Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la cour le 27 août 2004 et le 2 septembre 2004, présentés par la directrice du PORT AUTONOME DE PARIS ayant son siège au ... ; la directrice du PORT AUTONOME DE PARIS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0011118 en date du 2 juillet 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris a relaxé la Compagnie générale des eaux, venant aux droits de la société VIVENDI, des fins des poursuites diligentées à son encontre ;
2°) de condamner la société VIVENDI à l'indemniser des frais de remise en état du domaine public fluvial s'élevant à la somme de 164 157,10 € (1 076 799, 98 F) ;
3°) de condamner la société VIVENDI à payer les intérêts sur la somme de 164 157,10 € au taux légal à compter du 21 septembre 1999, avec la capitalisation des intérêts à compter du 22 septembre 2000 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2006 :
- le rapport de M. Pommier, rapporteur,
- et les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de contravention de grande voirie établi le 4 août 1999 que le 19 décembre 1995, la berge de la Seine, au droit des n° 76/78 du boulevard Bourdon, à Neuilly-sur-Seine s'est effondrée et qu'une fuite a été constatée sur la canalisation d'eau potable exploitée par la société Vivendi et implantée aux abords immédiats de l'emplacement du glissement de terrain ; qu'il ressort tant du rapport d'expertise prescrit par l'ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de Nanterre en date du 19 février 1996 que du rapport d'expertise prescrit par l'ordonnance de référé du président du Tribunal administratif de Paris en date du 10 septembre 1996 que l'effondrement de la berge a été causé par l'ouverture d'un joint isolant sur la conduite de distribution d'eau potable et que cette fuite est due à des conditions d'appui insuffisantes de la canalisation sur un terrain constitué de remblais récents ; que ces énonciations convergentes sont de nature à établir que l'affaissement constaté est imputable à la détérioration de la conduite exploitée par la société Vivendi, aux droits de laquelle est venue la Compagnie générale des eaux ; que par suite c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que lien de causalité n'était pas établi pour rejeter la demande du PORT AUTONOME DE PARIS ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la Compagnie générale des eaux devant le Tribunal administratif de Paris et devant la cour ;
Considérant que si l'entreprise fait valoir que l'action répressive était prescrite le 4 août 1999, cette prescription, en tout état de cause, ne s'applique pas en raison de l'imprescriptibilité du domaine public, à la réparation des dommages causés audit domaine ; que, par suite, et alors même qu'aucune amende ne peut plus être prononcée à son encontre, la Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à soutenir qu'aucune condamnation ne peut être mise à sa charge ;
Considérant que la circonstance que le rédacteur du procès-verbal n'a pas été témoin des faits qu'il relate ne fait pas obstacle à ce que ledit procès-verbal serve de base à des poursuites pour contravention de grande voirie dès lors que ses énonciations sont corroborées par les autres pièces du dossier ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, il ressort des pièces du dossier et notamment des deux rapports d'expertise que l'effondrement de la berge de la Seine survenu le 19 décembre 1995 est imputable à la fuite d'eau affectant la canalisation appartenant à la société Vivendi ; que ces faits étaient constitutifs d'une contravention de grande voirie, prévue et réprimée par les dispositions des articles 24 et 29 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Considérant qu'en admettant même que le talus de la berge ait été mal conçu et entretenu, cette circonstance ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, un fait de l'administration ayant mis la contrevenante dans l'impossibilité de prendre des mesures propres à éviter tout dommage, dès lors qu'ainsi que l'ont relevé les experts, l'entreprise ne pouvait ignorer que le terrain d'assise de la canalisation était constitué de matériaux meubles pouvant entraîner des déformations de la conduite et du joint isolant et qu'une solution technique appropriée devait être retenue, alors surtout qu'un glissement analogue était survenu en 1993 face au n° 73 du boulevard Bourdon ;
Considérant que la personne publique gestionnaire du domaine public n'est pas tenue de consacrer l'indemnité destinée à compenser l'atteinte au domaine public à la réalisation effective des travaux de remise en état ; que la Compagnie générale des eaux ne peut donc utilement faire valoir que le PORT AUTONOME DE PARIS ne justifierait pas de la réalisation ni du règlement préalable du montant desdits travaux, ceux-ci ayant été financés par le département des Hauts-de-Seine ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction que le PORT AUTONOME DE PARIS s'est engagé à reverser au département, ainsi qu'il l'a fait antérieurement, le montant de l'indemnité mise à la charge du contrevenant ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande en réparation des dommages causés au domaine public fluvial, le PORT AUTONOME DE PARIS a produit deux bons de commande d'un montant respectif de 984 009,17 F (150 011,23 €) et 42 790,81 F (6 523,42 €), soit un total de 1 026 799,98 F (156 534,65 €) ; qu'ainsi le coût de remise en état de la berge doit être arrêté à ce montant et non pas à 1 076 799,98 F, comme il est demandé à tort ; qu'il y a lieu en conséquence de mettre à la charge de la Compagnie générale des eaux, venant aux droits de la société Vivendi, la somme de 156 534,65 € , dont il n'est pas soutenu qu'elle présenterait un caractère anormal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PORT AUTONOME DE PARIS est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de réparation des dommages causés au domaine public fluvial et à demander que la Compagnie générale des eaux soit condamnée à lui verser la somme de 156 534,65 €, ainsi que les intérêts au taux légal à compter à compter du 21 septembre 1999, date d'enregistrement de la demande au tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par un mémoire enregistré le 23 octobre 2000 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le PORT AUTONOME DE PARIS n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge du PORT AUTONOME DE PARIS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que la Compagnie générale des eaux demande au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 2004 est annulé.
Article 2 : la Compagnie générale des eaux, venant aux droits de la société Vivendi, versera au PORT AUTONOME DE PARIS la somme de 156 534,65 €, majorée des intérêts légaux à compter du 21 septembre 1999. Les intérêts échus le 23 octobre 2000 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : les conclusions de la Compagnie générale des eaux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 04PA03233