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14/02/2025 | FRANCE | N°24NT03406

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 14 février 2025, 24NT03406


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 juin 2024 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de douze mois.



Par une ordonnance du 26 novembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nanc

y a transmis au tribunal administratif de Rennes la requête de M. A....



Par un jugement n°24...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 juin 2024 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de douze mois.

Par une ordonnance du 26 novembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a transmis au tribunal administratif de Rennes la requête de M. A....

Par un jugement n°2406956 du 29 novembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français, et renvoyé les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Noirot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 novembre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2024 de la préfète de Meurthe-et-Moselle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une inexactitude matérielle des faits en ce qu'elle omet de viser le jugement du 11 janvier 2024 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Nancy annulant la précédente obligation de quitter le territoire français du préfet de Meurthe-et-Moselle du 5 janvier 2024 ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait car il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il doit être admis de plein droit au séjour, sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait de sa communauté de vie avec son épouse française, qui n'a pas cessé en dépit de son incarcération de novembre 2022 au 4 janvier 2024 ;

- elle est entachée d'erreurs de droit et de fait car il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il doit être admis de plein droit au séjour, sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa qualité de père d'enfants français contribuant à leur entretien et leur éducation ;

- elle est entachée d'erreurs de droit et de fait car il ne constitue pas une menace à l'ordre public alors qu'il se fait traiter pour son addiction à l'alcool et a suivi un stage de prévention contre les violences conjugales ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une inexactitude matérielle des faits en ce qu'elle omet de viser le jugement du 11 janvier 2024 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Nancy annulant la précédente obligation de quitter le territoire français du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 5 janvier 2024 ;

- elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... sont dépourvus de fondement.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marion a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais, né le 19 octobre 1995, est entré sur le territoire national pour la première fois en 2015. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 1er août 2018, mise en exécution de manière contrainte le 1er mars 2019. Il est revenu en France de façon régulière le 6 mai 2019 sous couvert d'un visa long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 29 juillet 2019 au 20 août 2021. Par un arrêté du 2 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, et le recours de M. A... contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 août 2022. M. A... s'est néanmoins maintenu sur le territoire français et a été condamné par le tribunal correctionnel de Val de Briey (Meurthe-et-Moselle) à huit mois d'emprisonnement pour des faits de violence aggravée par deux circonstances en récidive. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à son encontre le 18 novembre 2022 une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Les recours présentés par M. A... contre cette décision ont été rejetés par le tribunal administratif de Nancy le 1er décembre 2022, puis la cour administrative d'appel de Nancy le 1er février 2024. Par un jugement du 11 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a toutefois annulé l'arrêté préfectoral du 5 janvier 2024 obligeant M. A... à quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité. Après avoir procédé au réexamen de la situation de l'intéressé, la préfète de Meurthe-et-Moselle , par un arrêté du 18 juin 2024, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, et lui a interdit de retourner en France pendant une durée de 12 mois. M. A... a été placé au centre de rétention administrative de Rennes par un arrêté de la préfète de Meurthe-et-Moselle du 15 novembre 2024. Par un jugement du 29 novembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions présentées par M. A... à l'encontre de l'arrêté de la préfète de Meurthe-et-Moselle du 18 juin 2024 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination et lui interdit de retourner sur le territoire français pendant un an et a renvoyé à la formation collégiale les conclusions présentées par M. A... contre la décision de refus de séjour. M. A... relève appel de ce jugement du 29 novembre 2024 en soulevant des moyens à l'encontre des seules décisions d'obligation de quitter le territoire français et d'interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les moyens communs :

2. En premier lieu, ainsi que l'a jugé la magistrate désignée par le tribunal administratif de Rennes, les décisions par lesquelles la préfète de Meurthe-et-Moselle a décidé d'obliger M. A... à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an citent les textes applicables et font état des éléments de fait propres à sa situation personnelle et familiale. Elles énoncent de manière suffisamment précise les considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent. Si la préfète a omis de mentionner le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy en date du 11 janvier 2024 annulant une précédente obligation de quitter le territoire français du 5 janvier 2024 et lui enjoignant de réexaminer la situation de M. A..., cette omission n'est pas de nature à vicier la motivation de l'arrêté en litige alors que la préfète de Meurthe-et-Moselle n'est pas tenue de mentionner, de manière exhaustive, l'ensemble des informations concernant l'intéressé et notamment toutes les actions en justice antérieures engagées par celui-ci. Dès lors, les moyens tirés du défaut de motivation et de l'absence de mention du jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 janvier 2024 annulant l'arrêté préfectoral du 5 janvier 2024 doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 5 de son jugement, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français n'auraient pas été prises à l'issue d'un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

4. En troisième lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 6 de son jugement, le moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet de Meurthe-et-Moselle en ne mentionnant pas dans l'arrêté litigieux le jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 janvier 2024 annulant l'arrêté préfectoral d'obligation de quitter le territoire français du 5 janvier 2024.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) .

6. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; (...) ". L'article L. 423-7 du même code dispose que : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-5 de ce code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ".

7. M. A... s'est marié avec une ressortissante française, Mme C..., le 22 septembre 2018, et a commencé à résider régulièrement sous couvert d'un visa de long séjour avec son épouse sur le territoire français à compter du 6 mai 2019. Il a eu trois enfants avec elle, nés en mai 2019, mai 2020 et décembre 2022. Néanmoins, dès le 17 octobre 2018, son épouse a été auditionnée par les services de police de Longwy-Villerupt (Meurthe-et-Moselle) pour des faits de violences conjugales et a déclaré ne plus vouloir que son époux se rende à son domicile. M. A... a été condamné à deux reprises pour des faits de violences conjugales, d'abord, le 12 mars 2019, pour des violences sur conjoint et personne vulnérable, à 5 mois d'emprisonnement avec sursis, puis le 11 février 2021 à un an et six mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis probatoire pendant deux ans sous le régime de la semi-liberté pour violence aggravée, en état d'ivresse et par conjoint, en récidive. Cette seconde condamnation était assortie d'une interdiction d'entrer en relation avec son épouse, par quelque moyen que ce soit, la date de fin du suivi de cette mesure étant fixée au 12 novembre 2023. De plus, M. A... incarcéré le 10 février 2021, puis placé en régime de semi-liberté du 23 mars 2021 au 12 novembre 2021, a de nouveau été mis sous écrou au centre pénitentiaire de Metz du 19 novembre 2022 au 5 janvier 2024. Son épouse a déclaré ne pas lui avoir rendu du tout visite durant ses périodes d'incarcération. Enfin, bien que l'appelant déclare une adresse commune avec Mme C..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, sa communauté de vie avec son épouse aurait effectivement repris. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la communauté de vie avec son épouse n'aurait jamais cessé depuis le mariage au sens de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il remplirait de ce fait les conditions posées par cet article pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

8. M. A... a occupé des emplois de courte durée par intérim ou par contrats à durée déterminée durant la période courant de 2019 à 2022. En revanche, sur la période postérieure à 2022, il ne justifie d'aucun emploi ni promesse d'embauche et n'a perçu aucune ressource d'une activité professionnelle exercée en dehors du milieu carcéral. S'il produit des photographies non datées, des factures d'achat de jouets, vêtements ou bonbons pour ses enfants ainsi que des attestations rédigées pour l'une, le 27 juin 2024, postérieurement à l'arrêté préfectoral contesté, par le directeur de l'école primaire de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), et pour l'autre, le 28 septembre 2022, par un pédiatre exerçant en Belgique, ces pièces ne sauraient suffire à établir l'investissement affectif dont le requérant se prévaut à l'égard de ses enfants. En outre et surtout, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Val-de-Briey (Meurthe-et-Moselle) a ordonné à l'égard des deux enfants aînés du requérant une mesure d'assistance éducative au cours des deux dernières années en exposant que les enfants étaient exposés à un climat de violences conjugales et de mésentente permanente et qu'ils étaient soumis à un danger psychique en présence de leurs père et mère, tant que ces derniers n'auront pas conscience des conséquences sur leurs enfants de ces actes de violences. Cette mesure d'action éducative en milieu ouvert a été levée par un jugement du juge des enfants à compter du 12 novembre 2024, soit postérieurement à l'arrêté en litige et à l'issue d'une audience à laquelle M. A... n'était pas présent. Il ressort de la lecture de ce jugement qu'une information préoccupante a été transmise le 11 octobre 2024 au juge des enfants, faisant état de violences et de dégradations de la part du couple A... et de punitions des enfants sur le balcon. Le bailleur de leur logement mentionne un climat malsain dans l'immeuble, des nuisances sonores émanant du couple, des cris et des violences conjugales. Le juge des enfants a relevé que " si un travail autour des conséquences des violences conjugales apparaissait nécessaire, force est de constater que cet objectif est inatteignable compte tenu du positionnement des parents qui refusent de travailler sur cet axe ", de sorte que la mesure est inefficiente. Aussi, M. A... ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de ceux-ci ou depuis au moins deux ans. Par suite, il ne remplit pas les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'outre les condamnations du 12 mars 2019 et 11 février 2021 pour des faits de violences conjugales aggravées, M. A... a été condamné à huit reprises depuis son entrée sur le territoire français pour des faits de vol, en mars 2016 et en janvier 2021, pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique en récidive en 2020, pour des faits de violence aggravée en état d'ivresse et de menace de crime ou délit contre une telle personne en novembre 2020, pour des faits de conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique, en février 2021 et en mai 2023, pour des faits de blessures involontaires par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, en octobre 2021, et pour des faits de menaces de mort et violences par personne en état d'ébriété, en novembre 2022 et en février 2023. De plus, M. A... a été écroué à deux reprises en exécution des peines prononcées par le juge pénal, et, en dernier lieu, au centre pénitentiaire de Metz du 19 novembre 2022 au 5 janvier 2024. Par ailleurs, il s'est soustrait à deux reprises au cours de l'année 2022 à une interdiction prononcée dans le cadre du contrôle judiciaire. Enfin, bien que s'étant engagé à respecter les valeurs de la République aux termes d'un contrat d'intégration républicaine pour lequel il a suivi un parcours de 4 journées de formation civique entre le 24 septembre 2019 et le 26 janvier 2021, il a commis postérieurement pas moins de sept 7 infractions pénales ayant donné lieu aux condamnations susmentionnées. Au regard de ces nombreuses condamnations pénales qui, contrairement aux affirmations du requérant, ne se résument pas à des violences conjugales dues à un état alcoolique, et en dépit du fait que M. A... a accepté de se faire traiter pour son addiction à l'alcool et a suivi un stage de prévention contre les violences conjugales, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que le comportement du requérant constitue une menace pour l'ordre public.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Le requérant se prévaut de son mariage avec une ressortissante française dont il a eu trois enfants nés le 11 mai 2019, le 29 mai 2020 et le 22 décembre 2022. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les violences conjugales et la mésentente permanente dans le couple ont justifié des ordonnances d'assistance éducative du juge aux affaires familiales qui ont été renouvelées jusqu'au 14 novembre 2024, soit cinq mois après l'arrêté en litige daté du 15 juin 2024. Il ne justifie pas davantage, compte tenu de périodes d'activité professionnelle très réduites depuis son entrée sur le territoire français, d'une intégration sur le plan professionnel. En dépit d'une présence continue sur le territoire français à partir de mai 2019, M. A... ne maîtrise toujours pas la langue française, ayant un niveau A1 débutant. Si le requérant soutient être dépourvu de liens dans son pays d'origine, où il a pourtant vécu de façon continue jusqu'à l'âge de vingt ans, il n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, eu égard aux enjeux de défense de l'ordre public et de prévention des infractions pénales au regard du comportement du requérant, la décision par laquelle la préfète de Meurthe-et-Moselle a obligé M. A... à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, la préfète n'a pas violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. A....

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. Le requérant ne justifie pas, par les pièces qu'il produit de sa capacité à dispenser à ses enfants une éducation respectueuse et dépourvue de violences ni de l'intensité des liens qu'il dit avoir noués avec eux. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas tenu compte de l'intérêt supérieur de ses enfants au sens des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que M. A... a fait l'objet de 12 condamnations pénales pour des faits délictueux de violences conjugales ou envers des personnes dépositaires de l'autorité publique ou/et en état d'ivresse, de vol, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, de menaces de crime ou délit contre une personne dépositaire de l'autorité publique, de conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique, de blessures involontaires par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, de menaces de mort et de violences par personne en état d'ébriété. Par ailleurs, M. A... s'est soustrait à deux reprises au cours de l'année 2022 à une interdiction prononcée dans le cadre du contrôle judiciaire. Eu égard à ce passé délictuel et au caractère récidivant de certaines infractions, la préfète de Meurthe-et-Moselle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. A... constituait une menace à l'ordre public de nature à justifier une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

15. En deuxième lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 du présent arrêt.

16. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 du présent arrêt.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions au fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, à la Préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

I. MARION

Le président,

G-V. VERGNE

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT03406


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03406
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : HAVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;24nt03406 ?
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