Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions des 13 décembre 2021 et 22 juillet 2022 par lesquelles la directrice de l'établissement public de santé mentale (EPMS) G... de A... a prononcé son exclusion définitive.
Par un jugement n° 2200729 du 23 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2024, Mme E..., représentée par Me Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2024 ;
2°) d'annuler les décisions des 13 décembre 2021 et 22 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à l'EPMS B... de la réintégrer en qualité d'aide-soignante stagiaire à compter du 1er janvier 2022, d'effacer toute mention de cette sanction disciplinaire dans son dossier administratif et de régulariser sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'EPSM B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions contestées sont intervenues au cours d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de consulter l'ensemble des pièces de son dossier et notamment le rapport circonstancié du 30 août 2021 qui ne lui a pas été communiqué ; de même le compte-rendu rédigé à la suite de son entretien du 13 septembre 2021 ne lui a pas été communiqué avant la tenue du conseil de discipline ; enfin, le rapport disciplinaire ne lui a été transmis que le jour du conseil de discipline ;
- ces décisions sont insuffisamment motivées ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur de qualification juridique des faits, dès lors que les griefs formulés à son encontre ne constituent pas des actes de maltraitance et ne sont pas susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur de fait dès lors que contrairement à ce qu'elles indiquent, le conseil de discipline n'a pas unanimement proposé la sanction prononcée à son encontre ;
- la sanction litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation et n'est pas proportionnée aux faits qui lui sont reprochés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2024, l'établissement public de santé mentale (EPSM) I... B... de A... (Morbihan), représenté par Me Péquignot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de
Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n °97-487 du 12 mai 1997 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- et les observations de Me Houdyer, substituant Me Péquignot, représentant l'EPSM.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été recrutée à compter du 1er décembre 2016 par l'établissement public de santé mentale (EPSM) H... (Morbihan) dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité d'aide-soignante. Elle est affectée depuis cette date dans l'unité de soins de longue durée (USLD) D..., qui accueille 50 patients vulnérables avec qui la communication est parfois très difficile. Le contrat de Mme E... a été renouvelé jusqu'à la fin du mois de février 2021. En effet, à compter du 1er mars 2021, l'intéressée qui a souhaité être titularisée, a été nommée en qualité d'aide-soignante stagiaire. A la suite d'un rapport de la cadre de santé dont relève cette agente, concernant son comportement vis à vis de certains patients, Mme E... a été convoquée par la directrice des ressources humaines de l'établissement à un entretien préalable fixé au 13 septembre 2021. Elle a été suspendue provisoirement de ses fonctions dans l'attente de la réunion du conseil de discipline. L'intéressée a toutefois été placée en arrêt de travail du 19 octobre au 30 novembre 2021. Par des courriers des 4 et 24 novembre 2021, elle a été convoquée devant le conseil de discipline. La réunion de cette instance a été fixée au 30 novembre 2021. Par une décision du 13 décembre 2021, la directrice de l'EPSM a prononcé l'exclusion définitive Mme E... avec effet au 1er janvier 2022. Le 10 février 2022, l'intéressée a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Rennes. Au cours de cette instance, une nouvelle décision datée du 22 juillet 2022 a été prise. Elle prononce l'exclusion définitive de l'intéressée de l'établissement à la date du 16 août 2022 mais rappelle de façon plus précise les griefs formulés contre cette aide-soignante stagiaire. Il lui est reproché d'avoir mis sa main sur la bouche et le nez d'une patiente et d'avoir tenu des propos sur un ton inadapté le 8 juillet 2021, d'être suspectée d'avoir réitéré ce geste le 13 juillet 2021 et d'avoir malmené délibérément à deux reprises, le 9 août 2021, un patient en fauteuil roulant ayant conduit à lui heurter le bras et enfin, d'avoir de nouveau tenu des propos inappropriés à l'encontre de résidents. Mme E... a également contesté cette décision dans l'instance en cours. Par un jugement du 23 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Il a notamment considéré que par sa décision du 22 juillet 2022 l'établissement avait entendu retirer sa décision du 13 décembre 2021 et que, la décision du 22 juillet 2022 n'étant pas illégale, les conclusions dirigées contre celle du 13 décembre 2021 étaient devenues sans objet. Mme E... ne conteste pas cette analyse, mais relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions dirigées contre la sanction litigieuse.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En lieu premier lieu, Mme E... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 6 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " Lorsqu'elle engage une procédure disciplinaire, l'administration doit informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication de l'intégralité de son dossier individuel et qu'il peut se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un premier courrier du 2 septembre 2021, Mme E... a été informée par la directrice des ressources humaines de l'EPSM qu'elle avait reçu un rapport daté du 30 août 2021 mettant en cause sa manière de servir. L'intéressée a été invitée à en prendre connaissance et conviée à un entretien fixé le 13 septembre 2021. Un second courrier lui a été adressé le 4 novembre 2021, l'informant qu'une procédure disciplinaire allait être engagée à son encontre. Il précise que le rapport disciplinaire et les documents qui décrivent les faits qui lui sont reprochés y sont annexés et que l'intéressée peut avoir " accès à [son] dossier administratif à la direction des ressources humaines sur simple demande écrite adressée au secrétariat " et peut le consulter aux jours et horaires ouvrables du service. Il est constant que Mme E... a consulté son dossier administratif le 22 novembre 2021. L'intéressée ne conteste pas que les pièces mentionnées ci-dessus figuraient dans son dossier. Par suite, et à supposer même que ces documents mentionnés dans les courriers des 2 septembre et 4 novembre 2021 n'y figuraient pas en annexe, elle avait connaissance, si ce n'est de leur contenu, au moins de leur existence. Elle pouvait ainsi en demander une copie avant la tenue du conseil de discipline. Il s'ensuit que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière aux motifs qu'elle n'aurait pas pu consulter l'ensemble des pièces de son dossier et que le rapport circonstancié du 30 août 2021 ne lui aurait pas été communiqué. Par ailleurs, les circonstances que le compte-rendu rédigé à l'issue de son entretien du 13 septembre 2021 ne lui aurait pas été communiqué avant la tenue du conseil de discipline et que le rapport disciplinaire ne lui aurait été transmis que le jour du conseil de discipline sont sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire dès lors qu'elle avait une connaissance suffisante des faits qui lui étaient reprochés pour assurer correctement sa défense.
5. En troisième lieu, la requérante conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés et qui ont été rappelés au point 1. Elle reconnaît uniquement les actes commis le 8 juillet 2021, qui ont été relatés par une collègue aide-soignante, qui a signé son témoignage, et qui travaillait avec elle à cette date en binôme. La requérante était présente dans la chambre n° 30 au moment des faits incriminés. Cette agente indique que la patiente de cette chambre criait beaucoup, comme à son habitude, et que Mme E... lui a dit sur un ton virulent " tais-toi " et a posé sa main sur le nez et la bouche de la patiente pendant une dizaine de secondes. Le 13 juillet suivant, une aide-soignante se trouvant dans la chambre n° 29, a indiqué avoir entendu " des cris inhabituels " dans la chambre n° 30 où se trouvait Mme E... et avoir eu l'impression qu'on étouffait des cris. Bien qu'elle n'était pas présente aux côtés de l'intéressée, cette collègue a néanmoins attesté de ces éléments dans une déclaration qu'elle a signée. Enfin, le 9 août 2021, Mme E... a bousculé, à deux reprises, un patient en fauteuil roulant dans un couloir alors qu'elle voulait passer avec une autre patiente également en fauteuil. Elle est ensuite allée rechercher une patiente qui avait quitté la salle à manger en lui disant sur un ton véhément, " je ne vais pas vous courir après toutes les 5 minutes ". Ces faits sont attestés par un kinésithérapeute qui était présent au moment des faits et s'est dit profondément choqué par le comportement de la requérante. Il a également signé son témoignage rédigé le 10 août 2021. Si la requérante se prévaut du témoignage d'une infirmière, et de deux autres collègues, indiquant qu'elles n'ont jamais été témoins de maltraitance sur les patients de la part de Mme E..., ces attestations ne suffisent pas à remettre en cause les faits précis qui lui sont reprochés et qui sont attestés par des témoins directs ou très proches. Dans ces conditions, les faits mentionnés dans le rapport circonstancié du 30 août 2021 rédigé par la cadre de santé de l'USLD, et visé par le cadre supérieur de santé du pôle de psychiatrie, doivent être regardés comme établis.
6. En quatrième lieu, les propos et les gestes inappropriés de Mme E... à l'encontre de plusieurs résidents, constituent, contrairement à ce qui est soutenu, des actes de maltraitance à l'encontre de personnes vulnérables en raison de leurs pathologies psychiatriques. Ils sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.
7. En cinquième lieu, si Mme E... soutient que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique que le conseil de discipline n'a pas unanimement proposé la sanction prononcée à son encontre, la décision du 22 juillet 2022, contrairement à celle du 13 décembre 2021, précise que " le conseil de discipline le 30 novembre 2021 n'est pas parvenu à une majorité lors de la mise aux voix des propositions de sanction ". Par suite, ce moyen manque en fait et ne peut qu'être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 12 mai 1997 : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées à l'agent stagiaire sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de deux mois, avec retenue de rémunération à l'exclusion du supplément familial de traitement ; 4° L'exclusion définitive. ".
9. Il est constant que Mme E... ne présentait aucun antécédent disciplinaire et n'avait fait l'objet d'aucun rapport d'incident jusqu'à cette date, que ses évaluations professionnelles annuelles depuis 2016 étaient " positives " et qu'elle était décrite par la cadre de santé du service comme une professionnelle rigoureuse et appliquée dans l'exécution de ses tâches. Il est toutefois constant que les faits litigieux ont été commis de manière répétée sur une très courte période d'un peu plus d'un mois, par une agente, bien que nommée aide-soignante stagiaire depuis le 1er mars 2021, qui connaissait le service et les résidents qui y étaient accueillis, pour y travailler depuis 2016. A cet égard, l'intéressée avait été sensibilisée, notamment en 2019 et 2020, tant sur les pathologies psychiatriques de ces patients que sur la prévention des actes de maltraitance. Elle reconnaît d'ailleurs qu'elle connaissait la procédure consistant à faire appel à une collègue en cas de difficultés avec un patient et avoir décliné l'aide de ses binômes présents au moment des faits. Mme E... admet être " hyperactive ", " speed ", et avoir besoin de canaliser son énergie mais minimise l'importance de ses propos et gestes en indiquant que la maltraitance est quotidienne dans ce service. Si lors de sa séance du 30 novembre 2021, le conseil de discipline a refusé de se prononcer en faveur d'une sanction, le kinésithérapeute du service a indiqué que ce n'était pas la première fois qu'il était témoin d'un comportement inadapté de Mme E... et la cadre de santé a rappelé que son attitude contrevenait à la charte de la personne âgée hospitalisée affichée au sein de l'unité. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les fautes graves commises par l'intéressée à l'encontre de patients vulnérables présentant des troubles psychiatriques sévères, révèlent un comportement incompatible avec les fonctions d'une aide-soignante exerçant au sein d'un établissement public de santé mentale. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, en prononçant son exclusion définitive, sanction la plus lourde applicable aux fonctionnaires hospitaliers stagiaires, la directrice de l'EPSM Jean Martin B... de A... n'a pas pris une sanction disproportionnée à la gravité des fautes commises.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Pour les mêmes motifs ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être écartées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPSM I... B... de A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme E... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme E... le versement à cet établissement de la somme qu'il sollicite sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'EPSM I... B... de A... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et à l'établissement public de santé mentale Jean Martin B... de A....
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01168