Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 13 février 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a implicitement rejeté son recours formé contre la décision du 26 septembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant sa demande de naturalisation jusqu'à la régularisation de sa situation fiscale.
Par une ordonnance n° 2402321 du 19 avril 2024, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée, le 19 juin 2024, Mme C..., représentée par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite du 13 février 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté son recours formé contre la décision du 26 septembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant sa demande de naturalisation jusqu'à la régularisation de sa situation fiscale ;
3°) d'annuler la décision du 26 septembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui accorder la nationalité française ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C... soutient que :
- la décision contestée du ministre est insuffisamment motivée en droit comme en fait, en méconnaissance de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen attentif de sa situation fiscale ; il n'a pas été tenu compte des justificatifs produits ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle a justifié de la régularisation de sa situation fiscale ; il s'agissait d'une simple erreur de déclaration qui a été corrigée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 21 novembre 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 19 avril 2024, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de Mme C..., tendant à l'annulation de la décision implicite née le 13 février 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté le recours de cette dernière formé contre la décision du 26 septembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant sa demande de naturalisation jusqu'à la régularisation de sa situation fiscale. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
En ce qui concerne la décision du 26 septembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Ce délai est un délai franc. Par application de l'article 642 du nouveau code de procédure civile, lorsqu'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ce délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ce délai.
3. Aux termes de l'article 44 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable au litige : " Si le préfet compétent à raison de la résidence du demandeur ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. /Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au demandeur, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. ". Aux termes de l'article 45 du même décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. / Le silence gardé par le ministre chargé des naturalisations sur ce recours pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet du recours. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la décision née le 13 février 2024 du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le recours formé, le 13 octobre 2024, par Mme C... contre la décision du 26 septembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant sa demande de naturalisation jusqu'à la régularisation de sa situation fiscale, s'est substituée à cette dernière décision. Par suite, les conclusions de la requête doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision implicite du ministre de l'intérieur et des outre-mer.
En ce qui concerne la décision implicite du ministre de l'intérieur et des outre-mer :
5. Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, le 7 août 2023, avant même que le préfet des Bouches-du-Rhône n'ajourne sa demande de naturalisation, Mme C... a rectifié auprès de l'administration fiscale la déclaration qu'elle avait faite en ligne, le 20 mai 2023, au titre de la déclaration des revenus perçus en 2022, indiquant à tort qu'elle avait à charge sa mère, comme personne handicapée accueillie sous son toit. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a informé le ministre de l'intérieur et des outre-mer de cette rectification, par un courrier du 10 octobre 2023. S'il ressort des éléments produits à la demande de la cour par Mme C... que l'administration fiscale n'a pas encore tenu compte de cette déclaration corrective pour rectifier l'avis d'impôt sur les revenus de 2022, cette circonstance n'est pas imputable à Mme C... qui, au regard des diligences accomplies par elle à la date de la décision contestée, doit être regardée comme ayant effectivement régularisé sa situation fiscale. Par suite, en ajournant la demande de naturalisation de la postulante jusqu'à la régularisation de sa situation fiscale alors que celle-ci avait déjà été régularisée, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a entaché sa décision d'une erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de naturalisation présentée par Mme C... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Mme C... n'a pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 19 avril 2024 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La décision née le 13 février 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a implicitement rejeté le recours formé par Mme C... contre la décision du 26 septembre 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ajournant sa demande de naturalisation jusqu'à la régularisation de sa situation fiscale est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation présentée par Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01858