La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2025 | FRANCE | N°24NT03278

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 25 avril 2025, 24NT03278


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2402455 du 30 mai 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Pr

océdure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 22 novembre 2024, Mme B..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 avril 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2402455 du 30 mai 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2024, Mme B..., représentée par Me Le Bourhis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 mai 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder ou de faire procéder au retrait des informations la concernant du système d'information Schengen dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire aux dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant son pays de renvoi est contraire aux dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu l'étendue de ses compétences en s'estimant lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas produit de défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise (République Démocratique du Congo), relève appel du jugement du 30 mai 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit (...) ".

3. L'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment l'article L. 611-3, dont il est fait application. Il rappelle les éléments de fait propres à la situation personnelle et familiale de Mme B.... Si l'intéressée soutient que cette décision ne fait état ni de son homosexualité, ni de sa relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, le préfet n'est toutefois pas tenu d'indiquer l'ensemble des informations dont il a connaissance et qui se rapporte à la situation de la personne concernée. En outre, il a clairement précisé, d'une part, que l'intéressée avait déclaré être célibataire et, d'autre part, que ses liens personnels et familiaux en France ne présentaient pas, à la date de sa décision, un caractère ancien et stable. Par suite, cet arrêté énonce de manière suffisamment précise les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Il est dès lors suffisamment motivé. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée et de la méconnaissance de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions n'impliquaient pas l'obligation pour le préfet de statuer expressément, dans sa décision, sur le droit au séjour de Mme B..., doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

5. Mme B..., qui a déclaré être entrée en France le 10 février 2023, ne conteste pas que ses quatre enfants, nés dans son pays d'origine, de son union avec un compatriote, ne résident pas sur le territoire français. Si elle se prévaut de son homosexualité et soutient avoir une compagne de nationalité congolaise qui dispose en France d'une carte de résident en sa qualité de réfugiée, elle indique elle-même que cette relation n'a commencé que le 4 août 2023. Par ailleurs, en dépit du soutien d'une association d'aide aux migrants de Redon, où elle réside, Mme B... n'apporte pas d'élément permettant de considérer qu'elle y a tissé des liens personnels d'une particulière intensité, ni qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale en République démocratique du Congo, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, et alors même que Mme B... justifie d'un suivi médical et médicamenteux mis en place à son arrivée en France pour un stress post-traumatique, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

Sur les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi :

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

7. Mme B... soutient être dans l'impossibilité de vivre dans son pays d'origine du fait de son homosexualité et des agressions qu'elle y aurait subies en raison de sa relation amoureuse avec la femme d'un général de l'armée. Toutefois, tant l'OFPRA que la CNDA ont estimé, dans des décisions des 11 septembre 2023 et 29 janvier 2024, que l'intéressée décrivait de manière évasive et non circonstanciée les persécutions dont elle indique avoir été victime dans son pays d'origine, alors que d'autres compatriotes évoquent strictement la même relation et le même parcours migratoire. Par ailleurs, l'attestation du 18 novembre 2024 de l'association ISKIS- Centre LGBTI+ de Rennes, dont Mme B... est membre depuis 2023, se borne à faire état de sa participation aux permanences hebdomadaires et aux évènements qu'elle organise en France. De même, si la requérante fait l'objet d'un accompagnement depuis le mois de février 2024 par l'amicale du Nid Bretagne pour sortir de la prostitution, ces démarches accomplies en France ne permettent pas de corroborer ses allégations quant aux risques qu'elle pourrait personnellement encourir en cas de retour dans son pays d'origine, où aucune loi ne pénalise l'homosexualité et où il n'est pas démontré qu'elle serait contrainte de se prostituer. Enfin, si cette dernière produit des certificats médicaux du service de permanence d'accès aux soins de santé (Pass) du centre hospitalier de Redon-Carentoir, du centre médico-psychologique de Redon, du centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes ainsi qu'une attestation d'un psychologue du centre d'accueil pour demandeurs d'asile Coallia de Rennes, établis au cours des années 2023 et 2024, ces justificatifs, qui se fondent sur ses propres déclarations, ne permettent pas de considérer que le stress post-traumatique dont elle souffre, et qui nécessite un traitement médicamenteux, trouverait son origine dans des agressions subies dans son pays d'origine à raison de son orientation sexuelle. Il s'ensuit que Mme B... n'établit pas la réalité des risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu l'étendue de ses compétences en s'estimant lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile présentée par Mme B....

Sur les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

8. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français./ Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Par ailleurs, l'article L. 612-10 du même code dispose : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. "

9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, et alors même que Mme B... n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français et ne présente pas de menace à l'ordre public, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction, et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 avril 2025.

La rapporteure,

V. GELARDLa présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La présidente,

C. BRISSON La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT03278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03278
Date de la décision : 25/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-25;24nt03278 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award