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04/04/2025 | FRANCE | N°23NT03436

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 04 avril 2025, 23NT03436


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... G... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 29 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions des autorités consulaires françaises à Bangui (Centrafrique) refusant de délivrer des visas de long séjour au titre de la réunification familiale aux enfants D... A... et C... A....





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ar un jugement n° 2214416 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 29 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions des autorités consulaires françaises à Bangui (Centrafrique) refusant de délivrer des visas de long séjour au titre de la réunification familiale aux enfants D... A... et C... A....

Par un jugement n° 2214416 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembre et le 15 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Roulleau, demande à la cour :

1°) Avant dire droit, d'ordonner une expertise biologique aux fins de déterminer l'existence du lien de filiation unissant M. A... et les jeunes D... et C... A... ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer aux enfants D... A... et C... A... les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques ainsi que par la possession d'état ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1, 9 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

- elle viole la recommandation B de l'acte final de la conférence de plénipotentiaires des Nations Unies sur le statut des réfugiés et apatrides de la Convention de Genève.

Par une ordonnance du 8 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite née le 29 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions des autorités consulaires françaises à Bangui (Centrafrique) refusant de délivrer des visas de long séjour au titre de la réunification familiale aux enfants D... A... et C... A.... M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur

dix-neuvième anniversaire. (...) ". L'article L. 561-4 du même code dispose que : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. (...) ". Aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

3. Il résulte de la combinaison de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et des articles L. 434-3 et L. 434-4 du même code, auxquels l'article L. 561-4 renvoie, que le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale, par ses enfants non mariés, y compris par ceux qui sont issus d'une autre union, à la condition que ceux-ci n'aient pas dépassé leur

dix-neuvième anniversaire à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été présentée. Les demandes présentées pour les enfants issus d'une autre union doivent en outre satisfaire aux autres conditions prévues par les articles L. 434-3 ou L. 434-4, le respect de celles d'entre elles qui reposent sur l'existence de l'autorité parentale devant s'apprécier, le cas échéant, à la date à laquelle l'enfant était encore mineur.

4. L'accusé de réception du recours formé par M. A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France indique qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il en résulte que la décision implicite de la commission, qui s'est substituée aux décisions des autorités consulaires, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de des décisions qui portent les mentions suivantes : " Vos déclarations conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale ".

5. Pour justifier de l'identité des enfants D... A... et C... A... et des liens de filiation les unissant au requérant ont été produits des jugements supplétifs d'actes de naissance n°s 3344 et 3345 rendus, le 25 mars 2016, par le tribunal de grande instance de Bangui, les actes de naissance établis sur transcription de ces jugements ainsi que les passeports qui ont été délivrés aux intéressés, le 7 février 2017, sur présentation de ces actes. Si les jugements supplétifs d'actes de naissance indiquent que le prénom du père des enfants est F... et non Amadou-Mando, les actes de naissances pris en transcription de ces jugements ont été rectifiés par des ordonnances de rectification d'erreur matérielle n°s 1824 et 1846 du 7 juillet 2016 du substitut du procureur du tribunal de grande instance de Bangui ordonnant au maire de cette ville de remplacer le prénom F... par Adamou-Mando. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établit pas, ni même n'allègue, que les actes ainsi produits seraient inauthentiques ou frauduleux. Par ailleurs, l'administration n'apporte aucun autre élément de nature à établir que les déclarations de M. A... révèleraient une tentative frauduleuse pour obtenir un visa. Par suite, c'est à tort que la commission s'est fondée sur ce motif pour rejeter le recours formé par M. A... contre les refus de visas opposés aux enfants.

6. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur et des outre-mer invoque, dans son mémoire en défense de première instance communiqué à M. A..., un autre motif, tiré de ce qu'aucun jugement de délégation parentale de la mère des enfants n'a été produit à l'appui de leurs demandes de visas.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui des demandes des visas des enfants D... A... et C... A... a été produit un acte de signification d'un jugement de délégation de l'autorité parentale, établi par un huissier de justice, le 21 octobre 2021. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'en première instance M. A... a produit ce jugement, ainsi que le certificat de non appel, établi par le greffier en chef de la cour d'appel de Bangui, le 25 novembre 2021. La circonstance qu'à l'occasion d'une précédente demande de visa, M. A... avait produit un autre jugement de délégation d'autorité parentale rendu, le 25 janvier 2018, par le tribunal de grande instance de Bangui ne suffit pas à établir le caractère frauduleux du jugement de délégation parentale du 13 juillet 2021. M. A... dispose ainsi d'une délégation de l'autorité parentale sur ses enfants mineurs, en vertu d'une décision de justice étrangère. Il n'y a pas lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motifs sollicitée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit l'expertise biologique sollicitée, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés aux jeunes D... A... et C... A... au titre de la réunification familiale. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite née le 29 septembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions des autorités consulaires françaises à Bangui (Centrafrique) refusant de délivrer des visas de long séjour au titre de la réunification familiale aux enfants D... A... et C... A... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de délivrer aux enfants D... A... et C... A... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. LE REOUR

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03436
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;23nt03436 ?
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