Vu l'arrêt avant dire droit du 22 septembre 2011 par lequel la Cour de céans, sur la requête de Mme Véronique B, enregistrée au greffe le 5 mai 2010 et tendant à ce que la Cour, d'une part, réforme le jugement n° 0615998/6-2 du 26 janvier 2010 du Tribunal administratif de Paris en ce que celui-ci n'a fait que partiellement droit à sa demande d'indemnisation de ses préjudices résultant des conséquences dommageables de l'intervention de la cataracte qu'elle a subie au centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts le 14 octobre 1999, et, d'autre part, condamne ce centre hospitalier à lui verser la somme de 260 787, 10 euros en réparation de ses préjudices, a ordonné une expertise médicale complémentaire ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de Me Bernard Puech, pour Mme B, et de Me Ittah, pour le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts ;
1. Considérant que Mme B, atteinte d'une rétinopathie des prématurés, présentait des séquelles oculaires importantes, notamment la perte de vision de son oeil gauche après sa naissance et des modifications du fond de l'oeil droit ; que le 14 octobre 1999 elle a dû être opérée d'une cataracte de l'oeil droit, en raison d'une baisse progressive de son acuité visuelle, au centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts ; qu'à la suite de cette intervention, elle a presque totalement perdu la vision de cet oeil ; qu'elle a recherché la responsabilité du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts devant le Tribunal administratif de Paris ; que par jugement du 26 janvier 2010, ce tribunal a condamné le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts à verser à Mme B la somme de 7 000 euros en réparation de ses préjudices ; que Mme B relève régulièrement appel de ce jugement en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ; que par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts demande également l'annulation dudit jugement ; que par arrêt avant dire droit du 22 septembre 2011, la Cour de céans a ordonné une expertise médicale complémentaire ; que le docteur C, expert, a déposé son rapport le 4 juin 2012 ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
Sur la responsabilité :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fondements de responsabilité du centre hospitalier mis en avant par Mme B ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur C, que Mme B a été victime d'une endophtalmie, ou infection endo-oculaire, contractée lors de l'acte chirurgical pratiqué le 14 octobre 1999 au centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts et présentant un caractère nosocomial ; qu'en effet selon le second expert, et contrairement à ce que retenait le premier expert, les critères de l'absence, d'une part, de germes retrouvés dans les analyses et, d'autre part, de douleurs observées lors de la consultation de contrôle effectuée le 18 octobre 1999 à l'hôpital, ne pouvaient conduire à écarter l'hypothèse, largement évoquée par l'équipe médicale du centre hospitalier, de la survenance d'une endophtalmie ; que selon le docteur C, les analyses effectuées par ponction dans la chambre antérieure de l'oeil, comme cela a été le cas en l'espèce, sont dans 77,5% des cas stériles et la douleur est absente dans 37% des cas d'après les études médicales ; que le même expert fait état de ce que le délai entre l'intervention et la survenance de l'endophtalmie est compatible avec de nombreux germes et de ce que cette infection constitue un risque connu des interventions de la nature de celle pratiquée en l'espèce ; que l'endophtalmie subie par Mme B a provoqué une inflammation intra-oculaire responsable de la destruction rétinienne et choroïdienne ; que le fait qu'une telle infection ait pu se produire, alors qu'il résulte du second rapport d'expertise que le germe à l'origine de l'infection ne pouvait être déjà présent dans l'organisme de la patiente à la date de son hospitalisation, révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service qui engage la responsabilité du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts et suppose une indemnisation intégrale du dommage consécutif à cette infection ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a retenu sa responsabilité, bien que l'ayant fait sur le fondement d'une perte de chance constituée par un défaut d'information, dans les conséquences dommageables de l'intervention du 14 octobre 1999, et l'a condamné en conséquence à indemniser Mme B ;
4. Considérant que si indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, toutefois, Mme B n'a pas invoqué de tels troubles dont il lui aurait appartenu au demeurant d'établir la réalité et l'ampleur ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des pertes de revenus :
5. Considérant que si Mme B fait valoir qu'elle a subi un préjudice professionnel et si son état ne lui permet effectivement pas de travailler, elle n'établit pas davantage en appel qu'en première instance qu'elle travaillait antérieurement à l'intervention litigieuse comme collaboratrice de son mari ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande au titre de ce chef de préjudice ;
S'agissant des frais liés au handicap :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du docteur C, que l'état de santé de Mme B nécessite l'assistance quotidienne d'une tierce personne une heure par jour ; que ce besoin sera calculé sur la base d'un taux horaire estimé à 14 euros ; que pour les douze années entre la date de consolidation de son état de santé et le présent arrêt, son coût peut être évalué à la somme de 65 520 euros ; qu'il y a lieu de capitaliser cette dépense pour les frais à venir sous la forme d'un capital représentatif, s'élevant, à la date du présent arrêt, compte tenu de l'âge de la requérante, à la somme de 111 116 euros ; qu'il y a donc lieu de fixer le préjudice global de la victime au titre de son besoin d'assistance à la somme de 176 636 euros, qui sera mise à la charge du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B a subi un déficit fonctionnel temporaire total de quinze jours correspondant à son hospitalisation post-opératoire, ainsi qu'un déficit partiel, estimé par l'expert à 25%, pendant cinq mois et demi ; que l'ensemble de ce poste de préjudice peut être évalué à la somme de 1 000 euros ; que le docteur C a estimé que le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme B devait être fixé à 82%, dont il y avait lieu de soustraire 65% correspondant aux complications résultant de son état antérieur, soit un taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale s'élevant à 17% ; que compte tenu du retentissement important du dommage sur l'autonomie de la requérante, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, Mme B étant âgée de 47 ans à la date de consolidation de son état de santé, fixée par l'expert au 14 avril 2000, soit 6 mois après l'intervention, en lui allouant une somme de 31 000 euros à ce titre ; que le pretium doloris, fixé à 2 sur une échelle de 7, sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 1 800 euros ; que le préjudice d'agrément subi par la requérante est important compte tenu de l'absence de possibilité d'exercice d'activités de loisirs et sera indemnisé à hauteur de 6 200 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme B subisse un préjudice esthétique ; que le préjudice personnel de Mme B doit donc être fixé à la somme globale de 40 000 euros, qui sera mise à la charge du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts ;
8. Considérant que Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a limité à 7 000 euros le montant de l'indemnité que le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts a été condamné à lui verser et qui doit être portée à 216 636 euros ; qu'il y a lieu de réformer le jugement dans cette mesure ;
Sur les frais d'expertise :
9. Considérant qu'il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise du docteur D, liquidés et taxés par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris en date du 22 mars 2004 à la somme de 600 euros, à la charge du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts et qu'il y a lieu également, en application de l'article
R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais de l'expertise du docteur C ordonnée le 7 octobre 2011, liquidés et taxés par ordonnance du président de la Cour en date du 11 juin 2012 à la somme de 1 245, 70 euros, à la charge du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 7 000 euros que le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts a été condamné à verser à Mme B par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 26 janvier 2010 est portée à 216 636 euros.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 26 janvier 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions incidentes du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts sont rejetées.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée le 7 octobre 2011, liquidés et taxés par ordonnance du président de la Cour en date du 11 juin 2012 à la somme de 1 245, 70 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts.
Article 5 : Le centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts versera à Mme B une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.
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N° 10PA03855
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N° 10PA02275