Vu, I, sous le n° 04PA03957, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 17 décembre 2004 et 6 février 2006, présentés pour M. André X, demeurant ..., par respectivement Me Angel Cossalter, et la SCP G. Laugier et J.-P. Caston ; M. X demande à la cour :
1°) de reformer le jugement n°01-12043, en date du 22 juillet 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a satisfait qu'à concurrence de 90 000 euros, sa demande tendant à la condamnation de l'Institut national de la propriété industrielle à lui verser une indemnité de 823 857,13 euros, en réparation des préjudices résultant de sa radiation illégale des effectifs de l'Institut à compter du 11 janvier 1990 ;
2°) de condamner l'Institut national de la propriété industrielle à lui verser, à titre principal, une somme 609 327,22 euros, et à titre subsidiaire, une somme de 461 302,96 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la demande du 27 décembre 2000, avec capitalisation desdits intérêts ;
3°) de condamner ledit Institut à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le décret n° 66-766 du 7 octobre 1966, fixant le statut des personnels de l'Institut national de la propriété industrielle ;
Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié, relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat et des personnels des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2001-1336 du 28 décembre 2001 fixant le statut des personnels contractuels de l'Institut national de la propriété industrielle ;
Vu l'arrêté du 28 décembre 2001 relatif à l'échelonnement indiciaire des personnels de l'Institut national de la propriété industrielle ;
Vu l'arrêté du 28 décembre 2001 relatif au reclassement des personnels de l'Institut national de la propriété industrielle ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2007 :
- le rapport de M. Bernardin, rapporteur ;
- les observations de Me Caston de la SCP Laugier-Caston, pour M. X et celles de Me de Chaisemartin de la SCP Chaisemartin-Courjon, pour l'Institut national de la propriété industrielle,
- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. X, enregistrées sous les numéros 04PA03957 et 04PA03975, concernent la situation d'un même agent public ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Considérant que M. X, recruté au 1er janvier 1979 par l'Institut national de la propriété industrielle en qualité d'ingénieur contractuel stagiaire, et engagé définitivement à compter du 8 mai 1979, conformément au statut des personnels de l'Institut national de la propriété industrielle défini par le décret susmentionné du 7 octobre 1966, a été, à sa demande, mis à disposition de l'Office européen des brevets à compter du 11 janvier 1982, pour une période de deux ans prolongée à trois reprises jusqu'au 10 janvier 1990 ; que par une décision du 17 décembre 1991, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, qui avait implicitement rejeté une nouvelle demande de prolongation de mise à disposition formulée le 29 décembre 1989 par M. X, a refusé de réintégrer ce dernier au sein de l'établissement public français ; que le Tribunal administratif de Paris a annulé ce refus de réintégration par un jugement du 14 mars 1996, confirmé en appel le 6 avril 1999 par la Cour administrative d'appel de Paris ; que le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, dont le pourvoi en cassation a été rejeté par le Conseil d'Etat, le 29 avril 2002, a, en exécution du jugement du 14 mars 1996, par décision du 9 juillet 2002, proposé à M. X sa réintégration dans les effectifs de l'établissement à compter du 1er septembre 2002 ;
Sur les conclusions de la requête n° 04PA03975 :
Considérant que par sa requête enregistrée sous le n° 04PA03975, M. X relève appel du jugement n°02-16317, en date du 22 juillet 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du 9 juillet 2002, en tant qu'elle le classe, lors de sa réintégration, au 9ème échelon de la catégorie des cadres principaux, et en tant qu'elle lui attribue une indemnité de résidence limitée à 3 % du montant de son traitement brut, confirmée sur recours gracieux, le 7 octobre 2002 ;
Considérant que le décret du 28 décembre 2001, susvisé, qui a défini un nouveau statut pour les personnels contractuels de l'Institut national de la propriété industrielle, et abrogé en son article 28 le précédent décret du 7 octobre 1966 fixant le statut des personnels de cet institut, a renvoyé, par son article 11, à un arrêté conjoint des ministres chargés de la propriété industrielle, du budget et de la fonction publique, la fixation de l'échelonnement indiciaire applicable à compter du 1er janvier 2002, à chacune des catégories d'emplois prévues par le nouveau statut, et, par son article 25, à un arrêté conjoint des mêmes ministres, le soin de préciser les conditions de reclassement dans la nouvelle grille, des agents régis jusqu'à cette date par le décret du 7 octobre 1966, susmentionné ;
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté interministériel du 28 décembre 2001, relatif à l'échelonnement indiciaire des personnels de l'Institut national de la propriété industrielle, pris sur le fondement de l'article 11 du décret du 28 décembre 2001, susmentionné, qui fixe pour les échelons respectifs des différentes catégories d'emplois des personnels de l'Institut national de la propriété industrielle, l'indice de traitement correspondant et la durée de chaque échelon, à compter du 1er janvier 2002, n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, de déterminer le classement des agents en fonction au 1er janvier 2002, dans les nouvelles catégories d'emplois créées à cette date ; que, par suite, M. X ne peut utilement s'en prévaloir pour soutenir qu'il aurait dû être reclassé au 1er janvier 2002, au 11ème échelon de la catégorie d'emplois cadres principaux, avec une ancienneté d'échelon de 7 mois ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté interministériel du 28 décembre 2001, relatif au reclassement des personnels de l'institut en fonction au 31 décembre 2001, régis jusque là par le statut défini par le décret du 7 octobre 1966, pris sur le fondement du décret du 28 décembre 2001 susvisé, détermine en fonction de la situation des agents dans les catégories d'emplois d'origine, les conditions de reclassement de ces agents dans les nouvelles catégories d'emplois instituées par le décret du 28 décembre 2001 ; que le requérant soutient qu'en précisant que les agents appartenant au 8ème échelon de la catégorie d'origine cadres techniques, échelle B sont reclassés dans la nouvelle catégorie cadres principaux, cet arrêté crée une discrimination illégale entre les agents recrutés sous l'empire du décret du 7 octobre 1966, déjà en fonction au 31 décembre 2001, et ceux recrutés à compter du 1er janvier 2002 ; que, toutefois, l'autorité administrative peut, lors de la modification des règles statutaires, sans méconnaître le principe d'égalité de traitement entre les agents relevant d'une même catégorie d'emplois, ne pas maintenir les anciennetés acquises dans le cadre antérieur, dans la mesure où cette correction ne conduit pas à reclasser certains agents à un échelon supérieur à celui auquel sont reclassés d'autres agents appartenant à la même catégorie qui, dans la situation antérieure, détenaient un échelon supérieur au leur ;
Considérant, en dernier lieu, que nul n'a de droit acquis au maintien d'une disposition règlementaire ; qu'il suit de là que si M. X bénéficiait à l'Institut national de la propriété industrielle, avant d'être mis à disposition de l'Office européen des brevets, d'une indemnité de résidence fixée à 5 % du montant de son traitement brut, il ne peut utilement contester que pour le calcul de l'indemnité de résidence à laquelle il avait droit lors de sa réintégration, il lui soit fait application du taux de 3% prévu par les dispositions de l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 modifié susvisé, en soutenant que les droits acquis en ce qui concerne l'indemnité de résidence auraient été violés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. André X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la requête n° 04PA03957 :
Considérant que M. X fait appel du jugement n° 01-12043, en date du 22 juillet 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a satisfait qu'à concurrence de 90 000 euros, sa demande tendant à la condamnation de l'Institut national de la propriété industrielle à lui verser une indemnité en réparation des divers préjudices que lui a causés la décision du 17 décembre 1991 lui refusant sa réintégration au sein de cet établissement public ;
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Considérant qu'en relevant que M. X, d'une part, a décidé de poursuivre en 1990 et 1991, ses fonctions à l'Office européen des brevets alors qu'il n'avait pas obtenu le renouvellement de sa mise à disposition au delà du 10 janvier 1990 , et, d'autre part, a librement décidé, à la fin de l'année 1991, sans s'être préalablement assuré de sa réintégration dans le personnel de l'Institut national de la propriété industrielle, de ne pas poursuivre son activité au sein de cet office, et qu'ainsi il avait commis des fautes et négligences de nature à exonérer partiellement l'Institut national de la propriété industrielle de sa responsabilité, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement de contrariété de motifs ;
En ce qui concerne le bien fondé :
S'agissant du partage des responsabilités :
Considérant que M. X ne conteste pas sérieusement les fautes relevées par les premiers juges, résultant de la poursuite au delà du 10 janvier 1990, de ses fonctions à l'Office européen des brevets, sans avoir obtenu une prolongation régulière de sa mise à disposition qu'il avait demandée le 29 décembre 1989, et de la démission desdites fonctions à l'Office européen des brevets, présentée en août 1991 pour devenir effective au 31 décembre 1991, avant d'avoir obtenu des garanties sur sa réintégration au sein de l'Institut national de la propriété industrielle, pour laquelle il a présenté une demande le 25 novembre 1991 ; qu'eu égard à l'importance des fautes ainsi commises par M. X, il y a lieu de laisser à la charge de ce dernier la moitié des conséquences dommageables de la mesure illégale prise à son encontre ;
S'agissant de la perte de rémunération :
Considérant, en premier lieu, que l'Institut national de la propriété industrielle ayant implicitement refusé de prolonger sa mise à disposition de l'Office européen des brevets, comme M. X le lui avait demandé fin 1989, celui-ci n'a pas alors tiré les conséquences de ce refus ; que ce n'est que le 25 novembre 1991 que l'agent a demandé sa réintégration à l'institut qu'il avait quitté depuis 1982 ; qu'ainsi, même si le directeur a expressément fait connaître à M. X, le 17 décembre 1991, son refus de le réintégrer, les premiers juges ont pu, sans erreur de droit, fixer au 1er juillet 1992, le début de la période d'indemnisation ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que, d'une part, par courrier du 29 mai 2002, l'Institut national de la propriété industrielle a proposé à M. X, un emploi d'ingénieur examinateur au sein du département des brevets en l'invitant à prendre contact sans délai avec le service des ressources humaines pour préciser la date et les conditions de sa réintégration ; que, d'autre part, en réponse au courrier en date du 5 juin 2002, de M. X qui souhaitait alors réfléchir à la proposition qui lui était faite, l'institut a précisé, dans un courrier du 9 juillet 2002, au requérant qu'il envisageait sa réintégration dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er septembre 2002 ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont regardé comme ayant fait l'objet d'une éviction illégale durant une période de 10 ans ayant commencé le 1er juillet 1992 ; que, par suite, M. X a droit à l'indemnisation des pertes de revenus subies du fait de son éviction illégale du service entre le 1er juillet 1992 et le 30 juin 2002 ;
Considérant, en deuxième lieu, que cette perte de rémunération subie par M. X, doit être évaluée par référence aux traitements nets qu'il aurait dû percevoir pendant la période litigieuse, à l'exclusion des primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions, diminués des revenus perçus pendant la même période provenant notamment du versement des allocations pour perte d'emploi ou de revenus d'autre source ; que M. X ne conteste pas sérieusement qu'au cours de cette période, il aurait perçu, s'il avait été en fonctions à l'Institut national de la propriété industrielle, un traitement de base, indemnité de résidence et supplément familial de traitement compris, correspondant à une somme nette totale de 280 000 euros ou que le montant de son préjudice ne saurait être déterminé en fonction du montant des traitements bruts, ou être affecté d'un coefficient d'actualisation garantissant la valeur constante des traitements qu'il aurait ainsi perçus ; que, par ailleurs, M. X ne peut se prévaloir de la perte de la prime de performance laquelle le caractère d'un supplément de rémunérations lié à l'exercice effectif de fonction ; qu'enfin, en se bornant à faire état de la possibilité qu'ont les agents de l'Institut national de la propriété industrielle de percevoir des rémunérations accessoires en se livrant à des traductions d'abrégées de brevets européens, le requérant n'établit pas le caractère certain du préjudice qu'il invoque à ce titre ;
Considérant, en troisième lieu, que le tribunal était tenu, contrairement à ce que persiste à soutenir à tort M. X, de retrancher des traitements qu'il aurait dû recevoir au cours de la période du 1er juillet 1992 au 30 juin 2002, les divers revenus provenant d'une activité de traducteur, en retenant le montant même de ces ressources, et non le revenu imposable du requérant pour chaque année considérée, de sorte qu'il ne soit indemnisé que du préjudice financier réellement subi du fait de son éviction illégale ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu un montant total des ressources de M. X, de 167 000 euros, et, par voie de conséquence, qu'ils ont évalué à 113 000 euros la perte de rémunération ainsi subie ;
S'agissant des autres préjudices :
Considérant, en premier lieu, que M. X, qui fait observer que l'Institut national de la propriété industrielle n'a toujours pas reconstitué ses droits à pension pour la période d'éviction, demande la réparation du préjudice afférent qui peut d'ores et déjà, selon lui, être évalué à la somme de 225 236 euros, par référence aux montants des trimestres à racheter, ou, de manière subsidiaire à la somme de 77 211,74 euros, correspondant au montant des sommes qui auraient dû être réglées par l'institut aux différentes caisses pendant la période concernée ; que, toutefois, il n'est pas contesté par l'intéressé qu'il n'avait pas encore atteint l'âge requis pour être admis à faire valoir ses droits à la retraite ; que par suite, le préjudice ainsi allégué présente un caractère seulement éventuel et ne saurait donc donner lieu à réparation ;
Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste appréciation, d'une part, du préjudice subi par le requérant au titre de la perte d'une chance sérieuse d'avancement, et d'autre part, des troubles dans les conditions d'existence résultant notamment des frais supplémentaires dus à l'obligation de continuer à résider à l'étranger, comme du préjudice moral qu'il prétend avoir subi, en lui accordant une indemnité de 67 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont condamné l'Institut national de la propriété industrielle à lui verser une indemnité de 90 000 euros, tous intérêts compris ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner M. X à verser à l'Institut national de la propriété industrielle, une somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. X sont rejetées.
Article 2 : M. X versera à l'Institut national de la propriété industrielle, une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 04PA03957, 04PA03975