Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2011, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par MeB... ; M. C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 0904562-0912124-0912129-0912131/5-1 du 1er juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa requête en annulant les seules décisions des 5 et 25 février 2009 par lesquelles le ministre de la défense a mis fin à ses fonctions d'enseignement exercées au sein d'organismes militaires de formation et a rejeté le surplus de ses requêtes dirigées contre les décisions des directeurs respectifs du Collège interarmées de défense, de l'Ecole militaire des spécialisations de l'outre-mer et de l'étranger, et du Centre des études stratégiques aérospatiales mettant fin à ses fonctions en leur sein ;
2°) d'annuler ces dernières décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 :
- le rapport de M. Gouès, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public ;
1. Considérant que M. C...relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 1er juin 2012 qui a partiellement fait droit à sa requête en tant qu'il n'a annulé que les décisions des 5 et 25 février 2009 par lesquelles le ministre de la défense a mis fin à ses fonctions d'enseignement au sein du Collège interarmées de la défense et de plusieurs organismes de formation du ministère de la défense ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre ;
Sur la régularité de la procédure préalable aux décisions litigieuse :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 4211-5 du code de la défense : " Ont la qualité de militaires les réservistes quand ils exercent une activité pour laquelle ils sont convoqués en vertu de leur engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité. " ; que l'article L. 4221-3 dispose : " Les forces armées peuvent avoir recours à des spécialistes volontaires pour exercer des fonctions déterminées correspondant à leur qualification professionnelle civile, sans formation militaire spécifique. Le grade attaché à l'exercice de cette fonction de spécialiste dans la réserve opérationnelle est conféré par arrêté du ministre de la défense, Il ne donne pas droit à l'exercice du commandement hors du cadre de la fonction exercée " ; qu'enfin l'article L. 4221-6 prévoit : " La durée des activités à accomplir au titre de l'engagement à servir dans la réserve opérationnelle est déterminée, selon des modalités fixées par décret, conjointement par l'autorité militaire d'emploi et le réserviste, dans la limite de trente jours par année civile sous réserve des dispositions du titre III du présent livre. (...) " ;
3. Considérant que M. C...soutient que le ministre l'a nommé capitaine de frégate dans la réserve opérationnelle sans qu'aucune distinction ne soit faite entre ses activités d'enseignement en France et à l'étranger et que, de ce fait, il aurait dû bénéficier des règles de procédure applicables aux militaires en cas de sanction ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a été nommé à ce grade par arrêté du 11 juillet 2007 " en qualité de spécialiste, en vue d'occuper un emploi de professeur et conférencier en géopolitique " afin, notamment, de pouvoir enseigner dans des établissements étrangers similaires du Collège interarmées de défense (CID), notamment du Maroc et de Tunisie avec lesquels celui-ci a conclu des accords ; qu'il est précisé dans ce même arrêté que " la durée de ses activités est fixée à 30 jours par année civile " alors même qu'en France il intervenait dans différentes écoles militaires pour plus de 30 jours par année civile ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que M. C...soutient que les règles de la procédure disciplinaire ont été violées, notamment le respect de la procédure contradictoire et la consultation de son dossier ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C...avait la qualité de vacataire , dans la mesure où, pour son activité d'enseignant au sein de divers organismes d'enseignement supérieur militaires, d'une part il était rémunéré selon le régime de la vacation, d'autre part, où cette activité était accessoire compte tenu du faible volume annuel d'heures qui lui était alloué comparativement à ses autres d'activités d'enseignement, de direction de revue et d'auteur, et qu'enfin ses interventions étaient ponctuelles, d'un volume variable d'une année et à l'autre et portaient sur des thèmes de géopolitique définis selon l'évolutions de leurs besoins par les organismes de formation ; que le requérant ne peut donc être regardé comme occupant un emploi permanent ; que, par suite, M. C...ne peut revendiquer que le respect des règles de procédure applicables à tout agent public ;
5. Considérant que les décisions attaquées, si elle ne présente pas un caractère disciplinaire ont néanmoins le caractère de décisions prises en considération de la personne ; que le requérant était donc en droit d'être mis en mesure de prendre connaissance de son dossier administratif avant que les décisions mettant fin à ses fonctions d'enseignant vacataire n'interviennent ; qu'il ressort des pièces du dossier que les lettres adressées par le directeur du Collège interarmées de défense (CID), du Centre d'études stratégiques aérospatiales (CESA) et de l'Ecole militaire de spécialisation de l'Outre-mer et de l'étranger (ENSOME) à M. C...respectivement les 29 avril, 28 avril et 15 mai 2009 lui indiquaient qu'il était envisagé de mettre fin à ses fonctions, l'invitaient à présenter ses observations et, pour les deux premières, l'informaient de la possibilité de prendre connaissance de son dossier ; qu'ainsi, les directeurs du CID, du CESA et de l'ENSOME doivent être regardés comme ayant mis à même le requérant de prendre connaissance de son dossier ; que, dans ces conditions, et dans la mesure où M. C... n'allègue pas avoir demandé sans succès la communication de son dossier, il n'est pas fondé à soutenir que ces décisions seraient intervenues au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur la motivation des décisions en litige :
6. Considérant que M. C...soutient que les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la rédaction de ces décisions permettait à M. C...d'en comprendre le sens et la portée dans la mesure où il est précisé " qu'il développe dans son ouvrage Chronique du choc des civilisations une analyse très personnelle des attentats terroristes qui ont frappé les Etats-Unis d'Amérique " et que " cette démarche singulière qui s'inscrit à contre-courant de la politique de défense conduite par la France paraît incompatible avec la qualité d'enseignant à l'Ecole de guerre ", qualité dont il se prévaut expressément dans l'ouvrage en cause, et donc avec la poursuite de ses activités d'enseignement au sein des organismes du ministère de la défense. " ; que si M. C...fait valoir que cette motivation ne cite pas expressément les passages de l'ouvrage dont il lui est fait grief, toutefois, elle renvoie à l'un de ses sous-chapitres intitulé : " 11 septembre 2001 : la version officielle contestée ", et précise que c'est la présentation qui y est faite des attentats terroristes qui ont frappé les Etats-Unis d'Amérique qui apparaît incompatible avec l'exercice de fonctions d'enseignement dans ces établissements ; qu'ainsi, cette motivation était suffisante pour comprendre les motifs des décisions en litige ; que, par suite, ce moyen manque en fait et doit être écarté ;
Sur les autres moyens :
7. Considérant que M. C...soutient, en premier lieu, que les faits ayant présidé à son éviction sont matériellement inexacts et ne démontrent pas l'existence d'une faute, notamment en ce qui concerne son adhésion alléguée aux thèses contestant la version officielle des attentats du 11 septembre 2001 ; qu'il ressort des pièces du dossier et surtout de la lecture de son ouvrage controversé que la présentation des attentats du 11 septembre 2001 faite, dans le sous-chapitre intitulé " 11 septembre 2001 : la version officielle contestée ", par M. C...délivre en une dizaine de pages et sans mise en perspective ni contre-point la version résultant des thèses dites " complotistes " ; qu'en dépit de la circonstance qu'il ne prend pas explicitement parti pour ces thèses et qu'il ne les aurait pas exposées lors de ses conférences au sein des organismes de formation du ministère de la défense, il n'en demeure pas moins que cette présentation, dès lors qu'il se prévaut de sa qualité d'enseignant auprès de tels organismes, offrait une tribune aux tenants de ces thèses, contraires aux positions officielles de ce ministère ; que, par suite, et compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le directeur du CESA, le général commandant l'ENSOME et le directeur du CID ont pu, sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation, décider de mettre fin pour ce motif aux vacations d'enseignement qu'il effectuait dans ces établissements ;
8. Considérant, en troisième lieu que ces décisions n'ont pas porté une atteinte excessive à la liberté d'expression, protégée par les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il demeure totalement libre d'exprimer les idées de son choix ailleurs que dans les enceintes militaires ;
9. Considérant enfin que si M. C...soutient que l'administration s'est rendue coupable d'un détournement de pouvoir dans la mesure où elle a fondé selon lui ses décisions sur ses opinions politiques et religieuses, il ne l'établit pas ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a fait droit que partiellement à sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du ministre de la défense et des anciens combattants, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
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N° 11PA03527