Vu le recours, enregistré le 21 septembre 2009, présenté pour le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0603374/2 du 16 juillet 2009 qui a accordé décharge à Mme A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 et 2001 ;
2°) de remettre à la charge de Mme A les impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales des années 1999 et 2001, à concurrence des droits et des intérêts de retard dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2011 :
- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,
- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,
- les observations de Me Pannier, avocat de Mme Viard épouse Schall,
- Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 29 novembre 2011, présentée pour Mme A, par Me Pannier ;
Considérant que durant les années 1999 et 2001 en cause, Mme A, président directeur général de la société Weecilms S.A., avait bénéficié de l'exonération d'impôt sur le revenu à raison des dividendes qu'elle avait perçus des titres placés dans le plan d'épargne d'entreprise mis en place par cette société ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société et du contrôle sur pièces du dossier personnel de Mme A, l'administration a remis en cause cette exonération aux motifs que le plan d'épargne avait fonctionné de manière irrégulière et dissimulait un montage destiné à permettre aux dividendes versés par la société d'échapper à toute imposition ; que par une notification de redressements du 5 juillet 2002 fondée sur la procédure de répression des abus de droit, elle a taxé les dividendes perçus par l'intéressée en tant que revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, saisi par Mme A d'une demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1999 et 2001 en conséquence de cette taxation, le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, estimé que l'intéressée établissait que la mise en oeuvre du plan d'épargne d'entreprise n'avait pas eu un but exclusivement fiscal, de sorte que l'administration n'était pas fondée à se prévaloir de la procédure de répression des abus de droit ; qu'il a en conséquence prononcé la décharge de ces impositions supplémentaires ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande l'annulation de ce jugement ;
Considérant que devant la Cour, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT renonce expressément à se prévaloir de la procédure de répression des abus de droit et fonde exclusivement son appel sur ce que, faute pour le plan d'épargne d'entreprise d'être conforme aux dispositions applicables du code du travail, il n'ouvrait pas droit au profit de ses adhérents aux avantages fiscaux prévus par le code général des impôts, en particulier l'exonération d'impôt sur le revenu des dividendes produits par les titres figurant dans le plan ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 163 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable lors des années d'imposition : I Les sommes versées par l'entreprise en application d'un plan d'épargne d'entreprise, constitué conformément aux dispositions du chapitre III du titre IV du livre IV du code du travail, sont exonérées de l'impôt sur le revenu établi au nom du salarié. II Les revenus des titres détenus dans un plan d'épargne d'entreprise mentionnés au I sont également exonérés d'impôt sur le revenu s'ils sont réemployés dans ce plan et frappés de la même indisponibilité que les titres auxquels ils se rattachent. Ils sont définitivement exonérés à l'expiration de la période d'indisponibilité correspondante. Par dérogation aux dispositions du I de l'article 158 bis et de l'article 199 ter, les avoirs fiscaux et crédits d'impôt attachés à ces revenus sont restituables. Ils sont exonérés dans les mêmes conditions que ces revenus. Cette exonération est maintenue tant que les salariés (...) ne demandent pas la délivrance des parts ou actions acquises pour leur compte ; qu'enfin, aux termes de l'article 82 de l'annexe II au même code : I L'avoir fiscal et le crédit d'impôt attachés aux revenus du portefeuille collectif ou des titres détenus individuellement qui sont acquis en application des articles L. 443-1 à L. 443-9 du code du travail et dans les conditions fixées à ces articles, donnent lieu à l'attribution d'un certificat distinct (...). II Lorsque ces revenus sont totalement exonérés, conformément aux dispositions des deux premières phrases du II de l'article 163 bis, le certificat est établi pour la totalité de l'avoir fiscal ou du crédit d'impôt au nom de l'organisme chargé de la conservation des titres et la restitution de l'avoir fiscal ou du crédit d'impôt mentionné sur ce certificat est demandée par cet organisme. III La demande de restitution accompagnée du certificat est adressée au service des impôts du siège de l'organisme qui l'a établie. La restitution est opérée au profit de cet organisme, à charge pour lui d'employer les sommes correspondantes de la même façon que les revenus auxquels elles se rattachent .
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L 443-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur lors des années d'imposition : Le plan d'épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières(...). Les plans d'épargne d'entreprise peuvent être établis dans toute entreprise à l'initiative de celle-ci ou en vertu d'un accord avec le personnel, notamment en vue de recevoir les versements faits en application des chapitres Ier et II ci-dessus(...) ; qu'aux termes de l'article L 443-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : Les versements annuels d'un salarié aux plans d'épargne d'entreprise auxquels il participe ne peuvent excéder un quart de sa rémunération annuelle (...) ; qu'aux termes de l'article L 443-3 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : Les sommes recueillies par un plan d'épargne d'entreprise peuvent être affectées à l'acquisition :
a) De titres émis par des sociétés d'investissement à capital variable régies par les dispositions du chapitre Ier de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances ;
b) De parts de fonds communs de placement ou des titres émis par des sociétés d'investissement à capital variable régis par le chapitre III de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 précitée ;
c) D'actions émises par des sociétés créées dans les conditions prévues à l'article 11 de la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique.
Les actifs des fonds communs de placement peuvent également comprendre soit exclusivement des valeurs mobilières émises par l'entreprise ou par une entreprise du même groupe au sens de l'article L. 444-3, (...) ;
Lorsque tout ou partie de l'épargne recueillie par le plan est destinée à être consacrée à l'acquisition de valeurs mobilières émises par l'entreprise ou par une entreprise du même groupe au sens de l'article L. 444-3, l'institution d'un fonds commun de placement n'est pas obligatoire ; qu'enfin, les articles R 443-4 et R 443-5 du code du travail alors en vigueur, disposaient respectivement que : Les sommes versées par les adhérents à un plan d'épargne mentionné aux articles L. 443-1, L. 443-1-1 et L. 443-1-2, les sommes complémentaires versées par l'entreprise, les sommes attribuées au titre de l'intéressement et affectées volontairement par des salariés au plan d'épargne mentionné aux articles L. 443-1, L. 443-1-1 et L. 443-1-2 ainsi que les sommes attribuées aux salariés au titre de la participation aux résultats et affectées à la réalisation de ce plan doivent, dans un délai de quinze jours à compter respectivement de leur versement par l'adhérent ou de la date à laquelle elles sont dues, être employées à l'acquisition d'actions de sociétés d'investissement à capital variable ou de parts de fonds communs de placement d'entreprise ou de titres émis par l'entreprise ou, le cas échéant, par des sociétés créées dans les conditions prévues à l'article 11 de la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique.
L'affectation à la réalisation du plan des sommes complémentaires que l'entreprise s'est engagée à verser intervient concomitamment aux versements de l'adhérent, ou au plus tard à la fin de chaque exercice et en tout état de cause avant le départ de l'adhérent de l'entreprise , et que L'entreprise tient le registre des comptes administratifs ouverts au nom de chaque adhérent retraçant les sommes affectées aux plans d'épargne ; ce registre comporte pour chaque adhérent la ventilation des investissements réalisés et les délais d'indisponibilité restant à courir.(...) ;
Considérant que les avantages fiscaux institués par les dispositions précitées du code général des impôts en faveur de l'épargne salariale investie dans des plans d'épargne d'entreprise ne peuvent bénéficier qu'aux salariés adhérents aux plans qui fonctionnent conformément aux dispositions également précitées du code du travail ; qu'il résulte expressément de ces dernières dispositions, qui ont en particulier pour objet de permettre aux salariés intéressés d'accroître leurs revenus salariaux en acquérant des valeurs mobilières, que les plans d'épargne entreprise doivent nécessairement être alimentés par des versements de sommes provenant des revenus du travail et plafonnés au quart de la rémunération annuelle des intéressés, et que les sommes ainsi versées doivent être impérativement utilisées à l'acquisition de valeurs mobilières, de sorte que l'épargne ainsi investie soit transformée en titres nouveaux ; que ces dispositions, si elles permettent de consacrer l'épargne recueillie à acquérir des titres de l'entreprise, s'opposent à ce qu'un salarié puisse transférer sur le plan d'épargne d'entreprise un portefeuille de titres antérieurement détenu dès lors que ces titres ne permettent pas, par eux-mêmes, d'acquérir des valeurs mobilières nouvelles ;
Considérant que le plan d'épargne de la société Weecilms S.A, ouvert à tous les salariés de l'entreprise, a pris effet le 1er janvier1997 ; qu'il était constitué d'un support appelé fonds d'épargne multi-entreprises , en fait destiné à l'acquisition des seules valeurs de l'entreprise, et dont le gestionnaire était la société Gerer S 2 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que durant l'année concernée Mme A, qui était président directeur général de la société Weecilms S.A., dont elle détenait la quasi-totalité du capital, a utilisé à titre quasi-exclusif le plan, et qu'elle s'est bornée à y transférer l'intégralité des titres de la société Weecilms S.A. en sa possession, lesquels sont demeurés inscrits à son nom dans le plan et ont donné lieu au versement de dividendes également portés à son crédit ; qu'ainsi, le dépôt des titres sur le plan dans les conditions sus-décrites n'a pas permis l'acquisition de valeurs mobilières nouvelles et n'a pas servi à la constitution, par les salariés de l'entreprise, d'un portefeuille de valeurs mobilières au sens des dispositions précitées de l'article L. 443-1 du code du travail ; que la circonstance que selon les écritures comptables de la société gestionnaire du plan, les dividendes produits par les titres déposés sur le plan par Mme A auraient eux-mêmes servi à l'acquisition de nouveaux titres. ne permet pas de considérer que le plan a fonctionné dans des conditions conformes aux dispositions précitées du code du travail ; qu'il suit de là et alors même que le montant des titres déposés n'aurait pas excédé le quart du salaire annuel de Mme A, conformément auxdites dispositions, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le fonctionnement du plan d'épargne d'entreprise était conforme aux dispositions applicables du code du travail ;
Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de demander que soit substituée une base légale nouvelle à celle qui avait primitivement invoquée, à la condition que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédures attachées à cette nouvelle base ;
Considérant, d'une part, que la notification de redressements du 5 juillet 2002 par laquelle l'administration, sur le fondement de l'abus de droit, imposait en tant que revenus distribués les dividendes perçus par Mme A, accordait à cette dernière un délai de trente jours pour faire parvenir au service ses observations ; qu'ainsi l'administration a en fait recouru à la procédure contradictoire ; que, par ailleurs, les motifs invoqués par le service à l'appui de la nouvelle base légale étaient déjà exposés dans cette notification, de sorte que la contribuable a été mise à même d'y répondre ; que, par suite, l'administration n'était pas tenue d'adresser à cette dernière une nouvelle notification de redressements ;
Considérant, d'autre part, que le redressement en cause concerne l'imposition de revenus de capitaux mobiliers ; que ce redressement n'entre en conséquence pas dans le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, défini à l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales ; que cet organisme n'avait, dès lors, pas à être saisi ; qu'ainsi la substitution de base opérée par le service n'a privé la contribuable d'aucune des garanties de la procédure contradictoire ;
Considérant, enfin, que contrairement aux observations de Mme A, l'administration s'est bornée, à l'appui de la nouvelle base légale assignée aux impositions, à soutenir que le plan d'épargne d'entreprise n'avait pas fonctionné conformément aux dispositions applicables du code du travail et qu'en conséquence les revenus produits par les titres figurant au plan étaient imposables ; qu'en se fondant sur cette constatation objective, l'administration n'a pas entendu invoquer la fraude à la loi ; que, dans ces conditions, dès lors qu'aucune garantie de procédure n'a été méconnue, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale présentée par le MINISTRE ; qu'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'intimée dans sa demande au tribunal et dans ses écritures devant la Cour afférents à la nouvelle base légale;
Considérant en premier lieu que la brochure émise par l'Autorité des marchés financiers (AMF) énonce que les salariés peuvent verser au plan leurs primes de participation et d'intéressement ; que, si ce document ajoute que les salariés peuvent, dans certains cas et sous le respect de certaines conditions, apporter à un fonds commun de placement les titres qu'ils détiennent directement, il résulte de l'instruction que le plan d'épargne en cause a fonctionné sans mise en place d'un tel fonds commun de placement ; que, par suite et en tout état de cause, l'intimée ne peut utilement se prévaloir du contenu de cette brochure ;
Considérant en second lieu, que le bénéfice des avantages fiscaux en cause est uniquement subordonné à la conformité du plan d'épargne d'entreprise aux conditions objectives de fonctionnement énoncées au code du travail ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en l'espèce le plan n'a pas fonctionné conformément audit code ; qu'à cet égard est dépourvu de toute pertinence le fait que le mode de fonctionnement du plan aurait été agréé par l'organisme gestionnaire de ce plan, et que cet organisme était lui-même contrôlé par l'A.M.F. ; que, par ailleurs, l'administration n'était tenue de recueillir l'avis, ni du gestionnaire du plan, ni de l'A.M.F. ; qu'est enfin également sans incidence la circonstance que l'immobilisation des titres versés par Mme A sur le plan aurait privé cette dernière de la possibilité d'effectuer des placements plus rémunérateurs ;
Considérant, enfin, qu'en se bornant à produire une attestation de la société gestionnaire du plan d'épargne selon laquelle les retraits opérés par Mme A sur le plan au cours des années 2002 à 2004 ont été soumis aux cotisations sociales par le biais du prélèvement libératoire, cette dernière n'établit pas que les dividendes en litige, afférents aux années 1999 et 2001, auraient été doublement soumis auxdites cotisations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé au profit de Mme A la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1999 et 2001 et à demander que les impositions dont le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge soient remises à la charge de Mme A; que, par voie de conséquence, les conclusions de l'intimée qui tendent à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0603374/2 du 16 juillet 2009 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles Mme A a été assujettie au titre des années 1999 et 2001, sont remises à la charge de cette dernière.
Article 3 : Les conclusions de Mme A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 09PA05725
Classement CNIJ :
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