Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2009, présentée pour la SOCIETE UNILABS SA, dont le siège est 12 Place Cornavin à Geneve, SUISSE, M. Bernard B, demeurant ... et M. Jean-Philippe A, ..., par Me Frovo ; la SOCIETE UNILABS SA et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405616/6 et 0501468/6 du 12 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des mises en demeure en date du 23 janvier 2004 par lesquelles le conseil central de la section G de l'Ordre national des pharmaciens a demandé à M. B, M. C et M. A de procéder au remembrement entre leurs mains des titres détenus en usufruit par la SOCIETE UNILABS SA et à la condamnation de l'Ordre national des pharmaciens à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis du fait de ces mises en demeure ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance et d'annuler les mises en demeure du 23 janvier 2004 ;
3°) subsidiairement, de surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur renvoi préjudiciel en interprétation de l'article 43 du Traité de l'union européenne ;
4°) de condamner l'Ordre national des pharmaciens à verser à la SOCIETE UNILABS SA en cas d'annulation de la mise en demeure du 23 janvier 2004 la somme de 78 628 000 euros, et à défaut, la somme de 111 416 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2004 et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'Ordre national des pharmaciens une somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu la Constitution ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participation financières de professions libérales ;
Vu le décret n° 92-545 du 17 juin 1992 relatif aux sociétés d'exercice libéral de directeurs et directeurs adjoints de laboratoires d'analyses et de biologie médicale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2011 :
- le rapport de Mme Amat-Clot, rapporteur,
- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,
- et les observations de Me Cordier, représentant l'Ordre national des pharmaciens ;
Considérant que le 23 janvier 2004, le président du conseil central de la section G de l'Ordre national des pharmaciens a mis en demeure les directeurs de la société d'exercice libéral Biolab-Centre labo, exploitant des laboratoires d'analyses de biologie médicale, de mettre en conformité dans le délai d'un mois le capital social de leur société, dont la SOCIETE UNLIBABS SA détient des parts sociales en usufruit, avec les dispositions de la loi du 31 décembre 1990 et du code de la santé publique relatives aux règles de détention du capital social des sociétés d'exercice libéral de laboratoires d'analyse de biologie médicale et à l'indépendance des directeurs de laboratoires d'analyses médicales ; que la SOCIETE UNILABS SA et autres relèvent régulièrement appel du jugement en date du 12 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des mises en demeure précitées ainsi que la demande de la SOCIETE UNILABS SA tendant à ce que l'Ordre national des pharmaciens soit condamné à l'indemniser des préjudices causés par ces mises en demeure ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe général de procédure n'imposait aux premiers juges, avant de statuer, d'informer les parties, par la communication d'un moyen soulevé d'office, qu'ils étaient susceptibles d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du droit communautaire comme étant inopérant ; que, par suite la SOCIETE UNILABS SA et autres ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des mises en demeure :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir ;
Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne rend opposable au conseil de l'Ordre national des pharmaciens les interprétations qu'il peut donner, à titre d'information, des textes législatifs ou réglementaires ; qu'au surplus, et contrairement à ce que soutiennent la SOCIETE UNILABS SA et autres, le conseil national de l'Ordre des pharmaciens, dans sa lettre du 28 février 2001, n'a pas validé de manière générale et inconditionnelle le principe du démembrement des parts sociales des sociétés d'exercice libéral mais, au contraire, indiqué que le " démembrement de propriété ne peut permettre un détournement des dispositions du décret du 17 juin 1992 " et que " tout schéma juridique présentant un démembrement de propriété des parts sociales ou actions de sociétés d'exercice libéral de laboratoires d'analyses de biologie médicale devra, bien entendu, faire l'objet d'un examen préalable par le Conseil qui statuera au cas par cas ... " ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée " Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l'intermédiaire de la société mentionnée au 4° ci-dessous, par des professionnels en exercice au sein de la société. Sous réserve de l'application des dispositions de l'article 6, le complément peut être détenu par : 1°Des personnes physiques ou morales exerçant la ou les professions constituant l'objet social de la société(...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi " Des décrets en Conseil d'Etat, propres à chaque profession, pourront interdire la détention, directe ou indirecte, de parts ou d'actions représentant tout ou partie du capital social non détenu par des personnes visées au premier alinéa ou aux 1° à 4° de l'article 5, à des catégories de personnes physiques ou morales déterminées, lorsqu'il apparaîtrait que cette détention serait de nature à mettre en péril l'exercice de la ou des professions concernées dans le respect de l'indépendance de ses membres et de leurs règles déontologiques propres. " ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 17 juin 1992 susvisé alors en vigueur et aujourd'hui codifié à l'article R. 6212-82 du code de la santé publique : " Le quart au plus du capital d'une société d'exercice libéral de directeurs et directeurs adjoints de laboratoires d'analyses de biologie médicale peut être détenu par une ou plusieurs personnes ne répondant pas aux conditions du premier alinéa ou des 1° et 5° du deuxième alinéa de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée (...) " ; qu'aux termes de l'article 1844 du code civil " Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (...). Si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. " ;
Considérant que nonobstant la circonstance que le litige ne comporte que des éléments se cantonnant à l'intérieur du seul territoire français, il ne peut être exclu que des sociétés dans d'autres Etats membres puissent souhaiter détenir une partie du capital de sociétés d'exercice libéral de laboratoires de biologie d'analyses médicales françaises ; que par suite, la SOCIETE UNILABS SA et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont décidé que le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions de l'article 11 du décret du 17 juin 1992 susvisé au regard du droit communautaire, et notamment des dispositions de l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, était sans influence sur la légalité des mises en demeure attaquées au motif de l'absence de tout élément sortant d'un cadre purement national ;
Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt C 89-09 du 16 décembre 2010, a jugé que " eu égard à la marge d'appréciation laissée aux États membres, ..., il n'apparaît pas inacceptable qu'un État membre considère que l'indépendance dans l'exercice de leur pouvoir de décision de biologistes qui détiendraient la majorité des droits de vote sans toutefois détenir la majorité du capital d'une société exploitant des laboratoires d'analyses de biologie médicale n'est pas garantie de façon suffisamment efficace. Ainsi qu'il a été relevé par M. l'avocat général au point 220 de ses conclusions, il peut, en effet, être envisagé que les décisions liées à l'investissement ou au désinvestissement financier prises par les associés minoritaires, ne détenant qu'un maximum de 25 % des droits de vote, influent, bien que de manière indirecte, sur les décisions des organes de la société. Dans ces conditions, il n'est pas établi que des mesures moins restrictives permettraient d'assurer, de manière aussi efficace, le niveau de protection de la santé publique recherché. Il ressort en outre du dossier soumis à la Cour que le choix opéré par la République française de limiter à 25 % les parts sociales et les droits de vote pouvant être détenus par des non-biologistes au sein des Selarl exploitant des laboratoires d'analyses de biologie médicale résulte notamment du fait que les décisions les plus importantes adoptées au sein de telles sociétés requièrent un vote à la majorité des associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales. Une détention du capital et des droits de vote par des non-biologistes est ainsi possible uniquement dans la mesure où ces derniers ne peuvent peser sur lesdites décisions. Par conséquent, les dispositions faisant l'objet du premier grief apparaissent également proportionnées à l'objectif poursuivi, étant donné que, tout en assurant que les biologistes conservent leur indépendance dans l'exercice de leur pouvoir de décision, elles permettent une certaine ouverture des Selarl exploitant des laboratoires d'analyses de biologie médicale aux capitaux extérieurs dans la limite de 25 % du capital social de celles-ci. " et, qu'ainsi, les restrictions découlant des dispositions combinées de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 et du premier alinéa de l'article 11 du décret du 17 juin 1992 sont justifiées par un objectif de santé publique " ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article 11 du décret du 17 juin 1992 sont incompatibles avec celles de l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant, enfin, qu'il est constant qu'à la date des mises en demeure litigieuses, les parts sociales de la société d'exercice libéral Biolab-Centre Labo sont détenues à 75 % en usufruit par la SOCIETE UNILABS SA et à 25 % en pleine propriété par la société Unilabs France, filiale de la SOCIETE UNILABS SA ; que si les appelants soutiennent que les clauses des statuts de la société d'exercice libéral confèrent l'exercice des droits de vote afférents aux parts détenues par la SOCIETE UNILABS SA en usufruit aux seuls pharmaciens associés et que le démembrement des parts sociales des sociétés d'exercice libéral n'est pas prohibé par la loi, il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article 1844 du code civil que la société UNILABS SA détient directement ou par l'intermédiaire de sa filiale Unilbas France 100% des droits de vote de la société d'exercice libéral Biolab-Centre Labo pour toute décision relative à l'affectation des bénéfices, les clauses statutaires étant sans effet sur la propriété des droits de vote en ce cas ; qu'en outre, il ressort des travaux parlementaires relatifs à la loi du 2 août 2005 que le législateur a entendu interdire le démembrement des droits de propriété des parts sociales des sociétés d'exercice libéral de laboratoires d'analyses et de biologie médicale dans le cas notamment où celui-ci conduirait à un détournement des règles relatives à la détention du capital ; que le législateur a en outre réaffirmé cette volonté de restreindre la détention du capital social des sociétés d'exercice libéral lors des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de l'article 69 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; que, par suite, la SOCIETE UNILABS SA et autres ne sont pas fondés à soutenir que les mises en demeure du 23 janvier 2004 ont été prises en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 11 du décret du 17 juin 1992 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE UNILABS SA et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des mises en demeure du conseil central de la section G de l'Ordre national des pharmaciens en date du 23 janvier 2004 ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE UNILABS recherche la responsabilité de l'Ordre national des pharmaciens en raison de l'illégalité dont seraient entachées les mises en demeure litigieuses ; que, toutefois, il résulte de ce qui précède que la SOCIETE UNILBAS SA n'est pas fondée à soutenir que lesdites mises en demeure sont illégales et par suite constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité du conseil de l'Ordre national des pharmaciens ;
Considérant, en second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le conseil de l'Ordre national des pharmaciens n'a pas autorisé, notamment dans son courrier en date du 28 février 2001, la SOCIETE UNILABS SA à acquérir en usufruit 75% des parts sociales de la société d'exercice libéral Biolab-Centre labo ni même approuvé le principe du démembrement des parts sociales des sociétés d'exercice libéral exploitant des laboratoires d'analyses médicales ; que, dès lors, la SOCIETE UNILABS SA n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du conseil national de l'Ordre des pharmaciens en raison des renseignements fournis par celui-ci en 2001 et de son prétendu changement de position ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE UNILABS SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Ordre national des pharmaciens à lui verser des dommages et intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Ordre national des pharmaciens, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à la SOCIETE UNILABS SA et autres la somme qu'ils demandent au titres des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de la SOCIETE UNILABS SA une somme de 2 000 euros ; que de même il y a lieu de mettre à la charge de M. B et de M. A une somme de 1 000 euros chacun sur le fondement desdites dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE UNILABS SA, de M. B et de M. A est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE UNILABS SA versera à l'Ordre national des pharmaciens une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : M. B et M. A verseront chacun à l'Ordre national des pharmaciens une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 09PA04333