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06/06/2025 | FRANCE | N°22NT02966

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 06 juin 2025, 22NT02966


Vu la procédure suivante :



Par un arrêt n°22NT02966 du 27 octobre 2023, la cour, avant de statuer sur les conclusions présentées, d'une part, par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine, tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à lui verser la somme totale de 466 100,11 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion, assortie des intérêts de droit et de leur capitalisation, au titre des dépenses de santé qu'elle exposées pour

M. H..., et, d'autre part, par le CHU de Rennes et la société hos

pitalière d'assurances mutuelles (SHAM) tendant à l'annulation du titre exécuto...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n°22NT02966 du 27 octobre 2023, la cour, avant de statuer sur les conclusions présentées, d'une part, par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine, tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à lui verser la somme totale de 466 100,11 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion, assortie des intérêts de droit et de leur capitalisation, au titre des dépenses de santé qu'elle exposées pour

M. H..., et, d'autre part, par le CHU de Rennes et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) tendant à l'annulation du titre exécutoire du 18 mai 2018 émis à l'encontre de cet assureur par l'ONIAM pour un montant de 106 839,12 euros et à la décharge de l'obligation de payer cette somme, a ordonné avant-dire droit une expertise médicale lui permettant de savoir si les diagnostics établis et les traitements, interventions et soins prodigués et leur suivi ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science, et s'ils étaient adaptés à l'état de M. H... et aux symptômes qu'il présentait, tant avant la première intervention du 3 juin 2014 que par la suite et lors des réinterventions des 16 et 19 juin 2014 et, si tel n'était pas le cas, de déterminer dans quelle mesure ces fautes médicales, dans les soins ou dans l'organisation du service hospitalier avaient pu conduire à la dégradation de son état de santé et aux séquelles neurologiques importantes dont il reste atteint depuis son hospitalisation ou à une perte de chance d'éviter ces préjudices.

Le rapport d'expertise du docteur B..., neurochirurgien des hôpitaux, a été enregistré au greffe de la cour le 14 janvier 2025, complété d'une note par laquelle l'expert a répondu à une demande de précisions que lui avait adressée la cour le 3 février 2025.

Par des mémoires enregistrés les 17 février, 1er avril, 14 avril et 17 avril 2025, le centre hospitalier régional et universitaire (CHU) de Rennes et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, concluent aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures.

Ils font valoir que :

- comme les premiers experts mandatés par la CCI, l'expert désigné par la cour a conclu à l'absence de toute faute imputable au CHU de Rennes ;

- si la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine se prévaut, à titre subsidiaire, de la reconnaissance par les experts d'une infection nosocomiale, cette reconnaissance ne saurait lui ouvrir un droit à indemnisation de sa part, en l'absence, d'une part, de démonstration d'une faute de l'hôpital tenant soit à une méconnaissance des règles de prévention des infections nosocomiales, soit à une faute commise dans le traitement de l'infection, et alors, d'autre part, que les dommages subis par M. H... ont présenté le caractère de gravité requis pour que leur indemnisation soit prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Par un mémoire enregistré le 20 mars 2025, la caisse primaire d'assurance maladie

d'Ille-et-Vilaine, représentée par Me Di Palma, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.

Elle soutient que :

- à titre principal, la responsabilité du CHU de Rennes est engagée dès lors que l'indication opératoire n'était pas appropriée et que la technique opératoire et la prise en charge de la complication survenue n'ont pas été conformes aux règles de l'art ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de l'hôpital est engagée de plein droit du fait de la survenance d'une infection nosocomiale au cours de l'intervention réalisée le 3 juin 2014, aucune cause étrangère à cette intervention n'étant démontrée ;

- c'est à tort que le tribunal a réduit le montant des sommes demandées au titre des indemnités journalières au motif que M. H... perçoit depuis 2009 une pension d'invalidité alors que le versement d'une pension d'invalidité et d'indemnités journalières n'est pas incompatible si les conditions d'un cumul sont réunies ;

- c'est à tort que le tribunal a limité à 11 131 euros le montant de la rente annuelle destinée à la prise en charge des frais de santé futurs de M. H... ; ce montant devait être majoré par application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire enregistré le 16 avril 2025, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), représenté par Me Welsch, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.

Il fait valoir que :

- la responsabilité du CHU est engagée à raison des fautes commises dans le cadre de la prise en charge de M. H..., en raison d'une indication opératoire injustifiée, d'un défaut d'information du patient sur l'existence d'alternatives thérapeutiques, à l'origine d'une perte de chance qu'il évite une intervention réalisée le 3 juin qui n'était ni impérative ni urgente, d'un manque de précaution et de vigilance à la suite de cette intervention et de la réintervention du 16 juin, de la mise en œuvre inappropriée d'une technique de drainage aspiratif, et d'un retard de prise en charge des complications à partir du 17 juin ;

- ces fautes sont à l'origine d'une perte de chance intégrale pour le patient d'éviter les séquelles dont il a été atteint, ou à tout le moins, si l'indication opératoire initiale ne devait pas être remise en cause, d'une perte de chance qu'il appartiendra à la cour de fixer à un niveau conséquent.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement avant dire droit du 27 octobre 2023, la cour a ordonné une expertise pour être éclairée, compte tenu des conclusions contradictoires des expertises et éléments médicaux dont elle disposait déjà, sur la question de savoir si la prise en charge de M. F... H..., souffrant depuis 2006 de lombalgies à irradiation sciatique, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes, et les interventions chirurgicales qu'il a subies dans cet établissement les 3 juin 2014 16 juin 2014, et 19 juin 2014 ont été conformes aux bonnes pratiques et aux données acquises de la science, ou si, et dans quelle mesure, des fautes médicales, dans les soins ou dans l'organisation du service hospitalier ont pu conduire à la dégradation de son état de santé et aux séquelles neurologiques importantes dont il reste atteint depuis son hospitalisation. Le rapport d'expertise du docteur B... ayant été déposé au greffe de la cour et discuté contradictoirement par les parties, l'affaire soumise à la juridiction est désormais en état d'être jugée.

Sur les conclusions présentées par le CHU de Rennes et la SHAM à fin de décharge des sommes mises à la charge de la SHAM par le titre exécutoire du 18 mai 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ". En vertu de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique : " Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l'article L. 1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance ... ". En application de l'article L. 1142-15 du même code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, (...) l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur (...). / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur. (...) / L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur (...). Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'ONIAM s'est substitué à la personne responsable du dommage et que la victime a accepté son offre d'indemnisation, il est subrogé dans les droits de cette dernière à concurrence des sommes versées et est ainsi investi, dans cette limite, de tous les droits et actions que le subrogeant pouvait exercer.

4. Ainsi, lorsque l'ONIAM émet un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme versée à la victime en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, le recours du débiteur tendant à la décharge de la somme mise à sa charge invite le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l'égard de la victime aux droits de laquelle l'Office est subrogé, ainsi que sur le montant de son préjudice. Il incombe alors au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, s'ils étaient fondés, à justifier le prononcé de la décharge.

En ce qui concerne le bien-fondé du titre exécutoire n° 278 du 18 mai 2018 :

S'agissant de la responsabilité du CHU de Rennes :

Quant à la pertinence de l'indication chirurgicale ayant conduit à l'opération du 3 juin 2014 :

5. M. H... présentait depuis 2006 des lombalgies à irradiation sciatique qui ont justifié la réalisation d'une arthrodèse semi-rigide (dynesis) aux niveaux L4-S1 le 4 janvier 2007, puis, le 27 mars 2008, d'une arthrodèse rigide L4-S1 et d'une dynesis en L3-L4, associée à une laminectomie. A la suite de la réapparition de douleurs lombaires à partir de septembre 2013, un diagnostic de syndrome de néo-charnière avec instabilité au-dessus de l'arthrodèse a été posé en février 2014 et a conduit à l'intervention chirurgicale d'extension de l'arthrodèse jusqu'en L2 réalisée le 3 juin 2014, à l'origine des complications en litige, et dont le tribunal a retenu qu'elle n'était pas médicalement justifiée et qu'elle engageait la responsabilité pour faute du CHU de Rennes pour l'ensemble de ses conséquences, dès lors qu'elle n'aurait pas dû être pratiquée.

6. Toutefois, d'une part, les premiers experts missionnés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Bretagne, qui ont rendu leur rapport en février 2016 n'ont retenu aucune faute dans cette indication opératoire. Si, d'autre part, dans le rapport d'expertise déposé en décembre 2016, le deuxième collège d'expert a retenu qu'en l'absence de dégénérescence repérée du disque sus jacent à l'arthrodèse, de signes nets d'instabilité sur les clichés dynamiques et de réalisation d'un test d'immobilisation permettant de confirmer la nécessité d'une nouvelle intervention chirurgicale, l'indication opératoire d'extension de l'arthrodèse et de laminectomie n'était pas justifiée, le CHU a fait valoir, d'une part, les termes de courriels adressés par son médecin conseil à l'expert ainsi que les précisions apportées, postérieurement aux opérations d'expertise, par le praticien ayant suivi M. H..., mentionnant que les images d'IRM montraient, malgré une bonne qualité du disque, une instabilité L2-L3. Il a fait valoir aussi que M. H... avait bénéficié d'un corset pendant 3 semaines, qui l'a soulagé, mais que l'intensité des douleurs supportées par lui avait conduit l'équipe médicale à décider de pratiquer l'intervention chirurgicale du 3 juin 2014. Il se prévaut enfin des termes d'une contre-expertise, de caractère non contradictoire mais très argumentée, réalisée par le Pr A..., neurochirurgien, le 28 juillet 2022, postérieurement au jugement attaqué, et qui considère que l'association des éléments cliniques et paracliniques, ainsi que l'évolution de l'état de santé de M. H... postérieurement à l'intervention du 27 mars 2008, sont de nature à conforter l'indication opératoire de juin 2014. Le docteur B..., désigné comme expert par la cour et qui a pris connaissance de l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, note quant à lui que, si l'examen d'IRM du 27 novembre 2013 au vu duquel a été décidée l'intervention " ne montrait pas d'anomalie discale significative ni d'anomalie de signal des plateaux vertébraux en L2-L3 [signe de Modic] ", " les clichés dynamiques en flexion/extension du rachis lombaire du 3 février 2014 montraient effectivement de discrets signes de déstabilisation (translation sagittale avec un rétrolisthésis de L2 sur L3, mouvement angulaire supérieur à l'amplitude physiologique entre flexion et extension, rétrécissement des foramen en extension) ". Il en déduit que l'indication d'une extension de l'arthrodèse retenue par le docteur J... était une option thérapeutique possible sans être impérative et qu'" en l'absence de nouvelle chirurgie, M. H... aurait pu continuer à souffrir ou bien voir son état s'améliorer dans un délai indéterminé ". Il doit être déduit de l'ensemble de ces observations que l'opération pratiquée le 3 juin pour soulager le patient ne constituait pas une intervention contre-indiquée, inutile, ou qui aurait été pratiquée de façon prématurée en l'absence de démonstration de la réalisation, avant l'intervention, d'un test d'immobilisation, d'un traitement médical et de séances de kinésithérapie restés infructueux.

7. Si, d'autre part, la CPAM fait valoir dans ses écritures en réponse au rapport de l'expert une faute relevée par celui-ci et imputable du CHU de Rennes, tenant à l'absence de démonstration que M. H... a reçu sur les risques de l'intervention d'extension d'arthrodèse qu'il a subie le 3 juin 2014, préalablement à la réalisation de celle-ci, une information adéquate, conforme aux exigences de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que ce patient aurait renoncé à l'intervention et donc que celle-ci n'aurait pas eu lieu s'il avait été correctement informé.

M. H... avait d'ailleurs été opéré deux fois du dos en 2007 et 2008 par le même chirurgien et il n'a pas été indemnisé pour un défaut d'information qu'il aurait fait valoir lors des discussions amiables qui ont mené aux protocoles transactionnels qu'il a conclus avec l'ONIAM en 2017 et 2018.

Quant à la faute commise lors de la réintervention du 16 juin 2014 :

8. Il résulte de l'instruction que, le 11 juin 2014, peu de temps après sa sortie de l'hôpital, M. H... a présenté un épisode fébrile associé à un syndrome biologique inflammatoire se traduisant par une collection sous-cutanée sans écoulement en regard de la voie d'abord. L'IRM réalisée le 15 juin a montré une collection liquidienne qualifiée par l'expert de " non univoque ", pouvant correspondre à une pseudoméningocèle (collection sous cutanée de liquide cérébrospinal) ou à une collection abcédée survenant dans le contexte d'un épisode infectieux. Le docteur B... mentionne que, lors de son examen aux urgences du CHU de Rennes, le patient ne présentait ni déficit neurologique ni céphalées d'orthostatisme qui auraient pu faire évoquer une brèche durale, celle-ci constituant " sans qu'il y ait nécessairement de maladresse ", " une des complications les plus fréquentes de la chirurgie du rachis ", augmentant avec l'âge du patient et si celui-ci a déjà été opéré. Selon cet expert, la reprise chirurgicale, pratiquée le lendemain 16 juin 2014 pour des raisons de disponibilité du bloc opératoire, sans que cela ait eu un effet péjoratif sur l'état de santé du patient, n'a pas permis de constater une brèche durale ou une collection de liquide cérébrospinal, l'aspect des prélèvements étant celui d'un " épanchement plutôt d'allure hématome vieilli ", de sorte que la mise en place de drains de redon aspiratifs n'était pas contre-indiquée. Les prélèvements effectués lors de l'intervention ont mis en évidence une infection à staphyloccoques epidermitis. L'expert nommé par la cour ne retient pas de manquement dans le traitement et le suivi de cette infection, y compris s'agissant de la mise en œuvre des drains de redon. Selon lui, la brèche durale importante de " 5-6 cm avec un hématome à l'intérieur enserrant toutes les radicelles " constatée 3 jours tard et qui est à l'origine directe du développement du syndrome de la queue de cheval de

M. H... et de la réintervention de ce patient en urgence, n'était pas constituée ou repérable lors des précédentes chirurgies subies par ce patient. Et même s'il reprend à son compte l'hypothèse du second collège d'experts selon laquelle le drainage aspiratif a pu jouer un rôle dans le développement d'un hématome sous-dural spinal compressif, retenant pour sa part que ce drainage " a pu agrandir une petite brèche durale sans brèche arachnoïdienne (donc sans issue de liquide cérébrospinal) potentiellement passée inaperçue ", ou " fragilisée par l'usage de l'Ortholav [système de lavage sous pression] ", le docteur B... ne retient aucune faute du chirurgien, que ce soit dans la recherche de cette brèche ou dans le traitement de l'infection, rejoignant sur ce point les conclusions du premier collège d'experts. Ainsi, le manquement aux règles de l'art caractérisé par le second collège d'experts et retenu par le tribunal, tenant au fait que le chirurgien a mis en œuvre un drainage aspiratif contre-indiqué sans avoir recherché ni traité la brèche durale justifiant cette contre-indication, n'est pas établi.

Quant à la faute commise dans les suites opératoires de la réintervention du 16 juin 2014 :

9. Dans les suites opératoires immédiates de l'intervention du 16 juin 2014,

M. H... a présenté dès le lendemain, suivant la chronologie précise établie dans l'expertise de décembre 2016 et reprise par la CCI de Bretagne dans son avis du 14 mars 2017, une accentuation des douleurs, une hypoesthésie des membres inférieurs, un déficit moteur prédominant au membre inférieur gauche et une anesthésie en selle, symptômes qui sont apparus dès le 17 juin dans l'après-midi, d'abord discrètement malgré des douleurs retracées et qui se sont confirmés et accentués les jours suivants. Les examens pratiqués deux jours plus tard seulement notamment au moyen d'une IRM et d'une TDM ont permis d'observer la présence d'une collection rachidienne étendue de L2 en L4, compressive, et provoquant un syndrome de la queue de cheval. Dans ces conditions, compte tenu du délai s'étant écoulé entre l'apparition des premiers symptômes, le 17 juin dans l'après-midi, et la réalisation des examens, notamment de l'IRM du rachis le 19 juin à 17h52, puis la réintervention par le docteur J... le même jour à 21h30, il y a lieu de retenir, comme l'ont fait l'ensemble des experts et médecins consultés, un retard dans la prise en charge de M. H..., ce retard pouvant être évalué à au moins 12 heures.

S'agissant du taux de perte de chance imputable à la faute de l'hôpital :

10. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

11. Comme il a été dit ci-dessus, il résulte de l'instruction que l'équipe médicale du CHU a commis une faute consistant dans un retard de prise en charge. Compte tenu d'une récupération neurologique d'autant meilleure que la durée de la compression ne s'est pas prolongée et malgré la contre-expertise du docteur A... produite par l'hôpital selon laquelle les conséquences du retard à la réintervention du 19 juin doivent être minorées compte tenu du caractère agressif et rapidement délétère et irréversible au plan neurologique d'un épanchement intradural tel que celui subi par M. H..., il doit être considéré que le retard de prise en charge de M. H... imputable au CHU de Rennes a fait perdre à ce patient une chance d'échapper aux séquelles dont il reste atteint qui peut être évaluée à 75%, taux retenu par le docteur D... dans la seconde expertise pour évaluer les conséquences de cette seule faute.

S'agissant de l'évaluation des préjudices de M. H... indemnisés par l'ONIAM :

12. En premier lieu, alors que le jugement attaqué a retenu que M. H... restait affecté d'un déficit fonctionnel permanent de 40 %, le CHU de Rennes soutient que, l'intéressé étant apte à marcher, ce taux doit être ramené à 30 %.

13. Toutefois, il ressort des termes circonstanciés du rapport d'expertise de décembre 2016 que M. H... souffre de graves séquelles neurologiques à l'origine de troubles sphinctériens, lui imposant huit auto-sondages par jour, le port d'un sphincter artificiel, et entraînant des troubles de la sensibilité et un léger déficit moteur du membre inférieur gauche perturbant la marche prolongée. Compte tenu de ces constatations dont l'exactitude n'est pas contestée, il y a lieu de retenir le taux de déficit fonctionnel permanent de 40 % proposé, sur la base des mêmes constatations, par le docteur B..., expert nommé par la cour, identique à celui retenu dans le cadre des expertises réalisées à la demande de la CCI de Bretagne en février et décembre 2016 et par cette commission. Compte tenu de l'âge de 51 ans de M. H... au jour de sa consolidation le 31 août 2016, il ne peut être considéré qu'en lui accordant, dans le cadre du second protocole transactionnel conclu avec lui le 14 février 2018, une somme de 72 655,62 euros en réparation de ce chef de préjudice, l'ONIAM aurait fait, comme le soutient le CHU de Rennes, une excessive évaluation du déficit fonctionnel permanent dont restait atteint l'intéressé.

14. En second lieu, en revanche, dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 11, le CHU de Rennes n'est responsable que de 75 % des préjudices de M. H..., cet appelant est fondé à demander, à hauteur de 26 709,78 euros, soit 25 % de la somme de 106 839,12 euros mise à sa charge par le titre exécutoire litigieux, la décharge de l'obligation de payer correspondante.

En ce qui concerne la régularité formelle du titre exécutoire :

15. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que les titres exécutoires émis par l'ONIAM, établissement public administratif de l'Etat, doivent être signés et comporter les prénom, nom et qualité de leur auteur et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de l'émetteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les nom, prénom et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.

16. Il ressort des pièces produites par l'ONIAM que le titre exécutoire en litige a été signé, par délégation du directeur de l'ONIAM, par M. C... G..., directeur des ressources. Or il résulte également de l'instruction que le titre de recette adressé à la SHAM ne mentionnait que le directeur de l'ONIAM lui-même, M. I... E.... Dès lors, le titre en cause ne mentionnait pas l'identité réelle de son auteur, en méconnaissance des dispositions précitées. Cette inexactitude ayant privé le destinataire de l'acte de la garantie prévue par les dispositions précitées, permettant l'identification précise de l'auteur d'un acte, notamment pour les besoins de la vérification des règles de compétence, le moyen tiré de l'irrégularité en la forme du titre exécutoire contesté doit donc être accueilli. Il suit de là que la SHAM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre litigieux.

En ce qui concerne la décharge de l'obligation de payer :

17. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.

18. Il résulte de ce qui précède que, si la SHAM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 2018-278 du 18 mai 2018 émis à son encontre le 26 avril 2019 pour un montant de 106 839,12 euros, elle n'est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer procédant de ce titre qu'à hauteur de la somme de 26 709,78 euros mentionnée au point 14.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'ONIAM :

En ce qui concerne le remboursement des sommes versées par l'ONIAM à

M. H... :

19. Lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l'ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Ainsi, l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. En revanche, l'office reste recevable à présenter, à titre subsidiaire, dans l'instance formée par le débiteur en opposition à ce titre exécutoire, des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de ce dernier à lui verser les sommes ainsi dues, au cas où l'annulation du titre exécutoire serait prononcée par le juge pour un motif de régularité en la forme, l'examen de telles conclusions par le juge supposant toutefois, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la mise en cause des tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Rennes aux conclusions par lesquelles l'ONIAM demande, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une annulation du titre exécutoire de 106 839,12 euros émis à l'encontre de la SHAM, à être indemnisé à hauteur de ce montant par cet assureur doit être écartée.

20. D'une part, comme il est dit au point 16 du présent arrêt, l'irrégularité formelle entachant le titre exécutoire n° 278 du 18 mai 2018 implique l'annulation de ce titre, de sorte qu'il y a lieu d'examiner les conclusions indemnitaires que présente, à titre subsidiaire, l'ONIAM, en sa qualité de subrogé de M. H..., à qui il a versé une indemnité d'un montant total de 106 839,12 euros en réparation de l'intégralité de ses préjudices sans application d'un taux de perte de chance. D'autre part, ainsi qu'il a été dit aux points 5 à 14, le CHU de Rennes est responsable, en raison du retard fautif de prise en charge du syndrome de la queue de cheval de M. H... dans les suites opératoires de la troisième intervention chirurgicale du 16 juin 2014, de 75% des préjudices de ce patient, préjudices dont il n'a pas été fait une évaluation excessive par l'ONIAM par le versement à l'intéressé, à titre transactionnel, de la somme de 106 839,12 euros mentionnée ci-dessus. Il suit de là que l'ONIAM est fondé à demander la condamnation de la société Relyens, venant aux droits de la SHAM, assureur du CHU de Rennes à lui verser 75% de ce montant, soit une somme totale de 80 129,34 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 21 août 2018, date à laquelle la SHAM a reçu l'avis des sommes à payer émis par l'ONIAM, et ces intérêts seront capitalisés à compter du 21 août 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

En ce qui concerne la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :

21. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. ".

22. Il résulte de ces dispositions que seul le juge peut prononcer la pénalité qu'elles prévoient, l'ONIAM ne pouvant, en l'état des dispositions applicables, émettre un titre exécutoire en vue de son recouvrement. Lorsque le débiteur a formé une opposition contre le titre exécutoire devant la juridiction compétente, l'ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité qu'en présentant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition. Le juge ne peut condamner le débiteur à verser à l'ONIAM la pénalité prévue par le cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique que lorsque l'indemnité due a été arrêtée, dans son principe et dans son montant, soit par un titre exécutoire régulier en la forme, soit par une condamnation prononcée par le juge.

23. D'une part, contrairement à ce que soutient le CHU de Rennes, l'ONIAM est recevable à présenter, dans le cadre de la présente instance, des conclusions reconventionnelles tendant au versement à son bénéfice de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique cité ci-dessus.

24. D'autre part, il résulte de l'instruction que la SHAM a refusé de formuler une offre d'indemnisation à M. H... alors que l'avis de la CRCI du 8 février 2017 prévoyait une réparation des préjudices de l'intéressé par le CHRU de Rennes. Le point 20 ci-dessus du présent arrêt fixe à un montant de 80 129,34 euros l'indemnité due par la société Relyens à l'ONIAM et condamne la première à verser cette somme au second. Dans les circonstances de l'espèce, malgré la complexité de ces circonstances et malgré les écarts d'analyse constatés des causes et des responsabilités entre les différentes expertises diligentées successivement, la fixation par les premiers juges de la pénalité due par la SHAM au titre des dispositions citées ci-dessus au point 21 à une somme de 5 500 euros, correspondant à un peu moins de 7% de l'indemnité susmentionnée, n'apparaît ni excessive ni sous-estimée.

En ce qui concerne les frais d'expertise exposés par l'ONIAM :

25. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1142-12 du code de la santé publique, applicable lorsque la commission de conciliation et d'indemnisation désigne un expert dans le cadre de la procédure amiable: " L'Office national d'indemnisation prend en charge le coût des missions d'expertise, sous réserve du remboursement prévu aux articles L. 1142-14 et L. 1142-15 ". Le quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du même code, applicable en cas de refus d'indemnisation de l'assureur de l'hôpital et de substitution à celui-ci de l'ONIAM, dispose que " L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise ".

26. Les frais d'expertise amiable pris en charge par l'ONIAM dans le cadre de la procédure engagée par M. H... devant la CRCI et dont l'office demande le remboursement sont en lien direct avec le comportement fautif imputable au CHU de Rennes et dont le présent arrêt indemnise les conséquences à hauteur de 75%. Se rattachant au même fait générateur, les conclusions de l'ONIAM tendant au remboursement de ces frais ne relèvent pas, contrairement à ce que soutient la société Relyens, d'un litige distinct de celui faisant l'objet de la présente instance et sont donc recevables. L'ONIAM est dès lors fondé à demander la condamnation de la société Relyens à lui verser 75% de la somme correspondant à ces frais d'expertise, dont il devra justifier du montant et du règlement effectif.

Sur les conclusions présentées par la CPAM d'Ille-et-Vilaine :

27. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 9 à 11, la CPAM

d'Ille-et-Vilaine est fondée à soutenir que la responsabilité pour faute du CHU de Rennes est engagée et qu'elle est dès lors fondée à demander le remboursement par cet hôpital des débours exposés pour le compte de son assuré en lien avec cette faute. Il y a lieu, toutefois, de faire application du taux de perte de chance de 75 % retenu au point 11 pour déterminer la part de ces débours pouvant être mis à la charge de cet hôpital.

En ce qui concerne les débours de la caisse :

28. En premier lieu, la CPAM fait valoir qu'elle a versé, pour le compte de

M. H..., son assuré, des indemnités journalières au cours des périodes du 6 juin au

31 décembre 2014, du 1er au 2 janvier 2015, du 21 au 22 août 2015, du 12 au 13 mai 2016 et du 14 mai au 21 juin 2016, d'un montant s'élevant à la somme totale de 4 539,27 euros dont elle demande le remboursement pour leur intégralité.

29. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du second rapport d'expertise que, sans les complications présentées à la suite de l'intervention du 3 juin 2014, M. H..., bénéficiaire depuis 2009 d'une pension d'invalidité en raison de ses douleurs lombaires, aurait subi un arrêt de travail pendant une durée de 6 mois. Dans ces conditions, la caisse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a déduit des sommes auxquelles elle prétendait les indemnités journalières servies pendant cette durée. Le montant des indemnités journalières en lien avec les conséquences de la faute de l'hôpital s'établit donc, comme l'a calculé le tribunal administratif, à un montant de 1 275,11 euros. Compte tenu du taux de perte de chance fixé au point 11 du présent arrêt, la somme à laquelle a droit la CPAM au titre des pertes de gains professionnels de M. H... qu'elle a pris en charge par le versement de ces indemnités s'élève à 953,33 euros.

30. En deuxième lieu, la CPAM justifie avoir exposé pour le compte de son assuré des dépenses d'hospitalisation d'un montant total de 57 281,75 euros correspondant à 11 séjours à l'hôpital entre le 3 juin 2014 et le 22 juin 2016. Toutefois, il y a lieu de soustraire de ce montant la somme de 11 504 euros correspondant à l'hospitalisation de M. H... du 3 au 9 juin 2014, dès lors qu'aucune faute engageant la responsabilité de l'hôpital ne peut être retenue pour cette première hospitalisation, correspondant à la réalisation d'une opération chirurgicale réalisée dans les règles de l'art et qui n'était pas inutile ou contre-indiquée. Au contraire les frais liés à l'hospitalisation de M. H... à partir du 13 juin 2014 doivent être pris en compte, la nouvelle hospitalisation de l'intéressé à cette date étant liée à la prise en charge des conséquences d'une infection survenue au cours de l'intervention du 3 juin 2014, dont le caractère nosocomial est reconnu par les experts, faute de démonstration d'une cause étrangère, et qui engage la responsabilité du seul centre hospitalier, sur le fondement du 2ème alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, et non de l'ONIAM sur le fondement du régime de solidarité nationale prévu au II du même article, en l'absence de conséquences dommageables de cette infection, qui a été prise en charge et guérie sans séquelles. De même, toutes les hospitalisations ultérieures de M. H... sont en lien avec les conséquences du syndrome de la queue de cheval en lien avec le retard d'intervention fautif. Si le CHU de Rennes conteste la mise à sa charge des frais hospitaliers postérieurs à la date du 13 mai et donc d'un bref séjour de deux jours, les 21 et 22 juin 2016, au CHU de Rennes, pour un coût de 969 euros, il y a lieu de tenir compte de cette dernière hospitalisation correspondant, selon le rapport d'expertise du docteur B..., à une admission en urologie pour l'activation du sphincter urinaire artificiel posé lors de l'hospitalisation précédente du 9 au 13 mai 2016, dont le lien avec la faute engageant la responsabilité de l'hôpital est évident. Ainsi, les dépenses de santé actuelles à prendre en compte pour l'indemnisation de la CPAM s'élèvent à la somme de 45 777,75 euros pour les frais d'hospitalisation, à laquelle s'ajoutent les sommes non contestées de 3 673,19 euros pour les frais médicaux, de 11 359,45 euros pour les frais pharmaceutiques, de 55,86 euros pour les frais d'appareillage, et de 7 088,75 euros pour les frais de transport, soit un montant total de 67 955 euros ramené, après application du taux de perte de chance de 75%, à un montant de 50 966,25 euros à mettre à la charge de l'hôpital.

31. En troisième lieu, la CPAM, qui ne conteste pas les postes de dépenses retenus par les premiers juges pour déterminer la rente annuelle 11 131 euros qui lui a été allouée par les premiers juges compte tenu du refus par le CHU de Rennes d'une indemnisation en capital des dépenses de santé futures, soutient que ce montant doit être rehaussé à 16 605,34 euros, par application du II de l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale.

32. Toutefois, ces dispositions sont relatives à l'évaluation forfaitaire prévue par l'article R. 454-1 du code de la sécurité sociale dans le cadre des recours des caisses d'assurance maladie contre un tiers responsable d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et non, comme en l'espèce, dans le cadre d'un recours contre le tiers responsable d'une faute médicale. Il s'ensuit que la CPAM ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour solliciter la majoration du montant de la rente mise à la charge du CHU au titre des dépenses de santé futures d'appareillage qu'elle sera amenée à engager pour le compte de M. H... et dont le jugement attaqué prévoit la revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

33. Il résulte de ce qui précède qu'après application du taux de perte de chance de 75 %, la somme de 80 773,44 euros allouée par les premiers juges à la CPAM doit être ramenée à

51 919,58 euros et la rente viagère annuelle mise à la charge de l'hôpital à compter de la date du jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juillet 2022 à un montant de 8 348,25 euros payable à terme échu et revalorisé par application des coefficients prévus à l'article

L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

34. D'une part, aux termes du jugement attaqué le tribunal a, au point 23 des motifs du jugement et à l'article 1er de son dispositif, mis à la charge du CHU de Rennes le versement de la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article

L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La caisse n'est pas fondée à solliciter une nouvelle fois en appel le versement de cette indemnité ni à demander, en l'absence d'indemnisation par la cour de débours pour des montants supérieurs à ceux indemnisés par le tribunal, que le montant de cette indemnité soit porté à la somme de 1 212 euros, montant maximum prévu par l'arrêté du 23 décembre 2024, applicable à la présente instance. Ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens :

35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive du CHU de Rennes les frais et honoraires de l'expertise du docteur B..., taxés et liquidés par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel du 14 février 2025 à la somme de 1 178,84 euros taxes comprises.

Sur les frais liés au litige :

36. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DECIDE :

Article 1er : Le titre exécutoire émis par l'ONIAM le 18 mai 2018 pour un montant de 106 839,12 euros à l'encontre de la SHAM est annulé.

Article 2 : La SHAM est déchargée, à hauteur de 26 709,78 euros, de l'obligation de payer la somme qui lui a été réclamée par le titre exécutoire émis par l'ONIAM le 18 mai 2018.

Article 3 : La société Relyens, venant aux droits de la SHAM, est condamnée à rembourser à l'ONIAM, sur justificatif, 75% des frais d'expertise amiable qu'il a exposés dans le cadre de la procédure de M. H... devant la CRCI de Bretagne, et à verser à l'ONIAM la somme de 80 129,34 euros en remboursement partiel de l'indemnité transactionnelle versée à

M. H.... Cette dernière somme sera assortie des intérêts à compter du 21 août 2018 et ces intérêts seront capitalisés compter du 21 août 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : : La somme que le CHRU de Rennes est condamné à verser à la CPAM d'Ille-et-Vilaine en remboursement de ses débours actuels et la rente viagère annuelle due par le premier à la seconde à compter de la date du jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juillet 2022 sont ramenées à des montants de 51 919,58 euros et 8 348,25 euros.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juillet 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les frais de l'expertise du docteur B..., liquidés et taxés par une ordonnance du 14 février 2025 à la somme de 1 178,84 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge du CHU de Rennes.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes, à la société Relyens, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie en sera transmise pour information à M. F... H... et au docteur B....

Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02966


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02966
Date de la décision : 06/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : DI PALMA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-06;22nt02966 ?
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