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25/04/2025 | FRANCE | N°24NT00508

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 25 avril 2025, 24NT00508


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er mars 2021 du directeur du centre hospitalier de Saint-Méen-le-Grand prononçant à son encontre un blâme ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2103796 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregis

trés les 20 février 2024 et 26 mars 2025, Mme C..., représentée par Me Bon-Julien, demande à la cour :



1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 1er mars 2021 du directeur du centre hospitalier de Saint-Méen-le-Grand prononçant à son encontre un blâme ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2103796 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2024 et 26 mars 2025, Mme C..., représentée par Me Bon-Julien, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 décembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 1er mars 2021 ainsi que le rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Brocéliande de procéder au retrait du blâme prononcé à son encontre de son dossier administratif dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Brocéliande le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne lui a pas été précisé qu'elle pouvait garder le silence lors de l'entretien préalable, en méconnaissance des dispositions de l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- cette décision est illégale en ce qu'elle n'a commis aucune faute en mettant à disposition du personnel de l'EHPAD des masques FFP2 en période de crise sanitaire et en présence d'un cluster.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2025, le centre hospitalier de Brocéliande, venant aux droits du centre hospitalier de Saint-Méen-le-Grand, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- vu l'article 9 la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- les observations de Me Semino, substituant Me Bon-Julien, représentant Mme C...,

- et les observations de Me Chenaoui, substituant Me Lesné, représentant le centre hospitalier de Brocéliande.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., aide-soignante titulaire de la fonction publique hospitalière, exerce ses fonctions au sein de l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) " la Fontaine Costard ", qui était rattaché au centre hospitalier de Saint-Méen-le-Grand, lequel depuis le 1er janvier 2022 a fusionné avec le centre hospitalier de Montfort sur Meu pour devenir le centre hospitalier de Brocéliande. Le 1er mars 2021, une sanction disciplinaire, consistant en un blâme, a été prise à son encontre. L'intéressée a contesté cette décision ainsi que le rejet de son recours gracieux devant le tribunal administratif de Rennes. Elle relève appel du jugement du 22 décembre 2023, par lequel les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article D. 6143-35 du code de la santé publique : " Les délégations mentionnées à la présente sous-section, de même que leurs éventuelles modifications sont (...)publiées par tout moyen les rendant consultables (...) ". Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 6 janvier 2021 de la directrice générale du centre hospitalier universitaire de Rennes et des centres hospitaliers de Monfort-sur-Meu et Saint-Méen-le-Grand, une délégation de signature a été donnée au directeur adjoint, directeur délégué des centres hospitaliers de Monfort-sur-Meu et Saint-Méen-le-Grand, et en son absence ou empêchement à Mme E..., directrice adjointe, à l'effet de signer toutes correspondances, tous actes et documents administratifs nécessaires à la bonne marche de ces centres hospitaliers, à l'exception certaines décisions parmi lesquelles ne figure pas les sanctions disciplinaires prises à l'encontre du personnel soignant. Si en vertu de l'article 7 de cette décision, il était prévu que cette délégation de signature sera affichée sur un panneau situé au rez-de-chaussée du bâtiment de la direction générale du centre hospitalier universitaire de Rennes et publiée sur les sites intranet et internet de cet établissement, le centre hospitalier justifie de l'accomplissement de ces formalités par la production d'une attestation d'une attachée d'administration hospitalière de cette direction. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction litigieuse, qui a été signée par Mme E..., aurait été prise par une autorité incompétente, manque en fait, et ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ". Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, et le principe des droits de la défense. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu de ces principes, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit.

4. La décision contestée indique que le 19 janvier 2021, Mme C... a mis à la disposition du personnel présent de l'EHPAD de la Fontaine Costard où elle était affectée, des maques FFP2 périmés qu'elle était allée chercher dans les stocks du garage de l'établissement. Elle précise que l'intéressée a reconnu les faits qui lui sont reprochés lors de son entretien préalable du 11 février 2021. Toutefois, la matérialité des faits reprochés à cette aide-soignante ne résulte pas de ses propres déclarations mais du rapport circonstancié rédigé le 19 janvier 2021 par Mme B..., infirmière coordinatrice et Mme D..., cadre de santé de cet établissement. Par suite, la circonstance, à la supposée établie, que Mme C... n'aurait pas été informée qu'elle pouvait garder le silence lors de son entretien préalable, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. / (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Pour justifier son geste, Mme C... se prévaut du climat de tension qui sévissait au sein de l'Ehpad en raison de la contamination de plusieurs résidents et personnels par le virus du Covid-19 et de l'absence de mise à leur disposition des masques prévus par la note de service du 15 janvier 2021. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, le 14 janvier 2021, il avait été expressément indiqué à Mme C..., par l'infirmière coordinatrice de l'établissement, qu'elle ne devait pas utiliser et mettre à la disposition des agents du service les masques FFP2 périmés qui étaient stockés dans le garage de l'établissement. Or, il est constant que le 19 janvier 2021, lors de sa prise de fonction vers 6h45, l'intéressée est, de nouveau, allée chercher ces masques pour les proposer à ses collègues. Si Mme C... fait valoir qu'à son arrivée, les masques disponibles étaient placés sous clé, elle n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de contacter une infirmière ou un cadre de santé afin d'obtenir soit l'accès au placard dans lesquels ils se trouvaient, soit d'attendre la venue de cet agent. De même, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que lors d'une réunion qui s'est tenue le 26 mars 2020, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avait admis l'usage de masques FFP2 périmés dès lors que cet avis avait été rendu dans un contexte de début de pandémie et alors qu'il n'existait à cette époque pas ou peu d'équipements de protection suffisants pour le personnel hospitalier et qu'il n'est pas contesté que la dotation du service à la date des faits litigieux était suffisante et cohérente par rapport au protocole sanitaire validé par la direction. Par suite, le comportement inadapté et réitéré de Mme C... était constitutif d'un manquement à ses obligations d'obéissance hiérarchique et justifiait le prononcé d'une sanction disciplinaire. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors même que l'intéressée n'avait auparavant fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, que le blâme prononcé à son encontre, qui constitue l'une des sanctions les plus faibles prévues à l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, serait disproportionné, alors que le centre hospitalier souligne l'incidence négative des faits reprochés à Mme C... sur le fonctionnement du service dans un contexte de crise sanitaire.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Brocéliande, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme C... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier de Brocéliande.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2025.

La rapporteure,

V. GELARDLa présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00508
Date de la décision : 25/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : BON-JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-25;24nt00508 ?
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