause la possibilité pour l'intéressé de bénéficier, de nouveau, d'une nouvelle greffe rénale en Géorgie. Enfin, ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort du certificat médical établi le 26 juin 2023 par un médecin du centre hospitalier Bretagne Sud que l'hypocalcémie dont souffre M. B... apparaît liée à une carence profonde en vitamine D, substance dont l'intéressé n'établit pas qu'elle serait indisponible en Géorgie. Dans ces conditions, les pièces médicales produites par le requérant ne suffisent pas à démontrer que M. B..., qui n'établit ni même n'allègue être dépourvu de toute ressource, ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé en Géorgie eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé géorgien. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Morbihan aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie.

5. Ainsi qu'il vient d'être indiqué, M. B... ne démontre pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 11 janvier 2024 à laquelle a été édictée la décision contestée, M. B..., qui est entré en France le 2 avril 2023, n'y résidait que depuis une durée très récente. Son épouse se trouve en situation irrégulière. Si le requérant fait valoir qu'elle est bénéficiaire d'une attestation de demande d'asile, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique le 14 février 2024, soit postérieurement à la date de l'arrêté contesté. L'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Géorgie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Enfin, il ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, le préfet du Morbihan n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 [refus de séjour], la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour.... " et aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".

7. En premier lieu, pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet s'est fondé sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Comme indiqué au point 2, la décision relative au séjour est suffisamment motivée. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

8. En deuxième lieu, en l'absence d'annulation de la décision de refus de séjour, M. B... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est cru tenu d'obliger M. B... à quitter le territoire français.

10. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. B... ne démontre pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé en Géorgie. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans les prévisions desquelles il n'entre pas.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. La décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée.

12. Il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté contesté, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Morbihan n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant d'édicter la décision fixant le pays de destination.

13. Le moyen tiré de ce la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne l'obligation de remise du passeport et de se présenter au commissariat de police :

14. Il résulte des pièces du dossier de première instance que, devant le tribunal administratif, M. B... n'a présenté des conclusions à fin d'annulation qu'à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Ses conclusions présentées devant la cour, tendant à l'annulation de la décision portant obligation de remettre son passeport et à se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient, ont le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2024 du préfet du Morbihan. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

Le président-assesseur,

G-V. VERGNE

Le greffier

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT025332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02533
Date de la décision : 17/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-17;24nt02533 ?
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