Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 août 2002, présentée pour la société RIVAPOMPE, ayant son siège social 52, rue de la Bienfaisance 75008 Paris, par Me RICARD, avocat ; la société RIVAPOMPE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 26 juin 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision, en date du 22 juillet 1998, par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme Martine X et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le recours hiérarchique dont elle a été saisie ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme Martine X ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code du travail ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 30 juin 2003 :
- le rapport de M. LUBEN, premier conseiller,
- les observations de Me RICARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société RIVAPOMPE, et celles de Me VAN DEN BOSSCHE, avocat, pour Mme X,
- et les conclusions de M. LAURENT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société RIVAPOMPE a demandé, le 8 juillet 1998, l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de Mme Martine X, employée en qualité d'attachée commerciale, qui détenait un mandat de membre suppléant du comité d'entreprise ; que, pour accorder l'autorisation sollicitée, l'inspecteur du travail a notamment relevé, dans sa décision du 22 juillet 1998, qu'une proposition de reclassement sur un emploi inférieur à celui occupé par l'intéressée et comportant une réduction de sa rémunération, avait été offerte à Mme X qui l'avait refusée ;
Considérant que le jugement attaqué a annulé la décision par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de Mme X, et celle par laquelle le ministre, saisi d'un recours hiérarchique, avait implicitement confirmé cette autorisation, aux motifs, d'une part, que la matérialité des efforts de la société RIVAPOMPE pour reclasser Mme X dans ses services n'était pas établie, aucun document écrit contenant une description du poste proposé et mentionnant le montant de la réduction de la rémunération ainsi que les modalités de mise en oeuvre de cette diminution n'ayant été remis par l'employeur à l'intéressée, et, d'autre part, que la société RIVAPOMPE n'avait pas davantage établi qu'elle avait recherché, au sein de sa filiale, une possibilité de reclassement susceptible d'être proposée à l'intéressée ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la société RIVAPOMPE a produit une attestation en date du 14 octobre 1998 rédigée par une salariée de l'entreprise qui assistait Mme X lors de l'entretien préalable du 6 juillet 1998 indiquant que le directeur général de la société avait proposé à Mme X un poste au service logistique de la société, comportant une diminution de salaire, qui devait être échelonnée sur plusieurs mois ; que Mme X ne conteste pas qu'une telle proposition de reclassement lui ait été faite ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire du code du travail ne fait obligation à l'employeur de formaliser par écrit la proposition de reclassement et de remettre au salarié dont le licenciement est envisagé un tel document écrit contenant une description du poste proposé au titre du reclassement et mentionnant, le cas échéant, le montant de la réduction de la rémunération correspondant au poste proposé ainsi que les modalités de mise en oeuvre de cette diminution ; qu'il s'en suit que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la matérialité des efforts de la société RIVAPOMPE pour reclasser Mme X dans ses services n'était pas établie ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si la société Labor, dont la société RIVAPOMPE soutient qu'elle n'a été constituée que pour gérer le terrain d'assiette de l'usine et percevoir les loyers, a pour activité la fabrication de pièces mécaniques, la mécanique générale, le façonnage et toutes les activités de garage pour automobiles, les réparations et la carrosserie, ladite société, dont au demeurant le chiffre d'affaires demeure identique d'une année sur l'autre, n'emploie aucun salarié ; que, par suite, à supposer que la société Labor soit une filiale de la société RIVAPOMPE, le reclassement de Mme X ne pouvait être recherché dans une telle société sans effectif ;
Considérant, en outre, que les circonstances que la société Sofabex a commencé son activité le 1er octobre 1998 grâce à l'achat d'un fonds de commerce appartenant à la société RIVAPOMPE, que l'adresse de son siège social était identique à celui de la société RIVAPOMPE, que le président de son conseil d'administration était également le directeur général de la société RIVAPOMPE et que l'activité des deux sociétés, qui fabriquaient notamment des pompes destinées à l'industrie automobile, était proche ne sauraient toutefois la faire regarder comme constituant, avec la société RIVAPOMPE, un groupe dans lequel le reclassement de Mme X aurait dû être recherché, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le capital de la société anonyme Sofabex était détenu par deux personnes physiques et une banque, à l'exclusion de la société RIVAPOMPE, et qu'aucun lien juridique, financier ou commercial n'existait entre les deux sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que la société RIVAPOMPE n'avait pas établi qu'elle avait recherché, au sein de sa filiale, une possibilité de reclassement susceptible d'être proposée à l'intéressée pour annuler la décision par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de Mme X et celle par laquelle le ministre avait implicitement confirmé cette autorisation ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Martine X devant le tribunal administratif de Paris ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 436-1 du code du travail applicable au licenciement d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;
Considérant que si la société RIVAPOMPE établit que le directeur général de ladite société a proposé à Mme X, lors de l'entretien préalable du 6 juillet 1998, un poste au service logistique de la société comportant une diminution de salaire qui devait être échelonnée sur plusieurs mois, ni l'attestation en date du 14 octobre 1998 rédigée par une salariée de l'entreprise qui assistait Mme X à sa demande, ni la lettre en date du 22 septembre 1998 adressée par le directeur général de la société RIVAPOMPE à Mme X, sur laquelle la salariée susmentionnée a réitéré son attestation, ni aucun autre élément du dossier ne permettent toutefois d'établir que cette proposition, verbale, d'un poste au service logistique de la société, formulée au titre du reclassement, ait été suffisamment concrète et précise, notamment en ce qui concerne la nature des nouvelles fonctions qui étaient proposées à Mme X, le salaire qui correspondait à ces fonctions, inférieur au salaire que l'intéressée percevait au titre de ses précédentes fonctions, et la fixation d'un échéancier aménageant la dégressivité dudit salaire, pour permettre à la salariée dont le licenciement était envisagé de se prononcer de manière éclairée sur cette offre de reclassement ; qu'il suit de là que la société RIVAPOMPE ne peut être regardée comme ayant satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait ;
Considérant, au surplus, que le directeur général de ladite société a proposé à Mme X au titre du reclassement ledit poste au service logistique de la société lors de l'entretien préalable du 6 juillet 1998 ; que la société RIVAPOMPE n'établit ni qu'elle aurait laissé à Mme X, à la suite de cette proposition, un délai de réflexion, même bref, ni au demeurant que cette dernière aurait immédiatement refusé l'offre de reclassement qui venait de lui être faite ; que l'autorisation de licenciement a été demandée à l'inspecteur du travail le 8 juillet 1998, soit deux jours seulement après l'entretien préalable au cours duquel l'offre de reclassement avait été proposée ; qu'en ne laissant à la salariée dont le licenciement était envisagé aucun délai de réflexion à la suite de la proposition de reclassement qui lui avait été formulée, la société RIVAPOMPE n'a pas mis celle-là en mesure d'apprécier ladite proposition de façon libre et éclairée, et n'a, par suite, pas satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société RIVAPOMPE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision, en date du 22 juillet 1998, par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme Martine X et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le recours hiérarchique dont elle a été saisie ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la société RIVAPOMPE à payer à Mme Martine X la somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours de la société RIVAPOMPE est rejeté.
Article 2 : La société RIVAPOMPE versera à Mme Martine X la somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°02PA03176
Classement CNIJ : 66-07-01-02-01
C 66-07-01-04-03-01