Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 15 avril 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 30 janvier 2023 des autorités consulaires françaises en Albanie refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié.
Par un jugement n° 2305952 du 29 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 avril 2024, Mme C... A..., représentée par Me Idchar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 15 avril 2023 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A... soutient que :
- le jugement a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ; le tribunal s'est fondé d'office, sans l'avoir au préalable mise à même de répondre, sur ce que sa formation et son expérience professionnelle n'étaient pas en adéquation avec le poste proposé ;
- cet emploi est en adéquation avec sa formation et son expérience professionnelle ; en estimant qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2025, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 29 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision née le 15 avril 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 30 janvier 2023 des autorités consulaires françaises en Albanie refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ne fait pas obstacle à ce que son entrée en France soit refusée par l'autorité compétente pour un motif d'intérêt général.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception du recours formé par Mme A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France indique qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision des autorités consulaires. Celle-ci comporte une case cochée portant la mention suivante : " Il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins de maintien illégal en France après l'expiration de votre visa ou pour mener en France des activités illicites ". Il résulte de ce qui précède que la décision contestée de la commission doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs ainsi exposés de la décision des autorités consulaires en Albanie.
4. S'il est vrai que Mme A... a été l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le 11 août 2022, à la suite du rejet de sa demande d'asile notifié le 16 juin 2022, il ressort des pièces du dossier que celle-ci a, au cours de la scolarité qu'elle a effectuée en France, obtenu un brevet d'études professionnelles (BEP) " restauration option cuisine qualification langue vivante anglais " et un baccalauréat professionnel, " spécialité cuisine, section européenne anglais ", respectivement, en juillet 2019 et octobre 2020 et qu'elle a été employée en qualité d'agent polyvalent de restauration du mois de mai au mois de novembre 2021 par l'entreprise de restauration collective qui se propose de la recruter, par un projet de contrat de travail validé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le 9 décembre 2022. Dans ces conditions, en refusant le visa sollicité pour le motif énoncé au point 3, la commission a porté une inexacte appréciation sur l'adéquation de la qualification et de l'expérience professionnelle de l'intéressée à l'emploi proposé.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré à Mme A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de lui délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Idchar dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 29 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision née le 15 avril 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé par Mme A... contre la décision du 30 janvier 2023 des autorités consulaires françaises en Albanie refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de délivrer à Mme A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Idchar une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Idchar renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01147