VU I) sous le n° 90PA00917 le recours présenté par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET enregistré au greffe de la cour le 23 octobre 1990 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8708876/1 en date du 14 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Sanara GmbH le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée pour des montants respectifs de 46.085 F au titre de la période du 1er février au 31 septembre 1986 et de 63.731,65 F au titre de la période du 1er juin au 31 décembre 1986 ;
2°) de remettre intégralement les droits de taxe sur la valeur ajoutée contestés à la charge de ladite société ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU II) sous le n° 90PA00918 le recours enregistré au greffe de la cour le 23 octobre 1990, présenté par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8808331/1 en date du 14 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Sanara GmbH le remboursement d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 23.330,18 F relative à la période du 1er avril 1986 au 31 mars 1987 ;
2°) de remettre intégralement les droits de taxe sur la valeur ajoutée contestés à la charge de ladite société ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU le décret n° 60-1159 du 26 octobre 1960, portant publication de la convention du 18 avril 1958 entre la France et la République Fédérale d'Allemagne ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 1992 :
- le rapport de M. HOURDIN, conseiller,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les recours du MINISTRE DELEGUE AU BUDGET présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 242-O M de l'annexe II au code général des impôts : "1. Les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été régulièrement facturée si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle et n'y ont pas réalisé, durant la même période, d'opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des articles 256 à 259 C du code général des impôts. 2. Pour l'application du 1, ne sont pas considérés comme réalisés en France : a) Les transports et prestations accessoires exonérés en application du premier alinéa du I, des 7° à 11°, 13° et 14° du II de l'article 262 du code général des impôts ainsi que des 1° et 1° bis du II de l'article 291 du même code ; b) Les prestations pour lesquelles la taxe est due par le bénéficiaire assujetti en vertu des articles 259 B et 283-2 du même code" ; que, selon l'article 242-O N de la même annexe : "Est remboursée aux assujettis établis dans un Etat membre de la Communauté économique européenne la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les services qui leur ont été rendus et les biens meubles qu'ils ont acquis ou importés en France au cours de l'année ou du trimestre prévus à l'article 242-O M dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour la réalisation ou pour les besoins : a) D'opérations dont le lieu d'imposition se situe à l'étranger mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était en France ; b) Des opérations mentionnées au 2 de l'article précité" ; qu'en vertu de l'article 259 A dudit code : "Par dérogation aux dispositions de l'article 259, sont imposables en France ... 3°) les prestations de transport pour la distance parcourue en France, ainsi que les prestations accessoires à ces transports" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 259 A qu'elles instituent, pour les prestations de transport et leurs accessoires, une exception aux règles territoriales applicables à l'imposition des prestations de service prévues par l'article 259 du même code ; que, par suite, l'acheminement de colis, y compris en franchise, par une société de transport constitue, avec les opérations nécessaires à cet acheminement, une prestation de transport au sens de l'article 259 A précité du code ; qu'il suit de là que lorsqu'une entreprise de transport établie en France y achemine un envoi qui a été confié par un expéditeur étranger à une société de transport international établie à l'étranger, elle agit sur la demande de celle-ci, qui reste responsable, à l'égard de l'expéditeur, de l'arrivée des colis chez le destinataire ; que, dans ce cas, cette prestation est autonome par rapport à l'opération d'importation elle-même et est taxable sur le fondement de l'article 259 A.3° précité du code général des impôts ; que, par suite, le prix de cette prestation ne constitue pas un élément direct de la valeur à l'importation des envois ; qu'ainsi, ladite prestation ne peut être exonérée par l'application combinée des articles 262.II.14° et 292.2° dudit code ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société de droit allemand Sanara a été chargée, par des fabricants de chaussures établis en République Fédérale d'Allemagne, de faire parvenir des colis de chaussures à des détaillants français et d'effectuer, pour le compte de ses clients, les formalités de déclaration en douane ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'acheminement des colis dont s'agit par l'intermédiaire du Sernam, sur le territoire français, constitue une opération de transport distincte de l'importation elle-même et taxable en tant que telle par application de l'article 259 A.3° précité ; qu'ainsi, et, à supposer même que la taxe litigieuse ait été acquittée en douane, la société intimée, qui assumait l'entière responsabilité de l'opération de transport en cause, et, de ce fait, réalisait en France une opération entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, n'était pas en droit d'obtenir, dans le cadre des dispositions invoquées prévues aux articles 242-O M et 242-O N de l'annexe II au code, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée supportée à l'occasion de la réalisation des opérations constitutives de la prestation de transport dont s'agit ;
Considérant, en revanche, qu'en vertu des articles 26-1 et 26-2 de la convention du 18 avril 1958 entre la France et la République Fédérale d'Allemagne, les personnes venant de l'Etat limitrophe sont autorisées à effectuer, dans les bureaux de contrôle douanier situés conjointement dans les localités d'Ottmarsheim et Neuenburg-am-Rhein, les opérations en douane dans les mêmes conditions que dans leur Etat d'origine ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a regardé le bureau que la société Sanara possède à Ottmarsheim comme un établissement stable en France ; que, dès lors, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures d'EDF-GDF et des sociétés de nettoyage et s'élevant, selon les propres déclarations de la société, à 242,99 F, pouvait être remboursée en application de l'article 242-O M de l'annexe II précitée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué au budget est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif a accordé à la société Sanara la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée contestée pour un montant total excédant la somme de 242,99 F ;
Article 1er : Le jugement n° 8808331/1 du tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 1990 est annulé.
Article 2 : Les cotisations de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles la société Sanara a été assujettie au titre de la période du 1er février 1986 au 31 mars 1987 sont remises à sa charge à concurrence de 129.694,53 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions des recours du ministre est rejeté.
Article 4 : Le jugement n° 8708876/1 du tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.