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04/04/2025 | FRANCE | N°24NT02566

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 04 avril 2025, 24NT02566


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le président du conseil régional de Bretagne a déféré M. B... au tribunal administratif de Rennes, en application des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, et a demandé à la juridiction de le condamner, en application des dispositions de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, au paiement de l'amende de 1 500 euros prévue pour la contravention de 5ème

classe par l'article L. 131-13 du code pénal, en raison de l'occupation illégale par son...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le président du conseil régional de Bretagne a déféré M. B... au tribunal administratif de Rennes, en application des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, et a demandé à la juridiction de le condamner, en application des dispositions de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, au paiement de l'amende de 1 500 euros prévue pour la contravention de 5ème classe par l'article L. 131-13 du code pénal, en raison de l'occupation illégale par son navire du domaine public fluvial régional, et de lui enjoindre de remettre les lieux en état, ou, à défaut, de payer à la Région Bretagne, en sa qualité de gestionnaire du domaine, les frais d'enlèvement et de la remise en état d'office.

Par un jugement n°2306890 du 15 juillet 2024, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a relaxé M. B... des fins de la poursuite et mis à la charge de la Région Bretagne une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 août 2024, la Région Bretagne, représentée par le président du Conseil régional de Bretagne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 juillet 2024 ;

2°) de constater que les faits établis par le procès-verbal constituent la contravention de grande voirie, prévue et réprimée par les dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, et de condamner M. B... au paiement d'une amende d'un montant de 1 500 euros, sous astreinte ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le directeur des affaires juridiques et de la commande publique de la Région Bretagne était régulièrement habilité pour engager les poursuites à l'encontre de M B....

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Le Guen, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation, de ramener l'amende à un plus juste montant ;

3°) de mettre à la charge de la Région Bretagne la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, faute pour le président du conseil régional de justifier de sa qualité à agir en justice au nom de la Région, et, à supposer qu'il ait été habilité par le conseil régional pour ce faire, il n'est pas démontré qu'il a régulièrement délégué sa signature au directeur des affaires juridiques et de la commande publique, signataire de la requête d'appel, à l'effet de signer les requêtes d'appel ;

- la procédure d'engagement des poursuites à son encontre est irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que M. C..., directeur des affaires juridiques et de la commande publique, était régulièrement habilité pour engager des poursuites à son encontre ; le préfet avait jusqu'au 10 juin 2023 pour lui notifier le procès-verbal d'infraction et n'a pas respecté ce délai ; il n'a d'ailleurs pas reçu notification de ce procès-verbal ;

- l'infraction qui lui est reprochée n'est pas caractérisée ; en tout état de cause, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public lui a été délivrée le 25 juillet 2024, entraînant l'extinction de l'infraction ;

- le montant de l'amende est disproportionné ;

- s'agissant de l'action domaniale, il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur publique,

- et les observations de Me Le Guen, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 31 mai 2023 et notifié le 22 décembre 2023, les services de la Région Bretagne ont constaté que le navire de M. B..., qui occupait illégalement le domaine public fluvial régional depuis octobre 2021 malgré les diligences accomplies par l'autorité gestionnaire pour faire cesser cette occupation, continuait de stationner sans autorisation quai Duguay-Trouin sur le territoire de la commune de Redon. Le même jour que l'établissement de ce procès-verbal, M. B... a été mis en demeure de quitter le domaine public fluvial dans un délai de deux mois. Cette mise en demeure étant restée sans effet, le président du conseil régional de Bretagne a déféré M. B... devant le tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie et a demandé à la juridiction, d'une part, de condamner l'intéressé au paiement de la peine d'amende prévue par les articles L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et 131-3 du code pénal, en raison de l'occupation illégale par son navire du domaine public fluvial, et, d'autre part, de lui enjoindre de remettre les lieux en état, ou, à défaut, de payer à la Région Bretagne, en sa qualité de gestionnaire du domaine, les frais d'enlèvement du navire et de remise en état des lieux. Par un jugement du 15 juin 2024 dont la Région Bretagne relève appel, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a relaxé M. B... des fins de la poursuite et mis à la charge de la Région Bretagne une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / . / (...) Pour le domaine public fluvial défini aux articles L. 2111-7 à L. 2111-11 du code général de la propriété des personnes publiques appartenant aux collectivités territoriales et à leurs groupements, le président de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement est compétent concurremment avec le représentant de l'Etat dans le département. (...) /... / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ". L'article L 4231-3 du code général des collectivités territoriales dispose que " Le président du conseil régional est seul chargé de l'administration. Il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses fonctions aux vice-présidents et, en l'absence ou en cas d'empêchement de ces derniers (...) à d'autres membres du conseil régional. (...) / Le président du conseil régional est le chef des services de la région. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services. ". Enfin, aux termes de l'article L. 4231-4 du même code : " Le président du conseil régional gère le domaine de la région ".

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas d'atteinte au domaine public fluvial ou à une dépendance d'un port relevant d'une région, il incombe au président du conseil régional ou à la personne qu'il délègue, concurremment avec le représentant de l'Etat dans le département, de notifier au contrevenant la copie du procès-verbal constatant les faits puis d'adresser l'acte de notification au juge des contraventions de grande voirie.

4. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 31 mai 2023 à l'encontre de M. D... B... a été notifié à celui-ci par un courrier du 20 décembre 2023 signé, pour le président du conseil régional et par délégation, par M. A... C..., directeur des affaires juridiques et de la commande publique. Cet acte de notification a été adressé au tribunal administratif de Rennes le même jour, déférant ainsi M. B... à ce tribunal en tant que prévenu d'une contravention de grande voirie. Invité par le greffe de la juridiction à justifier de la délégation de signature lui permettant de saisir le tribunal, la Région a produit une copie de l'arrêté de délégation de signature signé par le président du conseil régional, en date du 11 octobre 2023. Cet arrêté dispose à son article 1er que délégation permanente de signature est donnée par le président du conseil régional à tous les directeurs des services régionaux qu'il désigne, " dans la limite des attributions dévolues à leurs directions à l'exception des rapports au conseil régional et à la commission permanente ainsi que des arrêtés comportant des dispositions réglementaires de portée générale ". Il mentionne, dans son annexe 1, les noms de ces chefs de services délégataires, parmi lesquels M. A... C..., directeur des affaires juridiques et de la commande publique, dont les attributions ne sont pas précisées, mais également Mme E... et MM. Moy et Girard, respectivement directrice des ports, directeur des canaux de Bretagne et directeur des transports et des mobilités, ces trois derniers fonctionnaires étant explicitement habilités à signer tout acte de police de la conservation du domaine public portuaire ou fluvial régional. Il n'a pas été répondu utilement par la Région au moyen du requérant tiré de ce que M. C... n'était pas compétent pour " engager des poursuites dans un domaine ne relevant pas de ses attributions ", ni à la mesure d'instruction par laquelle la cour a demandé à cette collectivité de justifier des attributions et missions de la direction des affaires juridiques et de la commande publique et de son directeur. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, la Région Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné du tribunal administratif de Rennes a relaxé M. B... de la poursuite engagée contre lui au motif que celle-ci n'avait pas été engagée par l'autorité compétente. Si le vice tenant à la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie par une autorité incompétente était susceptible d'être régularisé par la saisine de la juridiction par l'autorité compétente, tel n'a pas été le cas alors que les écritures de la Région Bretagne devant le tribunal administratif de Rennes ont été présentées sous la seule signature de M. A... C..., dont il n'est pas justifié de la compétence pour engager une telle action par délégation du président du conseil régional.

5. Il résulte de ce qui précède que la Région Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a relaxé M. B... des fins de la poursuite engagée contre lui.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par la Région Bretagne pour les besoins du litige. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Région Bretagne, au bénéfice de M. B..., une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Région Bretagne est rejetée.

Article 2 : La Région Bretagne versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la Région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.

Le rapporteur,

G-V. VERGNELa présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au préfet de la Région Bretagne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02566
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;24nt02566 ?
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