Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1007827-1007828/5-1 du 9 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit aux demandes des époux A en annulant les arrêtés du 30 mars 2010 par lesquels il a rejeté leurs demandes de titres de séjour, les a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel ils doivent être éloignés ;
2°) de rejeter les demandes présentées par les époux A devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2012 :
- le rapport de M. Piot, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Fournier-Labat, pour M. et Mme A ;
Considérant que par deux arrêtés en date du 30 mars 2010, le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et Mme A et leur a fait obligation de quitter le territoire national ; que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement du 9 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit aux demandes des époux A en annulant les arrêtés susmentionnés ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que les époux A font valoir qu'ils sont mariés depuis 2000, qu'ils résident habituellement en France depuis 2004 avec leurs deux enfants qui y sont scolarisés, le cadet y étant né ; qu'ils sont bien intégrés, particulièrement Mme A qui y a vécu les dix premières années de sa vie et que l'ensemble de la famille réside chez les parents de cette dernière qui sont en situation régulière et locataires depuis 1976 d'un appartement sis " 23 rue du Faubourg Poissonnière " à Paris 9ème arrondissement ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A sont tous deux en situation irrégulière et n'établissent résider habituellement en France qu'à compter de l'année 2008, que Mme A a vécu près de 20 ans éloignée de ses parents et jusqu'à l'âge de 30 ans dans son pays d'origine ; qu'enfin, les époux ayant la même nationalité, aucun obstacle ne les empêche de reconstituer, avec leurs deux enfants, leur cellule familiale en Serbie ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'a pas, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal administratif de Paris, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses arrêtés sur la situation personnelle des intéressés ; qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux A devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité des arrêtés attaqués :
En ce qui concerne la légalité des décisions de refus de titres de séjour :
Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2010-00124 en date du 22 février 2010 régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, M. Philippe C, signataire des arrêtés litigieux, a été habilité par le PREFET DE POLICE à signer lesdits arrêtés ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes doit être rejeté comme manquant en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que les arrêtés attaqués comportent les considérations de fait et de droit sur lesquels ils se fondent et sont ainsi suffisamment motivés ; qu'ainsi le moyen tiré de leur insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants, notamment en le protégeant de toutes formes de discrimination, dans toutes les décisions le concernant ; que, toutefois, la circonstance que les enfants des intéressés, âgés de 6 et 10 ans à la date des arrêtés contestés, soient scolarisés et intégrés en France ne suffit pas à établir que leur intérêt supérieur n'a pas été pris en compte par ces arrêtés ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de destination :
Considérant que si les époux A font valoir que la décision fixant le pays à destination duquel ils doivent être éloignés est illégale dès lors qu'ils sont de nationalité serbe et non de nationalité " yougoslave " comme l'a indiqué le PREFET DE POLICE dans ses arrêtés du 30 mars 2010, il ressort des termes desdits arrêtés que le PREFET DE POLICE a décidé que les époux A seraient éloignés à destination du pays dont il a la nationalité, sans préciser le nom de ce pays, ou tout autre pays dans lequel ils sont légalement admissibles ; que, dans ces conditions, l'erreur commise par le PREFET DE POLICE, qui a omis de prendre en considération la disparition de la Yougoslavie, dont les intimés avaient initialement la nationalité, est sans incidence sur la légalité des décisions en litige dès lors que celles-ci ne peuvent être regardées comme ayant fixé la " Yougoslavie " comme pays de destination de la reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 30 mars 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par les époux A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2010 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par les époux A devant le Tribunal administratif de Paris et leurs conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 11PA00304