Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... C... et Mme G... A... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre les décisions du 23 février 2022 des autorités consulaires françaises à Téhéran, refusant de délivrer à Mme C... et à l'enfant E... des visas de long séjour au titre de la procédure de réunification familiale.
Par un jugement n°2213838 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 septembre 2023 et 6 février 2024, Mme C... et Mme A... épouse B..., représentées par Me Ahmadi, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les visas sollicités dans un délai de 48 h à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer leur demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elles soutiennent que :
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme B..., pour caducité de la demande, par une décision du 16 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A..., ressortissante afghane née en 1982, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision du 25 août 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Mme H... C..., ressortissante afghane née le 30 décembre 2002, qui allègue être la fille de Mme G... A..., a présenté, le 28 décembre 2021, une demande de visa pour elle-même et son enfant E..., née le 27 janvier 2021. Par deux décisions du 23 février 2022, les autorités consulaires françaises à Téhéran ont rejeté ces demandes de visa. Par une décision implicite née le 18 mai 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions des autorités consulaires. Par un jugement du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme H... C... et de Mme A..., épouse B..., tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née le 18 mai 2022 de la commission de recours. Mme H... C... et Mme A..., épouse B... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...)/ 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ". L'article L. 561-5 du même code dispose : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ".
3. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa version applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il ressort de l'accusé de réception de son recours administratif préalable obligatoire remis par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France à Mme C... que, pour rejeter implicitement son recours, la commission s'est appropriée le motif de refus de visa opposé par l'autorité consulaire, tiré de ce que le lien familial des demandeuses de visa avec la réunifiante, Mme A..., épouse B..., ne correspond pas à un des cas permettant l'obtention d'un visa dans le cadre de la procédure de réunification familiale, dès lors que Mme C... est mariée et qu'elle ne justifie pas, par les actes qu'elle produit, des liens de filiation vis-à-vis de Mme A..., épouse B....
6. Pour justifier de son lien de filiation à l'égard de la réunifiante, Mme C... a produit un document qu'elle présente comme une carte nationale d'identité (tazkira) délivrée le 30 décembre 2015 par les autorités afghanes. Ce document ne mentionne toutefois que les noms du père et du grand-père de l'intéressée. Si Mme C... produit, pour la première fois en appel, un certificat de naissance dressé le 26 décembre 2023 comportant, en outre, le prénom G... de sa mère, il précise que Mme C... est née dans la province de Logar. Ce lieu de naissance est toutefois distinct de celui indiqué par Mme A..., épouse B..., dans la fiche familiale de référence qu'elle a renseignée en janvier 2022 où elle a présenté Mme C... comme étant née à Kondoz, dans la province du même nom, ainsi que de celui indiqué dans l'attestation des autorités afghanes faisant état de la naissance de Mme C... dans un autre village, celui de Guzar Mowlavi Sarajuddin dans la province de Kundoz. Ces discordances sur le lieu de naissance, qui affectent tant le village que la province de naissance de Mme C..., sur lesquelles les requérantes n'apportent aucune explication, ne permettent pas de tenir pour établies les attestations du " chef de village ", dont le nom de la localité n'est pas précisé, selon lesquelles Mme C... serait la fille de Mme G... A... épouse B.... Par ailleurs, les quelques clichés photographiques, dépourvus de toute légende, les 4 mandats financiers produits ainsi que les 3 attestations insuffisamment circonstanciées ne sont pas de nature à établir l'existence du lien de filiation allégué par possession d'état.
7. Il résulte de ce qui précède que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en se fondant, pour refuser de délivrer les visas sollicités, sur ce que les liens de filiation de Mme C... et de l'enfant de cette dernière, le jeune E..., à l'égard de Mme A..., épouse B... ne sont pas établis. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder sur ce seul motif, qui est de nature à la justifier légalement.
8. Le lien de filiation de Mme C... et de l'enfant E... à l'égard de Mme A..., épouse B... n'étant pas établis, le moyen tiré de ce que les refus de visa porteraient une atteinte excessive au droit des requérantes au respect de leur vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et Mme G... A... épouse B... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... et Mme G... A... épouse B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ces dernières doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et de Mme G... A... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... C..., à Mme G... A... épouse B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02782