Vu, enregistrée à la Cour le 11 février 2010 sous le n° 10PA00759, la décision n° 320129 en date du 30 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la SOCIETE RADICE, a annulé l'arrêt de la Cour de céans en date du 24 juin 2008 et lui a renvoyé le jugement de la requête présentée par ladite société le 21 janvier 2004 ;
Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 21 janvier , 2 février 2004, et le 22 mars 2004,présentés pour la SOCIETE RADICE, dont le siège est ...), Italie, par Me Montenot ; la SOCIETE RADICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0010299-0010300 du 21 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 175 000 F en réparation des préjudices subis, d'une part, du fait du refus du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire d'accorder, selon la procédure simplifiée instituée par le droit communautaire, des homologations pour l'importation parallèle en France de produits phytosanitaires et, d'autre part, du fait des contrôles fiscaux exercés sur les importateurs français parallèles de produits phytosanitaires ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 788 923,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 1999, date de son recours gracieux, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes sur le principe de la responsabilité d'un État devant les juridictions nationales lorsqu'en droit communautaire les conditions de la réparation sont réunies ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive n° 91/414 du 15 juillet 1991 du Conseil des Communautés européennes concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ;
Vu le décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytosanitaires ;
Vu l'avis aux importateurs publié au Journal officiel de la République française du 7 août 1999 ;
Vu le décret n° 2001-317 du 4 avril 2001 établissant une procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en provenance de l'Espace économique européen ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 02 décembre 2010 :
- le rapport de M. Even, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
- et les observations de Me Montenot, pour la SOCIETE RADICE ;
Considérant que la SOCIETE RADICE, qui a notamment pour activité la commercialisation en France de produits phytosanitaires, a demandé à l'Etat la réparation du préjudice résultant pour elle du refus du ministre de l'agriculture et de la pêche de lui accorder, entre 1996 et 2000, selon une procédure simplifiée, les homologations pour l'importation parallèle de produits phytosanitaires, en méconnaissance des dispositions de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'elle fait appel du jugement en date du 21 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 23 536 318 F (788 923,60 euros) en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne : Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres ; qu'aux termes de l'article 30 du même traité : Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation (...) justifiées par des raisons (...) de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux ;
Considérant qu'il appartenait aux Etats membres de transposer la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en prévoyant une procédure d'autorisation de mise sur le marché, notamment pour les produits phytopharmaceutiques importés à partir d'autres Etats membres ; qu'il a été satisfait à cette obligation, en France, par la publication du décret du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques ; que, toutefois, les dispositions de la directive précitée relatives à la procédure de délivrance d'une autorisation de mise sur le marché ne sont pas applicables aux importations de produits phytopharmaceutiques dites parallèles, c'est-à-dire aux importations de produits autorisés dans un Etat membre, dit Etat d'origine, dont les substances actives, les formules et les effets sont identiques à ceux d'autres produits déjà autorisés dans un autre Etat membre, dit Etat de destination, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts British Agrochemicals Association Ltd du 11 mars 1999 (aff. C-100/96) et Escalier et Bonnarel du 8 novembre 2007 (aff. C-206/06 et 261/06) ; que, pour de telles importations, il incombait aux Etats membres de prévoir une procédure spécifique, nécessairement distincte de la procédure applicable à la mise sur le marché de produits importés, ayant pour seul objet de vérifier, outre l'existence d'une origine commune, que les produits phytopharmaceutiques autorisés dans l'Etat d'origine et dans l'Etat de destination, sans être en tous points identiques, ont, à tout le moins, été fabriqués suivant la même formule et en utilisant la même substance active et ont en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister dans les conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, d'utilisation des produits ;
Considérant qu'il est constant qu'aucune procédure spécifique n'était prévue par la réglementation française avant son annonce par l'avis aux importateurs publié au journal officiel du 7 août 1999 et son adoption par le décret du 4 avril 2001 ; que, s'il est vrai qu'en l'absence d'une telle procédure spécifique, le ministre chargé de l'agriculture, saisi d'une demande en ce sens, eût en tout état de cause été tenu d'autoriser à la vente les produits en cause dès lors que l'importateur justifiait du respect des conditions, rappelées ci-dessus, pour qu'une importation soit qualifiée de parallèle , la circonstance que les autorités françaises n'ont pas mis en place une procédure spécifique pour les importations parallèles constitue, à elle seule, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts British Agrochemicals Association Ltd, cité ci-dessus et, s'agissant d'importations parallèles de médicaments, Commission c/ France du 12 octobre 2004 (aff. C-263/03), un manquement de l'Etat aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant que le manquement commis par l'Etat est de nature à engager sa responsabilité à l'égard des opérateurs économiques du secteur auxquels, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Danske Slagterier c/ Allemagne du 24 mars 2009 (aff. C-445/06), les stipulations de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne confèrent des droits, qu'ils peuvent faire valoir directement devant les juridictions nationales ; qu'il appartient au juge, saisi par un opérateur économique qui demande réparation des préjudices résultant du manquement commis par l'Etat, de déterminer s'il résulte de l'instruction que cet opérateur a été dissuadé ou empêché, du fait de l'absence d'une procédure spécifique, de se livrer à des importations parallèles, sans qu'il soit nécessaire que cette entreprise, pour justifier d'un lien direct entre la faute commise et le préjudice qu'elle invoque et dont il lui appartient de démontrer l'étendue, ait déposé des demandes d'autorisation ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la SOCIETE RADICE, qui a notamment pour activité la commercialisation de produits phytopharmaceutiques, a été empêchée, du fait de l'absence d'une procédure spécifique, de se livrer à des importations parallèles de produits phytosanitaires et à leur commercialisation ; qu'est sans incidence à cet égard la circonstance que l'entreprise requérante n'ait pas déposé de demandes d'autorisation auprès de l'administration ; qu'ainsi, la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée à l'égard de la société, à qui il appartient de démontrer l'étendue des préjudices qu'elle invoque et leur lien direct avec la faute décrite ci-dessus ;
Sur les préjudices allégués :
Considérant, en premier lieu, que pour établir ses préjudices imputables à l'absence de mise en place d'une procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché pour les importations dites parallèles de produits phytopharmaceutiques au titre des marges qu'elle affirme avoir perdues de ce fait sur le marché français au cours de la période 1996-2000, la SOCIETE RADICE, qui réorientait alors son activité vers le marché italien, se borne à invoquer la baisse globale de son chiffre d'affaire et de sa marge nette, sans présenter de chiffrage spécifique aux quantités, aux tarifs de vente et à la marge commerciale afférente aux produits phytopharmaceutiques qui étaient susceptibles de donner lieu à des importations dites parallèles en France et sans produire de justificatifs comptables et d'estimations probantes ; que, par suite, les préjudices allégués ne sont pas justifiés ;
Considérant, en second lieu, que si la SOCIETE RADICE soutient que la faute commise par l'Etat serait à l'origine directe des préjudices qu'elle affirme avoir subis du fait de la fermeture de deux de ses entrepôts en 1997 et de la perte de rentabilité de plusieurs centaines de points de vente, elle ne fournit aucun justificatif ni aucune indication pertinente concernant l'évaluation desdits préjudices ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que la SOCIETE RADICE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE RADICE est rejetée.
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N° 10PA00759