VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Le requérant ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2003 :
- le rapport de M. MATTEI, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE GUISSET a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur les années 1984 et 1985, à l'issue de laquelle, le service a estimé que ladite société, primitivement imposée selon le régime des bénéfices agricoles, rentrait dans le champ d'application de l'article 206-2 du code général des impôts et devait être imposée à l'impôt sur les sociétés en raison du fait qu'outre son activité de production de légumes et leur mise en conserve, elle se livrait dans les proportions dépassant largement les 10% à l'achat et à la commercialisation de produits provenant d'autres exploitations que la sienne et à d'autres opérations à caractère commercial pour le compte de la SARL GUISSET, dont elle assurait le transport des produits et la tenue de la comptabilité ; que consécutivement à ce changement de régime d'imposition de ses bénéfices, la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE GUISSET a également été assujettie au versement de la cotisation relative à la participation des employeurs à l'effort de construction visée à l'article 224 du code général des impôts et de la taxe d'apprentissage au titre de ces mêmes années ; que par le jugement attaqué, dont la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE GUISSET relève régulièrement appel, le tribunal administratif de Versailles a confirmé le bien-fondé des impositions qui en découle ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à la participation des employeurs à l'effort de construction :
Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation : Les employeurs occupant au minimum dix salariés, à l'exception de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs, assujettis à la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du C.G.I, autres que ceux qui appartiennent à des professions relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale pour lesquelles des règles spéciales ont été édictées en application du 3 a dudit article 231, doivent consacrer au financement d'acquisition et d'aménagement de terrains destinés exclusivement à la construction de logements sociaux, de construction de logements, d'acquisition, d'aménagement ou de remise en état de logements anciens des sommes représentant 0,77 % au moins du montant entendu au sens dudit article 231 des salaires payés par eux au cours de l'année écoulée ; que, selon l'article 235 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : 1. Les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des salaires, n'ont pas procédé, ... aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des salaires payés par eux au cours de l'année écoulée, déterminée selon les modalités prévues aux articles 231 et suivants... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts : 1. Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, à la charge des personnes ou organismes... qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments... 3 a. Les conditions et modalités d'application du 1 sont fixées par décret. Il peut être prévu par ce décret des règles spéciales pour le calcul de la taxe sur les salaires en ce qui concerne certaines professions, notamment, celles qui relèvement du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale... ;
Considérant qu'en l'absence de texte réglementaire précisant les conditions et modalités d'application des dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts aux salaires versés par les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale, la taxe sur les salaires doit être regardée comme n'étant pas applicable aux salaires versés par ces employeurs lorsqu'ils ne relèvent pas des dispositions dudit article 231 et de celles, prises pour son application par les articles 53 bis et 53 ter de l'annexe III au code général des impôts ; qu'il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une demande en décharge de cette cotisation de rechercher si, alors même que son personnel serait effectivement affilié au régime agricole, l'employeur qui sollicite cette exonération appartient, eu égard à son activité, à une profession relevant dudit régime au sens des dispositions précitées, ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction de la SCEA GUISSET, qui exploite un domaine agricole de 800 ha, concourant à la production de légumes, a effectué, au cours des années d'imposition en litige, pour compléter sa propre production, des achats de légumes auprès de tiers, dont elle commercialisait le tout sous forme de conserve ; qu'en outre, elle a été amenée au cours de cette même période à fournir à une société tierce divers services notamment consistant dans la tenue de sa comptabilité et le transport de marchandises auprès des clients de cette dernière ; que toutefois et malgré l'exercice de ces activités à caractère commercial et industriel, il résulte des écrits mêmes de l'administration fondés sur les constatations du vérificateur que la partie de l'activité de la requérante présentant ce caractère commercial et industriel a varié durant la période concernée de 36 % à 44 % des recettes globales ; qu'ainsi et eu égard au caractère prépondérant de l'activité agricole, la société requérante doit être regardée comme un employeur relevant du régime agricole au sens des lois sur la sécurité sociale et par suite comme n'étant assujettie ni à la taxe sur les salaires prévue par les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts, ni par voie de conséquence, en application des dispositions susvisées de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation, à la contribution des employeurs à l'effort de construction ; que la SCEA GUISSET est dès lors fondée à demander la décharge des cotisations correspondantes mise à sa charge au titre des années 1984 et 1985 et à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à la taxe d'apprentissage :
Considérant qu'aux termes de l'article 224 du code général des impôts : 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit est inscrit au budget de l'Etat pour y recevoir l'affectation prévue par la loi... 2. Cette taxe est due : ... 2° par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 ; qu'aux termes de l'article 225 du même code : La taxe est assise sur les salaires, selon les bases et modalités prévues aux articles 231 et suivants ; qu'aux termes de l'article 231 dudit code : 1. Les sommes payées à titre de traitement, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumise à une taxe sur les salaires... 3 a. Les conditions et modalités d'application du 1 sont fixées par décret. Il peut être prévu par ce décret des règles spéciales pour le calcul de la taxe sur les salaires en ce qui concerne certaines professions, notamment celles qui relèvent du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale ; que pour l'application de ces dispositions, n'entrent dans l'assiette de la taxe d'apprentissage que les rémunérations versées aux seuls salariés qui assistent leur employeur dans des activités de nature industrielle et commerciale, à l'exclusion de celles versées aux salariés affectés exclusivement à l'activité agricole ou forestière ;
Considérant que la SCEA GUISSET ne conteste pas son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a retenu, nonobstant le caractère prépondérant de son activité agricole, le principe de son assujettissement à la taxe d'apprentissage au titre des années 1984 et 1985 ;
Considérant que, toutefois, s'agissant de la détermination de l'assiette de cette taxe, la SCEA GUISSET est fondée à demander, sur le terrain de la loi fiscale, que soit exclue des bases de ladite taxe la fraction des salaires qu'elle a versés à ses employés affectés à l'activité agricole ; que si la société requérante fait valoir à ce propos que ses salariés seraient pour la plupart affectés à son exploitation agricole et que ceux qui participent aux activités non agricoles et notamment à la mise en conserve des produits achetés, ne le font qu'une partie de l'année, elle ne produit, s'agissant de la répartition des salaires versés à ses employés, aucun élément chiffré comptable ou extra comptable permettant de déterminer la part de ces salaires qui serait versée aux salariés travaillant pour le secteur agricole ; qu'ainsi, et à défaut d'une telle répartition et alors même que ses salariés seraient tous affiliés au régime agricole de sécurité sociale, l'administration était en droit d'assujettir l'ensemble des salaires versés par la SCEA GUISSET à la taxe d'apprentissage au titre des années 1984 et 1985 et ce, sans qu'elle puisse, pour les motifs susmentionnés tenant à l'absence de ventilation des salaires au regard l'affectation de ses employés aux deux secteurs d'activités, se prévaloir utilement de la documentation administrative et de l'instruction référencées respectivement : 4 L. 2111 § 15 et 5 L-8-76, invoquées par la requérante sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe d'apprentissage doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCEA GUISSET n'est que partiellement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments, d'une part, de la cotisation relative à la participation des employeurs à l'effort de construction à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1984 et 1985 et, d'autre part, au titre de la taxe d'apprentissage due au titre de ces mêmes années ;
Sur le remboursement des frais visés à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser la somme de 1500 euros à la SARL SCEA au titre des frais irrépétibles et à rejeter le surplus des conclusions de cette dernière ;
D E C I D E :
Article 1er : La SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE GUISSET est déchargée des cotisations prévues au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1985 et 1986.
Article 2 : Le jugement du 14 juin 1999 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser la somme de 1.500 euros à la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE GUISSET au titre des frais irrépétibles.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE GUISSET est rejeté.
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N°99PA02905