Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2023 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient.
Par un jugement n° 2401957 du 1er juillet 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2024 et 15 avril 2025, Mme C..., représentée par Me Touchard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2024 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 13 décembre 2023 du préfet du Morbihan ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de cette notification et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de cette notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient et portant interdiction de retour sur le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 30 avril 2025, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante géorgienne, née le 11 octobre 1987 à Tbilissi (URSS), est entrée sur le territoire français le 23 mars 2017, accompagnée de son époux et de son premier fils. Elle a d'abord présenté une demande d'asile le 10 mai 2017, qui a été définitivement rejetée, après réexamen, par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 20 janvier 2020. Le 9 mai 2023, Mme C... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 décembre 2023, le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de six mois et lui a fait obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient. Mme C... relève appel du jugement du 1er juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. La décision portant refus de titre de séjour comporte l'ensemble des motifs de droit et de fait au regard desquels le préfet du Morbihan a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour. Ces motifs permettent de s'assurer que le préfet a pris la décision litigieuse après un examen particulier de la situation de l'intéressé. Elle mentionne en particulier que Mme C... est présente en France depuis le 23 mars 2017 et qu'elle est mariée à M. B..., de nationalité géorgienne et mère de deux enfants de la même nationalité. Il indique que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Géorgie où ces enfants pourront poursuivre leur scolarité et que Mme C... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans ce pays elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. La décision mentionne également que l'intéressée ne justifie pas de son insertion dans la société française en ne justifiant pas de conditions d'existence suffisantes sur le territoire français et que la requérante ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision indique enfin qu'eu égard à son ancienneté de séjour, Mme C... ne peut être regardée comme justifiant de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code, au regard des éléments qu'elle fait valoir. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de cette décision doit être écarté, le préfet n'étant pas tenu à peine d'irrégularité d'y énoncer l'ensemble des informations concernant la situation des personnes concernées ou les circonstances susceptibles de s'opposer à la décision en cause ou de justifier qu'une décision différente soit prise. Doit également être écarté le moyen tiré de l'absence d'examen de la situation de l'intéressée.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Morbihan n'a pas davantage examiné d'office sa demande sur ce fondement. Par suite, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision portant refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions de cet article.
4. Mme C... est entrée sur le territoire français le 23 mars 2017 avec son époux et son premier fils, soit il y a six ans à la date de l'arrêté attaqué. Toutefois, cette durée de séjour résulte du temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile qui a été définitivement rejeté, après réexamen, par une ordonnance de la CNDA du 20 janvier 2020. Mme C... s'est maintenue en situation irrégulière alors qu'une mesure d'éloignement avait été prise à son encontre le 4 septembre 2020 qu'elle ne justifie pas avoir exécutée. Son époux se trouve également en situation irrégulière et fait concomitamment l'objet d'une mesure d'éloignement. Il s'ensuit que l'ensemble de la cellule familiale a vocation à se rétablir en Géorgie où Mme C... n'établit pas y être dépourvue d'attaches familiales et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Aussi louables que soient les efforts d'intégration dont fait preuve Mme C... sur le territoire français, son insertion professionnelle et sociale, justifiée par des actions bénévoles, par plusieurs attestations témoignant des liens amicaux que la famille a tissés en France et par une promesse d'embauche par la société Samsic intérim comme opératrice de production, n'est pas particulièrement significative ou remarquable. Si l'intéressée se prévaut de la scolarisation de ses deux enfants en France, elle n'établit pas que ces derniers seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en Géorgie. Dans ces conditions, alors que Mme C... demeure sans emploi ni ressources stables et est hébergée à titre gratuit par une association, eu égard aux conditions de séjour de la requérante sur le territoire français, et au regard des liens qu'elle conserve dans son pays d'origine, le préfet du Morbihan, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet du Morbihan n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C... et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
5. Au regard des conditions de séjour telles que décrites au point précédent, Mme C... ne peut être regardée comme justifiant de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires de nature à l'admettre exceptionnellement au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Morbihan n'a pas entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la décision portant refus de titre de séjour est motivée en droit et en fait. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour et n'est pas, par ailleurs, entachée d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Morbihan a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Mme C... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, dans la mesure où les membres de sa famille présents sur le territoire français ont vocation à la suivre en cas de retour en Géorgie.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois et obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient :
10. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois et obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Lorient doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2023 du préfet du Morbihan. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives doivent également être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT032302