Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2010, présentée pour Mme Véronique A, demeurant ..., par Me Bernard-Puech ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0615998/6-2 en date du 26 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier des Quinze-Vingts à lui verser une indemnité de 260 787, 10 euros en réparation des préjudices qui ont résulté de l'inflammation intra-oculaire de son oeil droit survenue à la suite d'une intervention de la cataracte dans cet hôpital le 14 octobre 1999 ;
2°) de condamner le centre hospitalier des Quinze-Vingts à lui verser une indemnité de 260 787, 10 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier des Quinze-Vingts les dépens et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2011 :
- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Bernard-Puech, pour Mme A et celles de Me Ittah, pour le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts ;
Considérant que Mme A, atteinte d'une rétinopathie des prématurés, est porteuse de séquelles oculaires importantes ; qu'elle a perdu la vision de son oeil gauche après sa naissance et présentait des modifications du fond de l'oeil droit ; que le 14 octobre 1999 elle a dû être opérée d'une cataracte de l'oeil droit, en raison d'une baisse progressive de son acuité visuelle, au centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts où elle était suivie depuis l'année 1987 ; qu'à la suite de cette intervention, elle a presque totalement perdu la vision de son oeil droit ; qu'elle a recherché la responsabilité dudit centre hospitalier devant le Tribunal administratif de Paris ; que par jugement du 26 janvier 2010, ce tribunal a condamné le centre national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts à verser à Mme A la somme de 7 000 euros en réparation de ses préjudices ; que Mme A relève régulièrement appel de ce jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ; que par la voie de l'appel incident, le centre national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts demande également l'annulation dudit jugement ; qu'enfin la caisse d'assurance maladie des professions libérales provinces (RSI-CAMPLP) intervient en appel pour demander la condamnation du centre hospitalier des Quinze-Vingts à lui rembourser les débours qu'elle a exposés dans l'intérêt de son assurée ;
Sur les conclusions de la caisse d'assurance maladie des professions libérales provinces (RSI-CAMPLP) :
Considérant que si la caisse d'assurance maladie des professions libérales provinces intervient en appel pour demander la condamnation du centre hospitalier des Quinze-Vingts à lui rembourser les débours qu'elle a exposés dans l'intérêt de son assurée, il ressort des pièces du dossier de première instance que bien qu'ayant été invitée à régulariser ses écritures par le greffe du tribunal, elle ne s'est pas acquittée de l'obligation prévue par l'article R. 431-2 du code de justice administrative de présenter ses conclusions par le ministère d'un avocat ; que les premiers juges ont donc rejeté sa demande comme irrecevable ; que dès lors sa demande est également irrecevable en appel ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A :
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme A considère que sa cécité a été provoquée par une infection d'origine nosocomiale ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du docteur B, expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, qu'une infection a pu être suspectée par le corps médical comme étant à l'origine de l'inflammation oculaire que présentait son oeil, mais qu'en revanche, d'une part, aucun germe n'a été retrouvé lors des diverses analyses pratiquées et notamment dans la chambre antérieure de l'oeil et, d'autre part, Mme A ne présentait pas, lors de la consultation post-opératoire du 18 octobre, les symptômes caractéristiques d'une infection que sont la douleur et la rougeur de l'oeil ; que l'équipe médicale et en particulier le professeur ayant opéré Mme A se sont donc orientés vers un possible accident vasculaire avec hémorragie ; que toutefois comme le fait remarquer dans ses écritures Mme A, l'origine de cette inflammation n'est pas expliquée par l'expert ;
Considérant que sur ce point la Cour ne trouve pas au dossier suffisamment d'éléments pour lui permettre de trancher le litige ;
Considérant que, de même, Mme A évoque un défaut de prise en charge dans les suites opératoires qui ont été immédiatement compliquées d'une altération de la vision et d'une rougeur de l'oeil ; que si l'expert a constaté ces faits elle ne s'est pas prononcée sur le caractère fautif ou non du suivi de la patiente ;
Considérant, en troisième lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction que Mme A avait été informée du risque de cécité qui pouvait intervenir à la suite d'une intervention de la cataracte ; qu'il n'existait pas de situation d'urgence de nature à dispenser le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts de son obligation d'information à l'égard de la patiente ; que dans les circonstances de l'espèce, le défaut d'information a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de ce centre hospitalier à l'égard de la requérante ;
Considérant que le défaut d'information n'engage la responsabilité de l'hôpital que dans la mesure où il prive le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention, laquelle doit être fixée à une fraction du préjudice subi ; que Mme A fait valoir que si elle avait été informée du risque de cécité totale, elle aurait évité l'opération ; que toutefois l'expertise diligentée par le Tribunal administratif de Paris n'a pas tranché la question de la fréquence de survenue du risque en cause ; que, de même, elle n'a pas apporté d'information sur la prévisibilité de la détérioration de la vision de Mme A qui était de l'ordre de 1,5/10 avant l'opération, son inéluctabilité et la durée à laquelle la patiente aurait pu être affectée de cécité par l'évolution naturelle de la maladie, permettant d'évaluer le rapport entre le risque et le bénéfice de l'intervention et de déterminer ainsi la perte de chance réelle subie par Mme A ; qu'enfin l'expert ne s'est pas non plus prononcé sur l'existence ou non dans le cadre de la maladie de Mme A d'autres procédés opératoires potentiellement moins risqués ;
Considérant enfin que si l'expert a estimé, s'agissant de l'évaluation des préjudices de Mme A, que le taux de son incapacité permanente partielle devait être fixé à 82%, il n'a pas précisé si ce taux était applicable au seul oeil droit, qui a subi le dommage, ou tenait compte de la vision des deux yeux ; que l'expert n'a pas ainsi distingué la part de ce taux relevant de l'état de santé antérieur de la patiente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Cour ne trouve pas au dossier les éléments lui permettant de se prononcer sur la responsabilité du centre hospitalier ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner, avant dire droit, une expertise complémentaire aux fins précisées ci-après : l'expert se fera communiquer l'entier dossier médical de Mme A ; il aura pour mission de : 1°) dire si l'intervention pratiquée était appropriée compte tenu de l'état antérieur de la patiente et s'il existait des alternatives thérapeutiques moins risquées ; 2°) dire si l'intervention a été effectuée dans les règles de l'art s'agissant notamment des mesures d'asepsie prises et du geste médical ; 3°) expliquer quelle a pu être l'origine de l'inflammation oculaire subie par la patiente ; 4°) dire si Mme A a été victime d'une infection nosocomiale par un germe introduit lors de l'opération pratiquée et si le cas échéant ce germe pouvait être déjà présent dans le derme de la patiente ; 5°) donner les éléments permettant d'estimer si le défaut d'information sur les risques de l'opération subie par Mme A a pu faire perdre à cette dernière une chance de renoncer à ladite opération, notamment la fréquence de survenue du risque en cause, la prévisibilité de la détérioration de la vision de Mme A et la date prévisible à laquelle la patiente aurait pu perdre définitivement la vision de son oeil droit de par l'évolution naturelle de la maladie ; 6°) se prononcer sur la qualité de la prise en charge dont Mme A a fait l'objet dans le cadre du suivi post-opératoire et dire si elle a perdu une chance de guérison plus importante du fait d'un retard éventuel de soins ; évaluer le cas échéant cette perte de chance ; 7°) évaluer le taux du déficit fonctionnel permanent imputable à l'intervention en cause affectant l'oeil droit et indiquer le taux d'incapacité antérieur à l'intervention litigieuse présenté par Mme A et 8°) se prononcer sur l'actualisation de l'évaluation des préjudices subis par Mme A au cas où ils auraient évolué depuis le 15 mars 2004, date de dépôt de son rapport par le docteur B ;
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la caisse d'assurance maladie des professions libérales provinces sont rejetées.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête présentée par Mme A, procédé à une expertise aux fins précisées ci-dessus, par un expert désigné par le président de la Cour.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour en deux exemplaires dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment.
Article 4 : Des copies de son rapport seront notifiées par l'expert aux parties intéressées en application de l'article R. 621-9 du code de justice administrative.
Article 5 : Tous les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 10PA03855
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N° 10PA02275