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11/04/2013 | FRANCE | N°11PA03160

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 avril 2013, 11PA03160


Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2011, présentée pour la SARL Ibex France, dont le siège est situé 10, rue du Colisée à Paris (75008), par Me Lagarde ; la SARL Ibex France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903080 en date du 11 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003, et, d'autre part, des rappels

de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la péri...

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2011, présentée pour la SARL Ibex France, dont le siège est situé 10, rue du Colisée à Paris (75008), par Me Lagarde ; la SARL Ibex France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903080 en date du 11 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :

- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,

- et les observations de Me Lagarde, avocat de la SARL Ibex France ;

1. Considérant que la SARL Ibex France, qui exerce une activité de courtage, d'intermédiation dans le domaine pétrolier et d'exportation de matériel industriel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2003, selon la procédure de rectification contradictoire ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt procédant de la reconstitution de son chiffre d'affaire et de son bénéfice imposable ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à l'assujettissement à la taxe de prestations effectuées au profit de la société Ibex Energy Bermuda Ltd ; que la SARL Ibex France fait appel du jugement en date du 11 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date des opérations de visite et de saisie effectuées le 31 août 2004 : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée (...) elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'à la suite de l'arrêt Ravon et autres c/ France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations prévues à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la Cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d du 1 du IV du même article 164 dispose que cet appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et de saisie ayant permis, comme en l'espèce, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouverts à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ;

4. Considérant que, ce faisant, le législateur a donné une nouvelle rédaction à l'article L. 16 B conforme aux exigences de la convention, et a pu instituer à titre transitoire la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 de cette loi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la SARL Ibex France, qui était, sur le fondement de ces dispositions, susceptible d'invoquer le caractère irrégulier de la procédure de visite et de saisie dont elle a été l'objet, a été informée par l'administration fiscale le 21 octobre 2008 de l'existence des voies de recours ainsi ouvertes et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information, et a contesté la régularité des opérations de visite et de saisie, en faisant appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 août 2004 ; que la Cour d'appel de Paris, par une ordonnance du 10 juin 2010, a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire et la saisie de documents litigieuse ; que par décision du 24 mai 2011, la Cour de cassation a refusé d'admettre le pourvoi dirigé contre cette ordonnance du juge d'appel ; que le moyen tiré de ce que la SARL Ibex France aurait été privée du droit à un recours effectif doit donc être écarté comme manquant en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

Sur le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

6. Considérant que si la SARL Ibex France soutient n'exercer qu'une activité d'intermédiaire de commerce dans le cadre d'opérations de livraison d'équipements pétroliers à destination de l'Irak en s'occupant de formalités administratives nécessaires à l'intervention de son commettant, la société Ibex Energy Bermuda Ltd, elle ne produit aucun contrat de commissionnaire la liant à cette société ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction qu'elle a reçu un agrément octroyé dans le cadre de la résolution 986 des Nations Unies dite " pétrole contre nourriture " pour commercer avec la State Oil Marketing Organisation (SOMO), société d'Etat irakienne, afin de lui acheter des quantités de pétrole contingentées et de lui exporter des biens ; que, dans ce cadre, la SARL Ibex France a facturé à la SOMO les matériels qu'elle lui a vendus, a enregistré sur un compte bancaire suisse ouvert à son nom les opérations d'encaissements et de décaissements relatives à ces transactions et s'est vu délivrer par les Nations Unies et les autorités douanières françaises les autorisations d'exportation y afférentes ; qu'en outre, il résulte du droit de communication exercé par le vérificateur que dix fournisseurs du matériel destiné à être exporté vers l'Irak ont désigné la SARL Ibex France comme étant leur unique interlocuteur et client ; qu'en conséquence, la SARL Ibex France, qui ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée 4 F-114 en date du 7 juillet 1998, qui se borne à donner la définition d'un commissionnaire, doit être regardée comme s'étant livrée, au cours des exercices en litige, à une activité d'exportation de matériels à destination de l'Irak pour son propre compte ; que, dès lors que cette activité n'était pas retracée dans sa comptabilité, le service était fondé à rejeter cette dernière comme non sincère et non probante et, par suite, à procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires et du bénéfice s'y rapportant ; que les impositions résultant de cette reconstitution ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 14 décembre 2006, il appartient, en conséquence et en application du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, à la SARL Ibex France d'apporter la preuve de leur caractère exagéré ;

Sur la reconstitution de recettes et de bénéfice imposable :

7. Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires procédant de l'activité d'exportation de matériels et d'équipements de la SARL Ibex France vers l'Irak, le service a fait usage de son droit de communication auprès de la direction générale des douanes et droits indirects afin de recenser l'ensemble des autorisations d'exportation octroyées à l'intéressée et les contrats, au nombre de dix au cours de la période litigieuse, qu'elle a conclus avec la SOMO ; que, pour déterminer le bénéfice résultant de cette activité d'achat revente à l'exportation, le service a retenu le taux de marge réel lorsqu'il ressortait des contrats présentés et un taux de marge théorique de 30 % pour les autres contrats, ramené à 20 % pour tenir compte des observations de l'appelante puis à 16 % à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que si la SARL Ibex France soutient que le service a néanmoins sous-estimé les charges déductibles afférentes à cette activité d'export en omettant de retenir 449 624 euros de frais de transport et 340 093 euros de frais afférents au fonctionnement de son bureau de Bagdad, les sommes de 240 720 euros et 16 394 euros correspondant aux factures établies par le transporteur SDV ont déjà été admises en déduction au titre des exercices clos en 2002 et 2003 au stade de la proposition de rectification ; que, pour le surplus, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, par suite, la SARL Ibex France n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires et de son bénéfice imposable serait radicalement viciée, ni même excessivement sommaire ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

8. Considérant, en premier lieu, que le service a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée que la SARL Ibex France a omis de facturer à la société Ibex Energy Bermuda Ltd à raison de prestations de représentation, de courtage pétrolier et relatives à des contrats de livraisons de marchandises délivrées pour des montants de 242 441 euros au titre de la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2002 et de 183 918 euros au titre de celle du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003 ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu (...) " ; qu'aux termes de l'article 259 B du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : (...) Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté " ;

10. Considérant que la SARL Ibex France soutient que dès lors que son client, la société Ibex Energy Bermuda Ltd, spécialisée dans l'intermédiation pétrolière et la couverture de risque de marché et dont le siège social est situé aux Bermudes, disposait en France d'un simple bureau de représentation, les prestations qu'elle lui a facturées au titre de la mise à disposition de ses connaissances du marché pétrolier irakien échappaient à la territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée en France ; que, toutefois, en vertu de l'article 259 du code général des impôts précité, le lieu des prestations est réputé se situer en France lorsque, comme en l'espèce, le prestataire a en France le siège de son activité ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que les prestations fournies par la SARL Ibex France à la société Ibex Energy Bermuda Ltd entreraient, comme elle le soutient, dans le champ des dérogations à l'article 259 fixées par l'article 259 B du code général des impôts ; qu'ainsi, dès lors que le prestataire des prestations litigieuses était établi en France, les prestations litigieuses y étaient imposables sur le fondement des dispositions de l'article 259 du code général des impôts ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 298 du code général des impôts : " 1. 1° Toute opération de mise à la consommation sur le marché intérieur de produits pétroliers (...) constitue un fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée ; 2° Les opérations portant sur ces produits, réalisées antérieurement à leur mise à la consommation, sont effectuées en suspension de la taxe, à l'exception des opérations de transport autre que les transports par pipe-line (...) " ;

12. Considérant que si la SARL Ibex France soutient que les rémunérations qu'elle a perçues de la société Ibex Energy Bermuda Ltd en contrepartie de ses prestations de courtage en produits pétroliers bénéficient du régime de suspension de taxe prévu à l'article 298 du code général des impôts, ces dernières, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ont été versées à l'intéressée par la société Ibex Energy Bermuda Ltd dans le cadre d'une rétrocession des commissions qui lui avaient été versées dans le cadre de son activité de courtage ; que, dès lors, en l'absence de lien direct et immédiat avec des achats de pétrole irakien destiné à être mis à la consommation sur le marché intérieur, les sommes ainsi perçues par la SARL Ibex France ne pouvaient être regardées comme relevant d'une opération portant sur les produits pétroliers au sens et pour l'application des dispositions de l'article 298 du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ibex France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et en 2003, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ibex France est rejetée.

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N° 11PA03160

Classement CNIJ :

C


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