VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 11 décembre 1998, présentés pour M. Roland X, demeurant ..., par Me PAUL-REYNAUD, avocat ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9314203/1, 9411224/1 et 9418011/1 en date du 25 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1% auxquels il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50.000 F au titre des frais irrépétibles ;
Classement CNIJ :19-01-01-05
C 19-04-01-02-02
4°) et d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
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VU les autres pièces du dossier ;
VU la convention fiscale conclue entre la France et le Bénin le 27 février 1975 ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2003 :
- le rapport de Mme ESCAUT, premier conseiller,
-et les conclusions de M. BATAILLE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X demande l'annulation du jugement en date du 25 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et des prélèvements complémentaires auxquels il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur la détermination du domicile fiscal :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2.1 de la convention conclue le 27 février 1975 entre la France et le Bénin en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les successions, de droits d'enregistrement et de droits de timbre : Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son foyer permanent d'habitation , cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est à dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites./ Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le domicile d'après l'alinéa qui précède, la personne physique est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle séjourne le plus longtemps... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1988 et 1989, M. X était propriétaire d'un appartement à Paris qui faisait l'objet, ainsi qu'en attestent la régularité et le montant des dépenses de téléphone et d'électricité ainsi que la réception de courrier, d'une occupation régulière ; que ses deux enfants étaient scolarisés dans des établissements parisiens et que son épouse disposait d'un titre de séjour lui permettant de résider en permanence en France ; que si M. X soutient que son épouse vivait en réalité avec lui au Bénin et que ses enfants étaient placés sous la responsabilité de leur grand-mère, il se borne à produire une copie d'extrait de titre de séjour de sa belle-mère qui n'est pas daté et des pièces qui n'établissent pas la continuité de la présence de son épouse au Bénin alors qu'il a lui-même confirmé la présence habituelle de sa femme en France lors d'un interrogatoire de police, qu'il a souscrit en France, pour lui et toute sa famille, un contrat d'assurance maladie à compter du 1er juillet 1988 et qu'il figurait comme responsable de ses enfants sur les dossiers d'inscription dans leur établissement scolaire parisien ; qu'ainsi, alors même qu'il avait son activité professionnelle au Bénin où il disposait d'une habitation, M. X doit être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A du code général des impôts au cours des années 1988 et 1989 ;
Considérant, cependant, que M. X produit un certificat d'imposition au Bénin pour la même période ; qu'il convient dès lors de déterminer son domicile fiscal au regard des critères énoncés par l'article 2.1 précité de la convention franco-béninoise ; que la notion de foyer permanent d'habitation retenue par ce texte doit être définie en fonction d'éléments d'appréciation relatifs à la personne du contribuable et non à son patrimoine ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période litigieuse, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les enfants du requérant étaient scolarisés en France et vivaient avec leur mère dans l'appartement parisien appartenant à l'intéressé ; que si M. X fait valoir qu'il réside au Bénin où il dispose d'une vaste habitation, avec du personnel de maison, mis à sa disposition par l'entreprise dont il est le directeur général et un des actionnaires et qu'il fait partie d'une famille connue de ce pays, ces circonstances - sa désignation comme président de la section béninoise de l'Union libanaise culturelle mondiale et comme consul du Niger au Bénin étant, en tout état de cause, postérieure à la période en litige - ne suffisent pas à établir que les liens personnels qu'il avait avec le Bénin étaient plus, ou au moins, aussi importants que ceux qu'il avait avec la France ; qu'ainsi, c'est à juste titre que l'administration a considéré qu'il avait, au cours des années 1988 et 1989, son domicile fiscal en France au sens des dispositions précitées de la convention franco-béninoise ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales : A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration, en notifiant à M. X, le 13 décembre 1991, les redressements qu'elle envisageait, a suffisamment informé l'intéressé de la teneur des renseignements qu'elle avait recueillis dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire pour que M. X ait été, ainsi, à même de demander la communication du procès-verbal d'audition utilisé par l'administration, alors même que ni sa date, ni son numéro n'étaient précisés, avant la mise en recouvrement des impositions ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration n'était pas tenue de communiquer d'elle-même, en l'absence de toute demande de sa part, ladite pièce, que ce soit sur le terrain de la loi ou de la doctrine, l'instruction n°13 K-2-89 du 21 août 1989 qu'il invoque sur le fondement du décret du 28 novembre 1983 se bornant, en tout état de cause, à rappeler l'état de la jurisprudence applicable en matière de droit de communication et l'obligation pour l'administration de communiquer au contribuable les documents recueillis lors de l'exercice de son droit de communication lorsque ce dernier en fait la demande, et alors même qu'il a pu en avoir communication à l'initiative d'une autre administration ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de l'exercice de son droit de communication par l'administration manque en fait ;
Sur le montant des impositions :
Considérant, en premier lieu, que l'administration a imposé, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, les crédits figurant sur les comptes bancaires détenus en France par M. et Mme X ; que M. X explique que les sommes en cause correspondent soit à des revenus salariaux, des revenus de créances ou de valeurs mobilières provenant du Bénin et déjà imposés dans ce pays, soit à des virements du compte qu'il possède dans une banque suisse et sur lequel il a placé des revenus provenant du Bénin, soit à des ventes de devises provenant aussi de son activité au Bénin, soit à des remboursements, soit, à hauteur d'une somme de 100.000 F, à un virement opéré par son notaire au Bénin, soit à des virements de compte à compte avec son épouse ; que, cependant, à l'appui de ces allégations, il se borne à produire des relevés du compte de Mme X, des bordereaux de remises de chèques, des bordereaux de ventes de devises et de transferts de sommes de l'étranger ; qu'aucun de ces documents ne permet d'établir le caractère non imposable des sommes en cause ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a taxé les sommes figurant sur ses comptes bancaires et ceux de son épouse dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;
Considérant, en second lieu, que l'administration a imposé, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, les crédits figurant, à hauteur de 227.585 F en 1988 et de 130.305 F en 1989, sur le compte courant de M. X dans les écritures de la société française Serain dont il détient des parts sociales ; que, cependant, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et ne sont imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit d'imposer les sommes ci-dessus mentionnées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ; que, néanmoins, devant la cour, le ministre demande que, par voie de substitution de base légale, les impositions contestées soient maintenues dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que si M. X soutient que les montants retenus par l'administration seraient erronés, il se borne à produire une copie du passif du bilan de la société Serain aux 31 décembre 1988 et 1989 ; que ce document ne permet pas de corroborer ses allégations sur une éventuelle erreur sur le montant des sommes créditées sur son compte courant dans la société ; qu'il n'établit dès lors pas que les sommes en cause n'avaient pas le caractère d'un revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'il y a donc lieu de maintenir l'imposition de ces sommes sur le fondement de la nouvelle base légale invoquée par le ministre, dès lors que ce changement de base légale ne prive M. X, qui était en situation de taxation d'office faute de dépôt de déclaration de revenus, d'aucune des garanties de procédure auxquelles il a droit ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %. ... 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à la produire dans ce délai ; 80 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'un deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première ;
Considérant que, d'une part, il est constant que M. X n'a pas souscrit de déclaration de revenus au titre des années 1988 et 1989 ; que le fait qu'il avait indiqué à l'administration qu'il estimait ne pas être tenu de déposer une telle déclaration à défaut de domicile fiscal en France est sans incidence sur le droit de l'administration de lui infliger la pénalité prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts en cas de non souscription d'une déclaration de revenus ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que suite aux deux premières mises en demeure, reçues par le requérant le 26 septembre 1990, de déposer des déclarations de revenus qui lui ont été envoyées au titre respectivement des années 1988 et 1989, l'administration lui a adressé, le 6 mai 1991, deux nouvelles mises en demeure ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a fait application de la pénalité de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts en l'absence de souscription de déclaration de revenus malgré deux mises en demeure de l'administration ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de décharge ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, soit condamné à verser une somme à M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 98PA04412