Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2011, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n° 1020678/5-1 en date du 19 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 octobre 2010 refusant à M. Latifou A le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, délivrée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui enjoignant de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et fixant son pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée le 2 décembre 2010 par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Ebert substituant Me Rochiccioli, pour M. A ;
Considérant que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement en date du 19 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de M. A, de nationalité togolaise, né le 15 novembre 1962, et a annulé la décision en date du 27 octobre 2010 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, sollicité sur le fondement des articles L. 313-11 11° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné ;
Sur la requête du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé(e) ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
Considérant que M. A a fait valoir devant les premiers juges qu'il souffre d'un diabète de type II provoqué à l'origine par une infection par le virus de l'hépatite B, ainsi que d'une ischémie myocardique apicale ; qu'aux termes de l'avis du médecin-chef du service médical de la préfecture de police, en date du 10 février 2010, si M. A doit faire l'objet d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait alors effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les deux certificats les plus récents que produit M. A, en date des 10 et 18 novembre 2010, établis postérieurement à l'arrêté contesté par des médecins généralistes dont seul le second est agréé, sont rédigés en termes généraux et peu circonstanciés quant à la possibilité pour l'intéressé de recevoir les soins appropriés dans son pays d'origine ; qu'ils ne sont pas ainsi de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité administrative sur le fondement de l'avis précité ; qu'au demeurant, M. A, atteint d'un diabète de type II non insulinodépendant, est traité par des médicaments dont il ne conteste pas qu'ils sont disponibles dans son pays d'origine sous leur dénomination commerciale aussi bien que sous leur forme générique ; que l'affection cardiaque dont M. A prétend souffrir n'est évoquée que par son médecin traitant, sans aucune confirmation de la part du service hospitalier ayant pris en charge l'intéressé ; qu'il ressort des autres certificats médicaux versés au dossier que l'infection à l'hépatite B reste quiescente ; que M. A se borne à des considérations générales sur le prix des traitements médicaux au Togo, et sur les insuffisances du système sanitaire et de remboursement des soins dans ce pays, faisant valoir sans aucune précision qu'il ne pourrait pas y disposer des moyens d'analyse et de contrôle dont il bénéficie en France, sans toutefois démentir l'existence de deux centres hospitaliers à Lomé, dont l'un est spécialisé en cardiologie ; que la circonstance que la résidence au Togo de M. A serait éloignée de Lomé est sans incidence sur l'appréciation à porter sur l'accessibilité aux soins au Togo ; que dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourrait avoir accès, dans son pays d'origine, au traitement requis par son état de santé ; que par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 mai 2011, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 27 octobre 2010 au motif que le PREFET DE POLICE a fait une inexacte appréciation de la disponibilité et de l'accessibilité au Togo des soins appropriés à l'état de santé de M. A ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel par M. A ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique : " L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci " ; que, si les prescriptions de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique ne régissent pas la procédure administrative au terme de laquelle le préfet prend sa décision, les exigences prévues par cet article sont au nombre des règles professionnelles que les médecins inspecteurs de santé publique doivent respecter en vertu des dispositions de l' article R. 1421-14 du même code et qu'il incombe à ces médecins inspecteurs de s'y conformer lorsqu'ils rédigent, à l'intention du préfet, l'avis prévu par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en conséquence, la régularité de la procédure administrative implique nécessairement, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du médecin inspecteur de la santé publique et, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police et soient établis de manière telle que, lorsqu'elle statue sur la demande de titre de séjour, l'autorité administrative compétente puisse vérifier que l'avis au regard duquel elle se prononce a bien été rendu par le médecin inspecteur de la santé publique compétent ; qu'ainsi, l'avis doit permettre l'identification du médecin, chef du service médical de la préfecture de police dont il émane et être signé par lui ; que l'identification de l'auteur de cet avis prévu à l'article L. 313-11 de ce code constitue donc une formalité substantielle dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure ; que dans les circonstances de l'espèce, l'avis du médecin chef de la préfecture de police est signé et son auteur est identifiable ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'auteur de l'avis en cause ne serait pas identifiable n'est pas fondé ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la communication à l'étranger qui en fait l'objet de l'avis du médecin-chef, rendu en vertu des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tendant à démontrer l'irrégularité de cet avis faute de sa communication à l'intéressé ne peut donc qu'être rejeté ;
Considérant que si M. A fait valoir que cet avis serait incomplet, faute de comporter des indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine, cette carence est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour, qui ne comporte pas par elle-même obligation de quitter le territoire français ; que M. A n'est dès lors pas fondé à invoquer une insuffisance de motivation de cet avis, ni, par voie de conséquence, à soutenir que la décision de refus de titre de séjour du 27 octobre 2010 a été prise suivant une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A ne pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté litigieux, des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. La commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour exprime un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés au premier alinéa (...) " ;
Considérant que M. A soutient qu'il est bien inséré en France, qu'il y réside depuis plus de dix ans, qu'il y a exercé des emplois notamment en tant qu'agent de sécurité, et que son état de santé nécessite un suivi médical particulier ; que toutefois les documents produits par M. A à son dossier au titre des années 1996 à 2003, essentiellement constitués par des factures et des ordonnances médicales, ne peuvent suffire, compte tenu de leur nombre, de leur nature et de leur teneur, à justifier à eux-seuls de la résidence habituelle de l'intéressé en France durant ces années ; que dès lors, les seules circonstances qu'il a occupé différents emplois en France et que son état de santé nécessite un suivi médical particulier ne suffisent pas à établir l'existence de motifs humanitaires ou de circonstances exceptionnelles justifiant une admission au séjour sur le territoire français ; qu'ainsi, le PREFET DE POLICE a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant enfin qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions imposant la saisine de la commission du titre de séjour ; que par suite, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2, de soumettre son cas à l'examen de cette commission avant de rejeter sa demande ;
Sur la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 511-4 10° suivant lesquelles : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; qu'en outre, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce précédemment décrites, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est entaché d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation portée par le PREFET DE POLICE sur les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant que si M. A fait valoir que l'avis du médecin, médecin-chef de la préfecture de police, ne comporte pas d'indication sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé pouvait susciter des doutes sur cette capacité ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
Considérant que M. A soutient que la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné viole les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la privation du traitement médical et des soins nécessaires qui résulterait pour lui de son renvoi au Togo ; que toutefois, ainsi qu'il a été précédemment dit, l'intéressé n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier dans ce même pays d'une prise en charge médicale appropriée à ses pathologies ; qu'il n'est par suite, pas fondé à soutenir qu'il encourrait des risques, au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 27 octobre 2010 refusant à M. A le renouvellement d'un titre de séjour notamment sur le fondement de son état de santé, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, et a accueilli sa demande ;
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A n'impose aucune mesure d'exécution ; qu'ainsi les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, soit condamné à verser, tant en première instance qu'en appel, à M. A la somme que celui-ci demande sur leur fondement ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1020678/5-1 du tribunal administratif de Paris en date du 19 mai 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
''
''
''
''
3
N° 11PA02821