Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes et la société hospitalière d'assurances mutuelles, devenu groupe mutualiste Relyens à lui rembourser la somme de 61 312,53 euros qu'il a versée à M. B... A... en indemnisation des préjudices subis par ce dernier à raison des infections nosocomiales qu'il a contractées durant sa prise en charge au CHU de Nantes ainsi que la somme de 1 400 euros au titre des frais d'expertise amiable exposés par ce dernier avec intérêts à compter du 27 juin 2019, date de réception de sa demande indemnitaire préalable.
Par un jugement n°1911518 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2024, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2024 ;
2°) de condamner solidairement le CHU de Nantes et son assureur Relyens à lui rembourser la somme de 61 303,53 euros versée à M. A... en application des protocoles d'indemnisation des préjudices subis par M. B... A... à raison des infections nosocomiales contractés à l'hôpital ainsi que la somme de 1 400 euros au titre de ses frais d'expertise amiable, le tout assorti des intérêts à compter du 27 juin 2019, date de réception de sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes et de son assureur Relyens une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'accident médical non fautif qu'est l'extériorisation du boîtier du défibrillateur n'est pas à l'origine d'un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de M. A... supérieur à 24 % ni d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur à 50 % sur une période de plus de 6 mois consécutifs ou de 6 mois non consécutifs sur une période de douze mois ;
- les infections nosocomiales contractées par M. A... n'ont pas généré un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique supérieur à 25 % comme le prévoit l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique permettant une prise en charge au titre de la solidarité nationale si bien que c'est la responsabilité de l'hôpital qui est engagée en application de l'article L. 1142-1 I alinéa 2 de sorte que son recours subrogatoire à l'encontre du CHU de Nantes et de l'assureur Relyens, exercé sur le fondement de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, est fondé ;
- le remboursement de la somme de 61 312,53 euros versée à M. A... à titre d'indemnisation de ses préjudices, calculée selon le barème de l'ONIAM de même que du montant de 1 400 euros des frais d'expertise amiable est justifié ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2024, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme représentée par Me Meunier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2024 ;
2°) de condamner le CHU de Nantes et la société Relyens à lui verser une somme de 145 270,92 euros au titre de ses débours assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) de condamner le CHU de Nantes et la société Relyens à lui verser une indemnité forfaitaire de gestion de 1 191 euros ;
4°) de mettre à la charge du CHU de Nantes et de son assureur Relyens une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- qu'eu égard au taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 20 % lié aux infections nosocomiales contractées par M. A... au CHU de Nantes, elle est fondée à demander à l'établissement de santé le remboursement de ses débours, le mécanisme d'indemnisation au titre de la solidarité nationale n'ayant pas vocation à être engagé et le CHU de Nantes ne rapportant pas la preuve d'une cause étrangère ;
- elle est fondée à demander le remboursement à hauteur de 145 270,92 euros des prestations de soins strictement imputables aux infections nosocomiales de M. A... telles qu'attestées par le médecin conseil de la sécurité sociale ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale et l'arrêté du 18 décembre 2023 à hauteur de 1 191 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2024, le CHU de Nantes et la société Relyens, représentés par Me Le Prado, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête de l'ONIAM ;
2°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que dès lors que l'infection nosocomiale trouve son origine dans l'accident médical non fautif qu'est l'extériorisation du boîtier de défibrillation et donc dans un fait antérieur sans lequel elle n'aurait pas pu être contractée, ses conséquences doivent regardées comme étant les conséquences de l'accident médical non fautif antérieur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 23 décembre 2024 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2025 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- les observations de Me Demailly, substituant Me Le Prado représentant le CHU de Nantes et la société Relyens et de Me Nguyen, substituant Me Meunier, représentant la CPAM du Puy-de-Dôme.
Considérant ce qui suit :
1. En 2009, à la suite de l'injection de médicaments anticancéreux destinés à soigner un lymphome, M. B... A..., né en 1968, a développé, une cardiopathie qui a nécessité l'implantation d'une sonde de stimulation ventriculaire (défibrillateur), le 30 avril 2010, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes. En raison d'un risque d'extériorisation du boîtier de son défibrillateur, il a subi, le 10 mars 2011, une opération d'explantation de son boîtier dans le même hôpital. Le 19 avril 2011, des électrodes ont été réimplantées sur son épicarde par sternotomie. A la suite de cette opération, M. A... a souffert d'une infection par une bactérie Staphylocoque epidermidis qui a été traitée par antibiotiques avec succès en 38 jours. Le 1er mai 2011, il a contracté une infection urinaire par Escherichia coli qui a été également traité avec succès par antibiotiques en 15 jours. Il a ensuite été hospitalisé, toujours au sein du CHU de Nantes, du 13 au 18 juin 2012, pour une fracture de la sonde ventriculaire droite de son défibrillateur et une nouvelle sonde lui a été implantée, le 6 juillet 2012. A la suite de cette opération, M. A... a subi une nouvelle complication d'origine bactérienne due à un Staphylococcus aureus. Le 6 août 2012, une ablation du matériel a été pratiquée et une antibiothérapie avec aspiration sous-vide a été mise en œuvre. Malgré le retrait du matériel et l'antibiothérapie, M. A... a connu deux nouveaux épisodes de sepsis liés au staphylocoque doré, l'intéressé a dû subi deux nouvelles hospitalisations, du 15 octobre au 15 novembre 2012 puis du 6 au 28 février 2013. La sonde du pacemaker épicardique lui a été retirée le 11 février 2013. A la suite de ce retrait, M. A... a demandé, le 25 février 2014, à la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) des Pays de la Loire de l'indemniser de ses préjudices. Par un avis du 23 septembre 2015, la CCI des Pays-de-la-Loire a considéré que M. A... avait été victime d'un accident médical non fautif et d'infections nosocomiales ayant entraîné un déficit fonctionnel permanent de 20 % qui relevaient de l'engagement de la solidarité nationale. L'ONIAM a indemnisé M. A... de ses préjudices à hauteur de la somme de 61 321,53 euros, ainsi qu'il ressort des termes des protocoles transactionnels conclus avec M A..., et l'a défrayé de ses frais d'expertise amiable à hauteur de 1 400 euros en vertu de deux protocoles transactionnels des 11 et 22 février 2016 signés avec l'intéressé. Par une réclamation du 24 juin 2019, l'ONIAM a, dans sa réclamation indemnitaire préalable, demandé au CHU de Nantes de le rembourser des sommes de 61 312,53 euros et 1 400 euros versées à M. A.... En l'absence de réponse du CHU, il a ensuite saisi le tribunal administratif de Nantes, dans le cadre de l'action subrogatoire prévue à l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, pour lui demander de condamner le CHU de Nantes à le rembourser des sommes versées à M. A.... L'ONIAM fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes du 1er février 2024 a rejeté sa demande. La CPAM du Puy-de-Dôme réitère en appel ses conclusions aux fins de remboursement des débours liés aux infections nosocomiales de M. A....
Sur le recours subrogatoire de l'ONIAM :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale (...)/ 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens de ces dispositions une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. ".
3. Il résulte de l'instruction que les trois épisodes d'infections nosocomiales subies par M. A... ont pour origine la bactérie Staphylococcus aureus qui était présente dans le matériel de défibrillation et font suite à l'opération d'implantation d'une nouvelle sonde de stimulation cardiaque intervenue le 6 juillet 2012. Ces infections ont généré un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique de 20 %, soit un taux inférieur à celui de plus de 25 % prévu par les dispositions susmentionnées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique permettant une prise en charge au titre de la solidarité nationale. Par suite, alors que ces infections n'ont pas d'autre origine que la prise en charge de M. A... le 6 juillet 2012 par le CHU de Nantes, la responsabilité sans faute de l'hôpital est engagée sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la cause directe de cette infection à savoir l'extériorisation mécanique du défibrillateur interne en mars 2011 qui a généré les interventions chirurgicales successives postérieures de réimplantation du matériel de défibrillation.
4. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 1142-17 du même code : " [...] Si l'office qui a transigé avec la victime estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de produits de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 1142-14 est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci.... " et du premier alinéa de l'article L. 1142-14 du même code : " Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l'article L. 1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance. ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM dispose d'une action subrogatoire à l'encontre de l'établissement de santé et de son assureur pour obtenir le remboursement des sommes, mentionnées au point 3 du présent arrêt, qu'il a exposées pour indemniser les préjudices subis par M. A... du fait des infections nosocomiales ayant généré un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 20 %. Par suite, l'ONIAM est fondé à demander la condamnation solidaire du CHU de Nantes et de son assureur, la société Relyens, à lui rembourser, comme il le demande, la somme totale de 61 303,53 euros versée à titre d'indemnisation des préjudices subis par M. A... ainsi que le montant de 1 400 euros des frais d'expertise amiable exposés par la victime. Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2019, date de réception de sa demande indemnitaire préalable.
Sur les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme :
En ce qui concerne les débours :
6. Il résulte de l'état des débours de la CPAM du Puy-de-Dôme et de l'attestation d'imputabilité du médecin conseil de la sécurité sociale que cette dernière est fondée à demander le remboursement à hauteur de 145 270,92 euros des prestations de soins strictement imputables aux infections nosocomiales subies par M. A....
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
7. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de mettre à la charge du CHU de Nantes la somme de 1 212 euros qui sera versée à la CPAM du Puy-de-Dôme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que l'ONIAM et la CPAM du Puy-de-Dôme sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande respective de remboursement de l'indemnité de 61 312,53 euros et des frais d'expertise amiable de 1 400 euros, d'une part, et des débours de la sécurité sociale à hauteur de 145 270,92 euros, d'autre part.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au CHU de Nantes de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Nantes le versement d'une somme de 1 500 euros tant à l'ONIAM qu'à la CPAM du Puy-de-Dôme au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1911518 du 1er février 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Le CHU de Nantes et la société Relyens sont condamnés à rembourser à l'ONIAM les sommes de 61 303,53 euros et 1 400 euros, assortis des intérêts à compter du 27 juin 2019.
Article 3 : Le CHU de Nantes versera à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 145 270,92 euros en remboursement de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2020 (enregistrement du mémoire de la CPAM en première instance).
Article 4 : Le CHU de Nantes et la société Relyens verseront à la CPAM du Puy-de-Dôme une somme de 1 212 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Le CHU de Nantes et la société Relyens verseront à l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le CHU de Nantes et la société Relyens verseront à la CPAM du Puy-de-Dôme une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'ONIAM, au CHU de Nantes, à la société Relyens, à la CPAM du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00926