Vu la requête, enregistrée le 16 août 2007, présentée pour Melle Sandra X, ..., par Me Gottscheck ; Melle X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0707748/5-1 du 12 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 17 avril 2007 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à la frontière ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du deuxième mois ; subsidiairement, d'ordonner au préfet de police de réexaminer sa situation dans les mêmes délais et sous les mêmes conditions et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 2007 :
- le rapport de Mme Larere, rapporteur ;
- les observations de Me Clément, pour Melle X ;
- et les conclusions de Mme Isidoro, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Melle X, de nationalité congolaise, est entrée en France, en 2004, à l'âge de seize ans ; qu'elle était, à la date de la décision attaquée, prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dans le cadre d'un « contrat jeune majeur », hébergée dans un foyer de jeunes travailleuses et scolarisée au lycée professionnel Maria Deraismes, où elle préparait un BEP « Métiers du secrétariat » ; que si ses résultats scolaires se sont révélés médiocres, les attestations émanant de ses enseignants témoignent de son sérieux et de sa volonté de réussir ses études et son insertion en France ; que les certificats médicaux et les avis psychologiques versés au dossier indiquent, par ailleurs, qu'après avoir été hospitalisée, en décembre 2004, pour une « symptologie anxio-dépressive sévère » liée aux événements traumatisants vécus dans son pays d'origine, elle suivait toujours, à la date de la décision attaquée, un traitement médicamenteux pour dépression et anxiété et qu'elle présentait un état de grande fragilité psychologique ; qu'enfin, il ressort des compte-rendus éducatifs émanant du Foyer « La Bienvenue » que l'intéressée n'a plus aucun lien avec son pays d'origine où elle affirme, sans être contredite, que son père, colonel, a été arrêté et sa mère tuée par des militaires de la garde présidentielle ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, le préfet de police, en refusant de délivrer Melle X un titre de séjour, a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle et a, en outre, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée en méconnaissance, notamment, des dispositions de l'article L . 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision portant refus de titre de séjour, figurant à l'article 1er de l'arrêté attaqué, doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cette décision, être annulée ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel Melle X pourrait être reconduite d'office à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (…) » ;
Considérant que l'illégalité dont est entachée la décision par laquelle le préfet de police a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mlle X entache, par voie de conséquence, la légalité des décisions portant respectivement obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être renvoyée, dont cette décision a été assortie ; qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par la requérante à l'encontre de ces deux décisions, figurant respectivement aux articles 2 et 3 de l'arrêté contesté, d'en prononcer l'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ;
Considérant que l'exécution d'une décision juridictionnelle annulant un refus de titre de séjour au motif que ce refus porte une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale implique, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il est statué sur les droits du demandeur, la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue à l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en l'absence de tout changement allégué dans les circonstances de droit et de fait, l'annulation, par le présent arrêt, de la décision, contenue dans l'arrêté du préfet de police du 17 avril 2007, rejetant la demande de titre de séjour de Melle X implique nécessairement qu'un titre de séjour lui soit délivré sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un tel titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Melle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 12 juillet 2007 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 17 avril 2007 refusant à Melle X la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à la frontière est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Melle X une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » en application de l'article L. 313-11 du code de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet de police tiendra le greffe de la Cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 4 : L'Etat versera à Melle X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N° 07PA03214 2