Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 1111280/5-2 en date du 15 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 15 février 2011 retirant la carte de séjour temporaire de Mme C...A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2013 :
- le rapport de M. Lercher,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;
1. Considérant que par un arrêté du 15 février 2011, le préfet de police a retiré le titre de séjour de MmeA..., de nationalité ivoirienne et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que par un jugement du 15 décembre 2011, le Tribunal administratif de Paris, a annulé cet arrêté, au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention de New York sur les droits de l'enfant ; que le préfet de police fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-1 " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire " ; qu'aux termes de l' article R. 431-7 : " L'Etat est dispensé du ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la requête de MmeA..., enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le 24 juin 2011, n'a pas été communiquée au préfet de police, partie mise en cause, mais uniquement à MeB... ; que la circonstance que cet avocat représente habituellement le préfet de police devant le Tribunal administratif de Paris dans les litiges relevant de l'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorisait pas le greffe dudit tribunal à communiquer directement la demande de Mme A...à MeB..., sans permettre au préfet de police d'exprimer sa volonté de désigner ce dernier comme son mandataire ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2011 a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ; qu'ainsi ce jugement doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la demande présentée par MmeA... devant le Tribunal administratif de Paris :
5. Considérant qu'en exécution d'un jugement du Tribunal administratif de Paris du 23 décembre 2008 annulant sa décision du 3 juillet 2008 refusant l'admission au séjour de MmeA..., le préfet de police a délivré à cette dernière une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " valable du 18 février 2009 au 17 février 2010, renouvelée du 18 février 2010 au 17 février 2011 ; qu'à la suite de l'annulation du jugement sus-mentionné par un arrêt de la Cour administrative d'appel du 18 mai 2010, le préfet de police a, par la décision attaquée du 15 février 2011, retiré la carte de séjour temporaire dont était titulaire MlleA... ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Melle A...est entrée en France le 10 janvier 2003 à l'âge de quinze ans pour y rejoindre son père, titulaire d'un titre de résident, ainsi que sa fratrie résidant régulièrement sur le territoire ; qu'elle a effectué sa scolarité en France et a obtenu en juin 2008 un BEP carrières sanitaires et sociales ; qu'elle est mère d'une enfant née en France le 24 août 2009 ; que, si elle est aujourd'hui séparée du père de sa fille, ressortissant ivoirien titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2020, il ressort des pièces du dossier qu'aux termes d'un jugement rendu par le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris le 18 novembre 2010, ce dernier dispose de l'autorité parentale, est autorisé à rendre visite à l'enfant librement au domicile de la mère, la reçoit une fin de semaine par mois et contribue à son entretien et à son éducation à hauteur de la somme de 100 euros par mois ; que, dans ces conditions, compte tenu de la durée de sa présence en France de plus de huit années, de la réalité et de l'intensité de ses liens familiaux auprès de ses parents et de sa fratrie en situation régulière, ainsi que de la présence sur le territoire du père de son enfant, titulaire d'un titre de résident, Mlle A...est fondée à soutenir que le refus de séjour attaqué porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale, eu égard aux buts poursuivis par cette mesure ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, d'annuler la décision du 15 février 2011 par laquelle le préfet de police a retiré la carte de séjour temporaire dont était titulaire MmeA..., et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
9. Considérant qu'il y a lieu en l'espèce de faire application de ces dispositions et d'enjoindre au préfet de police de délivrer à Mlle A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de 3 mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me El Amine au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E:
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2011 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police en date du 15 février 2011 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mlle A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me El Amine, avocat de Mme C...A..., la somme de 1500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me El Amine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
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N° 12PA00392