Vu, I, enregistrée le 12 mai 2006 sous le n° 06PA01702, la requête, présentée pour la COMMUNE D'ALÈS, représentée par son maire en exercice, par Me Gras ; la COMMUNE D'ALÈS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0003732/6-3 du 3 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Charbonnage de France Énergie (CDF Énergie) une indemnité de 487 676 euros, avec intérêts et capitalisation, en réparation du préjudice que lui a causé la résiliation d'un marché de fourniture de charbon ;
2°) de rejeter la demande de la société CDF Énergie devant le tribunal administratif ;
3°) subsidiairement, de condamner la société CDF Énergie SA à lui verser une somme de 41 770 euros ;
4°) de condamner la société CDF Énergie SA à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu, II, enregistrée le 12 mai 2006 sous le n° 06PA01701, la requête présentée pour la COMMUNE D'ALÈS, représentée par son maire en exercice, par Me Gras ; la COMMUNE D'ALÈS demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n° 0003732/6-3 du 3 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société CDF Énergie SA une indemnité de 487 676 euros, avec intérêts et capitalisation ;
2°) de condamner la société CDF Énergie SA à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………..
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 mars 2007 :
- le rapport de Mme Corouge, rapporteur,
- les observations de Me Vaysse, pour la COMMUNE D'ALES, et celles de Me Richard, pour la société Charbonnage de France énergie,
- les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;
- et connaissance prise de la note en délibéré du 2 avril 2007, présentée pour la société Charbonnage de France énergie, par Me Richard ;
Considérant que les requêtes susvisées de la COMMUNE D'ALÈS tendent à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête n° 06PA01702 de la COMMUNE D'ALÈS tendant à l'annulation du jugement du 3 mars 2006 du Tribunal administratif de Paris :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la COMMUNE D'ALÈS a conclu, le 23 mars 1993, avec le GIE Charbonnages de France Énergie (CDF Énergie), aux droits duquel vient la société CDF Énergie SA, une convention d'une durée de dix ans de fourniture de 3 000 tonnes de charbon par an, provenant prioritairement de l'unité d'exploitation du Gard ; que, par décision du 23 octobre 1998, le maire de la COMMUNE D'ALÈS a résilié ladite convention ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la COMMUNE D'ALÈS à verser à la société CDF Énergie SA une indemnité de résiliation de 487 676 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, sur le fondement de l'article XI de la convention ; que la COMMUNE D'ALÈS interjette appel de ce jugement ;
Considérant que, selon l'article 279 du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable, les marchés des collectivités locales : Donnent lieu à adjudication ou à appel d'offre sauf exceptions prévues aux articles 308 à 312 ter, 321 et 375 ; que, selon les articles 312 et 312 bis du même code, des marchés négociés peuvent être conclus par les collectivités locales sans limitation de montant ni mise en concurrence préalable « (…) 2° Lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation qui, à cause de nécessités techniques, d'investissements préalables importants, d'installations spéciales ou de savoir faire, ne peut être confiée qu'à un entrepreneur ou un fournisseur déterminé (...) ;
Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction que le marché de fourniture de combustible conclu avec la société CDF Énergie sans publicité ni mise en concurrence préalable alors que son montant prévisible annuel excédait le seuil de 300 000 francs prévu à l'article 321 du code des marchés publics, reposait sur les justifications prévues par les dispositions précitées de l'article 312 bis ; que, notamment, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société CDF Énergie ait été la seule entreprise capable d'approvisionner la commune en charbon pour le fonctionnement de sa chaufferie ; qu'il appartenait dès lors au Tribunal administratif de Paris de soulever d'office le moyen tiré de nullité du marché ainsi irrégulièrement passé ; qu'en s'abstenant de le faire, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que dès lors, la COMMUNE D'ALÈS est fondée à en demander, pour ce motif, l'annulation ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la société CDF Énergie tendant à la condamnation de la COMMUNE D'ALÈS au versement d'une indemnité pour résiliation anticipée de son contrat de fourniture de combustible ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la convention du 23 mars 1993 n'a pu, en raison de sa nullité, valablement engager la COMMUNE D'ALÈS et n'a pu, par suite, créer aucun droit au profit de la société CDF Énergie ; qu'il suit de là que les conclusions de la société CDF Énergie SA tendant à être indemnisée des conséquences dommageables de la résiliation sur le fondement de l'article XI de la convention ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant que la société CDF Énergie SA a formulé de plus, en appel, une demande tendant, d'une part, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, à être remboursée des dépenses utiles exposées pour la commune, d'autre part, à être indemnisée de la faute commise par la commune en passant le contrat dans des conditions irrégulières ;
Considérant que si le cocontractant de l'administration dont le contrat est déclaré nul est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé, la société CDF Énergie SA n'établit toutefois ni que l'exécution, pendant six ans, du contrat irrégulier n'aurait pas été bénéficiaire pour elle ni qu'elle aurait subi un préjudice du fait de la faute commise par la COMMUNE D'ALÈS en concluant avec elle un marché entaché de nullité ; qu'en particulier, ni la ristourne de 14,42 F HT par MWh consentie par la société CDF Énergie sur le prix du combustible ni la perte de chiffre d'affaire consécutive à l'interruption des fournitures ne présentent le caractère d'une dépense utile et ne sauraient donner lieu à réparation ; qu'en revanche, il ressort de l'instruction que la société CDF Énergie a versé, pour l'achat des chaudières à charbon, une aide de 1 MF qui n'était amortie qu'aux 6/10ème à la date de la résiliation ; que la circonstance que cette aide a été versée au concessionnaire chargé de la gestion du chauffage urbain demeure sans influence sur l'obligation qui pèse sur la COMMUNE D'ALÈS d'avoir à rembourser les 4/10ème de cette aide qui a été incorporée dans l'achat de matériel utile aux habitants de la commune ; que, dès lors, il y a seulement lieu de condamner la COMMUNE D'ALÈS à verser à la société CDF Énergie SA une somme de 400 000 francs (60 979 euros) en remboursement de l'aide ainsi consentie ;
Considérant que l'indemnité de 400 000 francs (60 979 euros) allouée par le présent arrêt portera intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1999 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 29 novembre 2002 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;
Sur la requête n° 06PA01701 de la COMMUNE D'ALÈS tendant au sursis à l'exécution du jugement du 3 mars 2006 du Tribunal administratif de Paris :
Considérant, d'une part, que le présent arrêt statuant sur le fond du litige, la requête susmentionnée est devenue sans objet ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;
Considérant, d'autre part, que l'annulation par le présent arrêt du jugement du 3 mars 2006 du Tribunal administratif de Paris fait obstacle à ce que la société CDF Énergie SA en demande l'exécution sous astreinte ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société CDF Énergie SA, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, soit condamnée à verser à la COMMUNE D'ALÈS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la COMMUNE D'ALÈS à verser à la société CDF Énergie SA une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 3 mars 2006 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La COMMUNE D'ALÈS est condamnée à verser à la société CDF Énergie SA une indemnité de 60 979 euros (400 000 francs) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1999. Les intérêts échus à la date du 29 novembre 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La COMMUNE D'ALÈS versera à la société CDF Énergie SA une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 06PA01701 de la COMMUNE D'ALÈS.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de la société CDF Énergie SA et les conclusions de la COMMUNE D'ALÈS tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
2
N°s 06PA01701, 06PA01702