Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. J... F... et Mme B... I..., épouse F..., ont demandé, par deux recours distincts, au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 4 mars 2024 concernant chacun d'eux par lesquels le préfet du Morbihan a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office et a édicté une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
Par un jugement nos 2402238, 2402239 du 8 juillet 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions du 4 mars 2024 et a enjoint au préfet du Morbihan de délivrer à M. F... et à Mme I... des autorisations de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2024, le préfet du Morbihan demande à la cour d'annuler ce jugement du 8 juillet 2024 du tribunal administratif de Rennes et de rejeter les demandes d'annulation des arrêtés du 4 mars 2024.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les éléments produits par l'OFII auxquels il a fait référence dans son jugement ne constituaient que des appréciations générales ne concernant pas spécifiquement la situation de M. F... ;
- c'est à tort que les premiers juges ont fait prévaloir l'appréciation du médecin du pôle psychiatrique qui suit M. F... sur celle fondant l'avis contraire du collège de médecins de l'OFII, explicité par l'OFII dans ses observations ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en lui enjoignant la délivrance à
Mme I... d'un titre de séjour en qualité d'accompagnante d'un étranger malade alors que le code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit la délivrance d'un tel titre qu'aux accompagnants d'un étranger mineur.
Par des écritures enregistrées le 7 octobre 2024, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a produit des observations en complément de la communication, le 23 août 2024, de l'entier dossier médical de M. F..., qui lui avait été demandé par mesure d'instruction.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2024, M. J... F... et
Mme B... I..., épouse F..., représentés par Me Béguin, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet du Morbihan ;
2°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de leur délivrer, le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans les mêmes conditions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au profit de leur conseil qui renoncera, dans cette hypothèse, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- les moyens présentés par le préfet du Morbihan dans sa requête ne sont pas fondés et l'arrêté préfectoral du 4 mars 2024 méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les raisons retenues par les premiers juges, mais aussi du fait de l'inaccessibilité des soins en Géorgie pour des raisons économiques et d'insuffisance de la prise en charge et de l'offre de soins dans ce pays et compte tenu de l'amélioration réelle bien que précaire enregistrée à la suite de sa prise en charge en France ;
- l'arrêté du 4 mars 2024 est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3 de la Convention de
New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnait les dispositions de l'article 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. F... et Mme I..., admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle en première instance, ont été maintenus au bénéfice de cette aide en leur qualité d'intimés par des décisions des 6 et 15 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vergne été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... et Mme I..., ressortissants géorgiens nés respectivement en 1992 et 1994 à Tbilissi, sont entrés régulièrement en France le 19 septembre 2022 avec leurs deux enfants. Ils ont déposé une demande d'asile définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 septembre 2023. M. F... a néanmoins obtenu un titre de séjour pour raison de santé, valable du 3 avril 2023 au 2 octobre 2023 et Mme I... a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnante. Toutefois, par deux arrêtés du
4 mars 2024, le préfet du Morbihan a rejeté les demandes de renouvellement des titres de séjour de M. F... et de Mme I..., leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire d'un an. Le préfet du Morbihan relève appel du jugement du 8 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes, après avoir joint les deux requêtes présentées par M. F... et de Mme I..., a annulé ces arrêtés du 4 mars 2024 et lui a enjoint de délivrer à chacun des intéressés, dans un délai d'un mois, une autorisation de séjour, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne M. F..., et en qualité d'accompagnante d'étranger malade en ce qui concerne son épouse Mme I....
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rennes :
2. Le tribunal, pour annuler les décisions contestées, a retenu le moyen tiré de ce que, en estimant que l'offre de soins en Géorgie, pays d'origine de M. F..., ne permettait pas à celui-ci d'y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, le préfet du Morbihan avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient, à lui seul, de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment, l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. F... souffre d'un trouble schizo-affectif de type mixte, également qualifié de trouble bipolaire de type 1, pour lequel il a bénéficié de plusieurs hospitalisations tant en Géorgie qu'en France. Cette pathologie nécessite, outre des hospitalisations en psychiatrie dans les phases de décompensation et de crise, lesquelles se manifestent par une agitation, des déambulations, des insomnies et une exaltation de l'humeur (désinhibition), un suivi ambulatoire régulier réalisé par un psychiatre et un traitement spécifique associant des médicaments thymorégulateurs, antipsychotiques, anxiolytiques et hypnotiques. Il n'est pas contesté, d'une part, qu'il existe en Géorgie des établissements psychiatriques susceptibles d'apporter des soins à l'intéressé et qui l'ont d'ailleurs accueilli à plusieurs reprises. S'il ressort des pièces du dossier que certaines des substances prescrites en France à
M. F..., la Loxapine et l'Alimemazine (ou Théralène) ne peuvent l'être en Géorgie, il ressort des observations produites par l'OFII pour expliciter et justifier l'avis du collège des médecins de l'Office selon lequel ce patient pouvait être soigné dans son pays d'origine, observations élaborées comme cet avis sur la base des pièces et informations médicales fournies par le patient et son médecin traitant, que ces substances peuvent être remplacées par d'autres constituant par elles-mêmes ou par leur combinaison un traitement adapté. Si, sur ce point, les premiers juges ont estimé que les observations produites par l'OFII reposaient sur des considérations générales déconnectées du cas particulier de ce patient, il ressort au contraire de la lecture de ces observations qu'elles procèdent d'une étude médicale précise et argumentée des traitements et médicaments prescrits à l'intéressé en France et de leur association, de la considération que certains d'entre eux, indisponibles en Géorgie, peuvent être remplacés par d'autres substances accessibles dans ce pays, voire pour certaines substances, devraient l'être dans l'intérêt même du patient, en raison de certains effets secondaires, d'accoutumance ou de dépendance. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et malgré les documents médicaux qu'avait produits l'intimé en première instance, notamment le certificat par lequel le praticien hospitalier qui le suit à l'établissement public de santé mentale sud Bretagne souligne qu'il est " impératif de permettre à [s]on patient de bénéficier de la protection de l'Etat français. La durée prévisible des soins est à vie ", et alerte sur les risques d'une exceptionnelle gravité en cas d'arrêt de la prise en charge et du traitement ou de voyage sur une longue distance, il doit être considéré, comme l'a estimé le collège de médecins de l'OFII, spécialisé et documenté pour porter ce type d'appréciation, puis le préfet du Morbihan, que M. F... pourra bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Sur ce point, la seule circonstance qu'un premier titre de séjour pour raison de santé a été délivré à M. F..., valable du 3 avril au 2 octobre 2023 conformément à un premier avis du collège des médecins de l'OFII ne permet pas d'établir que l'avis et la décision rendus en dernier lieu procèderaient d'une analyse erronée ou insuffisante de l'état de santé de l'intéressé ou de la possibilité que celui-ci soit effectivement pris en charge en Géorgie. Enfin, les obstacles allégués par ailleurs par l'intimé pour accéder aux soins dont il a besoin, d'ordre économique ou résultant des insuffisances générales de prise en charge ou d'offre de soins en Géorgie, ne sont pas établis, en ce qui le concerne personnellement, par les seules citations qu'il fait de constatations générales issues de rapports établis par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) sur les difficultés d'accès aux traitements et à des médicaments de qualité en Géorgie, notamment dans le domaine de la psychiatrie.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Morbihan est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a retenu le moyen exposé au point 2 pour annuler ses arrêtés du 4 mars 2024. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble des litiges par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... et
Mme I... à l'encontre de ces décisions.
Sur les autres moyens invoqués par M. F... et Mme I... :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions contestées :
7. L'arrêté attaqué a été signé par Mme G... D.... Par un arrêté du 29 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Morbihan du 31 août 2022, le préfet de ce département a donné délégation à M. C... H..., directeur de la citoyenneté et de la légalité et à Mme G... D..., cheffe du bureau des étrangers et de la nationalité, à l'effet de signer notamment les décisions de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français avec et sans délai, ainsi que les décisions de fixation du pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué, et en particulier de la décision obligeant M. F... et Mme I... à quitter le territoire français, doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, les décisions de refus de séjour comportent l'énoncé des raisons de droit et de fait pour lesquelles leur auteur a décidé de refuser de faire droit aux demandes de renouvellement sollicitées par M. F... et Mme I.... Il y est fait état des enfants du couple et de la possibilité d'une poursuite de leur scolarisation en Géorgie. Ces décisions, qui n'avaient pas à faire état, à peine d'irrégularité, de la pathologie de M. F... et de ses hospitalisations, sont suffisamment motivées.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation des décisions contestées que le préfet du Morbihan a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme I... et de M. F..., notamment au regard de l'état de santé de ce dernier. Sur ce dernier point, si le préfet s'est conformé à l'avis du collège des médecins de l'OFII du 23 février 2024, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé en situation de compétence liée et qu'il se serait abstenu d'exercer sa compétence en portant sa propre appréciation sur la demande qui lui était présentée, à partir des éléments portés à sa connaissance, Il n'est d'ailleurs ni démontré ni même allégué qu'il aurait disposé lui-même de pièces médicales qui lui auraient été fournies par M. F....
10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) " Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article
R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ". Enfin, l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical sur l'état de santé de M. F... a été établi le 1er février 2024 par le docteur A... et a été transmis au collège de médecins de l'OFII qui a rendu son avis le 23 février 2024. Ce collège était composé des docteurs Sebille, Horrach et Triebsch. Ainsi, le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège, conformément à la règle édictée à l'article R. 425-13 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, l'avis du 23 février 2024 du collège des médecins de l'OFII mentionne que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le demandeur est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Il comporte ainsi l'ensemble des éléments sur lesquels ce collège devait se prononcer. La circonstance que l'avis en cause ne comporte pas la mention d'" éléments de procédure " qui n'ont pas été mis en œuvre est sans incidence sur la régularité de cet avis, ni sur la légalité de l'arrêté contesté, aucune des dispositions applicables ne faisant obligation au collège de mentionner dans son avis des convocations, demandes ou examens complémentaires qu'il n'a pas effectués. Le vice de procédure allégué ne peut, dès lors, qu'être écarté.
12. En quatrième lieu, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article
L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour le motif exposé au point 5.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ", et d'autre part, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. F... et Mme I... sont entrés le 19 septembre 2022, soit récemment, en France, où leurs demandes d'asile ont été rejetées. Ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales en Géorgie, où ils ont vécu la majeure partie de leur existence. S'ils se prévalent de la présence en France de leurs enfants, nés en 2014 et 2021 en Géorgie, et de leur scolarisation en France, notamment celle de l'aîné en classe de CM1, les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents et il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants du couple ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, où la cellule familiale pourra se reconstituer. Compte tenu de la durée de leur séjour en France, les requérants ne peuvent être regardés comme justifiant de liens personnels d'une particulière intensité sur le territoire français. Dans ces conditions, en les obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Morbihan n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris sa décision, ni méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
16. Il ressort des pièces du dossier que M. F... et à Mme I... ne résident en France que depuis 2022 sans avoir noué avec la France des liens stables et anciens et qu'ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches en Géorgie où ils vont vécu la majeure partie de leur existence. Eu égard à ces conditions de séjour, malgré les problèmes de santé et la nécessité d'un suivi médical pour M. F... et en l'absence, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 5, d'impossibilité que celui-ci bénéficie effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet du Morbihan, en interdisant aux intimés de retourner en France pour une durée limitée à un an, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
17. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Morbihan est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du
4 mars 2024 lesquels le préfet du Morbihan a refusé de délivrer un titre de séjour à
M. F... et à Mme I..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office et a édicté à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. Les conclusions des intimés à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles 37 de la loi du
10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 juillet 2024 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. F... et de Mme I... présentées devant le tribunal administratif de Rennes et leurs conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... F..., à Mme B... I..., épouse F..., et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Vergne, président,
- Mme Marion, première conseillère,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2025.
Le président,
G.-V. VERGNE
L'assesseure la plus ancienne,
I. MARION
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24NT02438