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14/02/2025 | FRANCE | N°22NT01671

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 14 février 2025, 22NT01671


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E... et M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 21 août 2020 par laquelle le maire de Cabourg a tacitement délivré à la société Océane un permis de construire modificatif du permis de construire délivré le 30 septembre 2015 autorisant la démolition de la toiture, l'extension du volume bâti et l'ajout d'un niveau habitable sous comble d'une maison d'habitation située 69, avenue du commandant D... à Cabourg, ainsi que la

décision rejetant leur recours gracieux tendant au retrait de ce permis de construire mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... et M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 21 août 2020 par laquelle le maire de Cabourg a tacitement délivré à la société Océane un permis de construire modificatif du permis de construire délivré le 30 septembre 2015 autorisant la démolition de la toiture, l'extension du volume bâti et l'ajout d'un niveau habitable sous comble d'une maison d'habitation située 69, avenue du commandant D... à Cabourg, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux tendant au retrait de ce permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 2102295 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22NT01671 les 30 mai 2022, 4 novembre 2022 et 16 février 2023, Mme E..., représentée par Me Soublin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du 21 août 2020 par laquelle le maire de Cabourg a tacitement délivré à la société Océane un permis de construire modificatif ainsi que la décision portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Cabourg et de la société Océane la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une irrégularité en retenant que le délai de recours partait de l'affichage sur le terrain, alors que le délai de recours ne courait à son encontre, en qualité de tiers requérant, qu'à compter de la notification du permis de construire modificatif par la société Océane, le 24 juin 2021 ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a été considéré que sa demande était tardive, alors que le permis modificatif n'est pas devenu définitif en l'absence d'un affichage continu et régulier de l'affichage sur le terrain ;

- elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- le dossier de demande du permis modificatif était incomplet, en violation des articles R. 431-8 et suivants du code de l'urbanisme ;

- le maire ne pouvait délivrer un permis modificatif alors que les travaux étaient achevés à la date de délivrance de la décision contestée ;

- la construction en litige méconnaît l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- la décision contestée méconnaît l'autorité de la chose jugée le 7 mars 2019 par le tribunal administratif de Caen et le 2 avril 2020 par la cour administrative d'appel de Nantes ;

- la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2022, la commune de Cabourg, représentée par Me Agostini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de Mme E... devant le tribunal administratif de Caen était tardive ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 9 septembre 2022, 16 janvier 2023 et 13 mars 2023, la société Océane, représentée par Me Villard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme E... ne justifie pas de sa qualité pour agir ;

- la demande de Mme E... devant le tribunal administratif de Caen était tardive ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Justal-Gervais, substituant Me Soublin, pour Mme E..., de Me Delaunay, substituant Me Agostini, pour la commune de Cabourg et de Me Villard pour la société Océane.

Une note en délibéré présentée par Mme E... a été enregistrée le 3 février 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 septembre 2015, le maire de Cabourg a délivré un permis de construire à la société Océane portant sur la démolition de la toiture, l'extension de 128 m² du volume bâti et l'ajout d'un niveau habitable sous comble, d'une maison d'habitation située 69, avenue du commandant D..., à Cabourg. Lors de la réalisation de ces travaux, débutés en 2017, les murs du rez-de-chaussée de la maison ont été démolis et remplacés par des murs en béton identiques aux murs existants au motif que la corrosion des aciers du béton armé de ces murs les rendait impropres à supporter les travaux en cause. La société Océane a sollicité, le 9 mars 2020, la délivrance d'un permis de construire modificatif en vue de procéder à " l'intégration des restructurations des murs du rez-de-chaussée pour des raisons techniques ". A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction de deux mois prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, un permis de construire modificatif a été tacitement délivré le 21 août 2020 à la société Océane par le maire de Cabourg, en application de l'article R. 424-1 du même code. Par courrier du 25 juin 2021, reçu le 29 juin 2021, Mme E... et M. et Mme B... ont demandé au maire de Cabourg de retirer cette décision. Par un jugement du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté, comme tardive, la demande de Mme E... et de M. et Mme B... tendant à l'annulation du permis modificatif du 21 août 2020 et de la décision implicite née le 29 août 2021 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux. Mme E... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) à court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article A 424-16 du code de l'urbanisme : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté./ a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ;/ b) Si le projet porte sur un lotissement, le nombre maximum de lots prévus ;/ c) Si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs, le nombre total d'emplacements et, s'il y a lieu, le nombre d'emplacements réservés à des habitations légères de loisirs ;/ d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir ". Et aux termes de l'article A. 424-18 de ce code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ".

3. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur le permis, les caractéristiques de la construction projetée et le lieu de consultation du dossier, les dispositions citées au point précédent ont pour objet de permettre aux tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet et de les mettre à même de consulter le dossier du permis. Il s'ensuit que, si les mentions prévues par l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme doivent, en principe, figurer sur le panneau d'affichage, une erreur ou omission entachant l'une d'entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à empêcher les tiers d'apprécier, à la seule lecture du panneau d'affichage, l'importance et la consistance du projet ou d'affecter leur capacité à identifier, à la seule lecture de ce panneau, le permis et l'administration à laquelle il convient de s'adresser pour consulter le dossier. La circonstance qu'une telle erreur puisse affecter l'appréciation par les tiers de la légalité du permis est, en revanche, dépourvue d'incidence à cet égard, dans la mesure où l'objet de l'affichage n'est pas de permettre par lui-même d'apprécier la légalité de l'autorisation de construire.

4. Par ailleurs, la preuve de la réalité, de la régularité et de la continuité de l'affichage du permis de construire sur le terrain peut être apportée par le bénéficiaire du permis de construire par tout moyen.

5. En premier lieu, pour établir la régularité et la continuité de l'affichage sur le terrain d'assiette du projet, la société Océane a produit des procès-verbaux dressés par un huissier de justice indiquant que cet affichage était visible depuis l'avenue du commandant D..., les 10 novembre 2020, 11 décembre 2020 ainsi que les 11 janvier, 12 février, 11 mars et 12 avril 2021. Si Mme E... soutient que le panneau d'affichage, monté sur une structure mobile, n'aurait été installé par la société pétitionnaire que lors des déplacements de l'huissier pour être aussitôt retiré après ses passages, la société pétitionnaire a produit une attestation, du 26 janvier 2022, par laquelle l'huissier affirme que " les dates précises " de ses interventions n'ont pas été " communiquées au préalable " à la société pétitionnaire. Si la requérante produit trois attestations de voisins de la construction litigieuse indiquant qu'aucun permis n'aurait été affiché sur le terrain d'assiette au cours de la même période, ces attestations ne suffisent pas à remettre en cause la force probante des six constats d'huissier.

6. En deuxième lieu, la circonstance que les travaux qui sont l'objet du permis modificatif ont été décrits sur le panneau d'affichage comme consistant à restructurer les murs du rez-de-chaussée de la construction existante, sans mentionner leur démolition préalable, n'a pas été de nature à induire en erreur les tiers sur la consistance et l'importance du projet, dès lors qu'il s'est agi de reconstruire à l'identique les murs en cause.

7. En dernier lieu, la requérante ne saurait se prévaloir, pour soutenir que les délais de recours n'ont commencé à courir qu'à compter de la date du 24 juin 2021 à laquelle a été portée à sa connaissance le permis modificatif tacite, des actions contentieuses qu'elle a formées contre les décisions du maire de Cabourg refusant de dresser procès-verbal d'infraction et de prendre un arrêté interruptif de travaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ainsi que de mettre en demeure la société Océane d'interrompre les travaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 481-1 du même code, dès lors que si ces instances étaient en cours à la date du 21 août 2020 de naissance de ce permis tacite, elles étaient dirigées contre des actes dont la portée n'est pas identique à celle du permis modificatif contesté et qu'il est constant que le permis de construire délivré initialement le 30 septembre 2015 à la société Océane est devenu définitif, en l'absence de toute contestation.

8. Il résulte des points 5 à 7 que l'affichage sur le terrain du permis de construire modificatif contesté a été effectué de manière continue à compter, au plus tard, du 10 novembre 2020 et que celui-ci était régulier au regard des dispositions citées au point 2. En conséquence, le délai de recours contentieux a commencé à courir à l'égard des tiers, au plus tard le 10 novembre 2020 de sorte que le recours gracieux, présenté le 25 juin 2021 par Mme E... et M. et Mme B..., n'a pu proroger le délai de recours contentieux contre ce permis et qu'à la date du 21 octobre 2021 à laquelle ils ont saisi le tribunal administratif de Caen, leur demande tendant à l'annulation du permis de construire modificatif tacite du 21 août 2020 était tardive et, par suite, irrecevable.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté comme irrecevable la demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Cabourg et la société Océane sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à la commune de Cabourg et à la société Océane.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01671
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : VILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;22nt01671 ?
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