Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2012, présentée pour la société B...Restauration, dont le siège est 33 quai Bourbon à Paris (75004), par Me B... ; la société B...Restauration demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1013680/3-1 du 22 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 4 juin 2010 portant fermeture administrative de l'établissement de restauration
" Le Lutetia " ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 juin 2010 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 25 492,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de sa requête ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002 ;
Vu les règlements (CE) n° 852/2004 et n° 853-2004 du 29 avril 2004 ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu l'arrêté du 21 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d'entreposage et de transport de produits d'origine animale et denrées alimentaires en contenant ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2013 :
- le rapport de Mme Sanson, président assesseur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., substituant Me B..., représentant la société B...restauration ;
1. Considérant que, le 4 juin 2010, les inspecteurs de la direction départementale des services vétérinaires ont établi un rapport faisant état de manquements aux règles d'hygiène et d'entretien constatés au cours d'une visite de l'établissement de restauration " Le Lutetia " à Paris ; qu'à la suite de ce rapport, le préfet de police a pris le jour même un arrêté portant fermeture de l'établissement et imposant à la société B...Restauration, exploitante, la réalisation des prescriptions et travaux mentionnés en annexe à sa décision ; que la société B...Restauration a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2010 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 25 492,50 euros en réparation du préjudice résultant de la fermeture du restaurant ; que, par un jugement du 22 novembre 2011 dont la société B...Restauration relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société B...Restauration a fait valoir devant les premiers juges que la signataire de l'arrêté contesté, sous-directrice de la protection sanitaire et de l'environnement, n'était pas titulaire d'une délégation régulière, dès lors notamment qu'il n'était pas établi que la décision en litige entrait dans le domaine d'attribution de l'intéressée et que le directeur des transports et de la protection du public aurait été absent ou empêché ; que le tribunal, qui s'est référé à l'arrêté préfectoral du 13 avril 2010, donnant délégation à l'intéressée à effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. F...A..., directeur des transports et de la protection du public, " tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables dans la limite de leurs attributions ", ne s'est pas prononcé sur cette branche du moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de sa régularité ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société B...Restauration devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant que, par l'arrêté du 13 avril 2010, le préfet de police a donné à Mme D...C..., sous-directrice de la protection sanitaire et de l'environnement, en cas d'absence ou d'empêchement de M. F...A..., délégation à l'effet de signer, au nom du préfet, tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables dans la limite de ses attributions, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; qu'en vertu de l'article 6 de l'arrêté préfectoral du 16 septembre 2009, relatif aux missions et à l'organisation de la direction des transports et de la protection du public, publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, la sous-direction de la protection sanitaire et de l'environnement est notamment chargée de la police administrative des débits de boissons et de la police sanitaire des restaurants ; que la signature de l'arrêté attaqué entrait ainsi dans les attributions de Mme C... ; que la société requérante à laquelle il incombe d'établir que M. A...n'aurait pas été absent ou empêché n'en apporte pas la démonstration ; que, par suite, le moyen tiré de ce que Mme C...n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière manque en fait ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) " ;
6. Considérant que, lorsqu'il ressort d'éléments sérieux portés à sa connaissance qu'il existe un danger à la fois grave et imminent exigeant une intervention urgente qui ne peut être différée, l'autorité de police ne commet pas d'illégalité en prenant les mesures qui paraissent nécessaires au vu des informations dont elle dispose à la date de sa décision ; que le rapport soumis au préfet de police faisait état de plusieurs manquements aux règles d'hygiène et, en particulier, de la présence de très nombreuses déjections de rongeurs, tant dans les locaux que sur les matériels de cuisine et les denrées alimentaires, générant un risque de transmission de graves zoonoses ; que la gravité des risques encourus par les consommateurs et le personnel caractérisait une situation d'urgence justifiant la fermeture immédiate de l'établissement ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable à l'adoption de l'arrêté litigieux, en méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000, doit être écarté ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 218-3 du code de la consommation : " Lorsque du fait d'un manquement à la réglementation prise pour l'application des dispositions du présent livre ou d'un règlement de la Communauté européenne, les conditions de fonctionnement d'un établissement sont telles que les produits fabriqués, détenus ou mis sur le marché présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, les agents mentionnés à l'article L. 215-1 peuvent ordonner toutes mesures correctives, notamment le renforcement des auto-contrôles, des actions de formation du personnel, la réalisation de travaux ou d'opérations de nettoyage. En cas de nécessité, le préfet ou, à Paris, le préfet de police peut prononcer la fermeture de tout ou partie de l'établissement ou l'arrêt d'une ou de plusieurs de ses activités " ; qu'aux termes de l'article L. 233-1 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque, du fait d'un manquement aux dispositions mentionnées à l'article L. 231-1 ou à la réglementation prise pour leur application, un établissement présente ou est susceptible de présenter une menace pour la santé publique, les agents habilités en vertu de l'article L. 231-2 peuvent ordonner la réalisation de travaux, d'opérations de nettoyage, d'actions de formation du personnel et d'autres mesures correctives, ainsi que le renforcement des autocontrôles. En cas de nécessité, le préfet peut prononcer, sur proposition de ces agents, la fermeture de tout ou partie de l'établissement ou l'arrêt d'une ou de plusieurs de ses activités " ;
8. Considérant que le rapport des services vétérinaires fait apparaître de nombreux manquements aux règles d'hygiène définies par la législation nationale et les règlements communautaires susvisés applicables aux établissements de restauration ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que le relevé des constatations effectuées par les inspecteurs sur un document-type et la mention de certaines d'entre elles sous plusieurs rubriques de ce document aurait eu une incidence sur l'appréciation par le préfet de police du nombre et de la gravité des faits reprochés à l'exploitante ;
9. Considérant que, parmi les anomalies décrites dans le rapport d'inspection, l'impossibilité pour le personnel de se laver les mains de façon hygiénique en raison d'un équipement insuffisant, le manque d'entretien des locaux, des matériels et des enceintes réfrigérées, la présence de trous et de voies d'accès dans les murs ainsi que de déjections de rongeurs sur le sol, les étagères et des denrées alimentaires étaient qualifiés de non-conformités de gravité majeure ; que le défaut général d'entretien et d'équipement n'est pas sérieusement contesté par la société requérante qui se borne à produire des attestations d'une entreprise de nettoyage postérieure à l'arrêté contesté; que, si la société B...Restauration se prévaut d'un contrat conclu le 31 mai 2006 avec une entreprise de dératisation et désinsectisation, renouvelé chaque année, il ressort du rapport de visite en date du 1er juin 2010 qu'elle produit que le technicien avait relevé une infestation en cuisine et recommandait d'accentuer le nettoyage ; que, par suite, en retenant les anomalies majeures mentionnées ci-dessus, le préfet de police n'a pas fondé sa décision sur des faits inexacts ;
10. Considérant que, si la société B...Restauration soutient qu'il ne peut lui être reproché une absence de conservation de la traçabilité des denrées d'origine animale dès lors que les documents qu'elle conservait ne lui auraient pas été demandés lors du contrôle, elle n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations ;
11. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'exploitant est tenu d'assurer la formation de son personnel à l'hygiène alimentaire en application des règlements communautaires susvisés et notamment du chapitre XII de l'annexe II du règlement (CE) n° 852/2004 du 29 avril 2004, relatif à l'hygiène des denrées alimentaires ; que la société B...Restauration n'établit pas que les personnels du " Lutetia " auraient reçu une telle formation antérieurement au 4 juin 2010 ;
12. Considérant que l'utilisation de bacs gastronormes pour le refroidissement rapide des préparations culinaires ne suffit pas à établir la maîtrise de cette technique par l'exploitante ;
13. Considérant que, si la société requérante fait valoir que l'absence de contrôle des températures et des dates limites de consommation à la réception des produits n'a pu être observée dès lors qu'aucune réception de produits n'a eu lieu le jour du contrôle, elle n'établit pas, comme elle le soutient, assurer une continuité totale de la chaîne du froid, alors que les services vétérinaires ont relevé des températures supérieures à celles autorisées par l'arrêté susvisé du 21 décembre 2009 ; que la circonstance que la température des enceintes réfrigérées est contrôlée par un système électronique ne dispense pas l'exploitante de vérifier manuellement la valeur indiquée par les systèmes automatiques en vue d'une correction éventuelle ; que l'absence d'un thermomètre d'appoint n'est pas contestée par l'entreprise ;
14. Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que les services vétérinaires auraient relevé à tort la présence de planches en bois sous l'évier et l'utilisation de boîtes de récupération pour le stockage de denrées alimentaires ou que la mention de la mauvaise utilisation du bain-marie ne serait pas assortie de précisions ne suffit pas à remettre en cause le nombre et la gravité, qualifiée de moyenne à majeure, des anomalies constatées ; qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de police, à qui il appartenait de prendre les mesures propres à mettre fin à ces anomalies, se serait cru tenu par les dispositions de l'article
L. 218-3 du code de la consommation de prononcer la fermeture de l'établissement ;
15. Considérant que, si le préfet de police a prononcé la fermeture du restaurant sans en préciser la durée, il résulte de l'article 2 de son arrêté que l'abrogation de cette mesure était subordonnée à la réalisation intégrale par l'exploitante des prescriptions et travaux mentionnés en annexe ; que l'arrêté a d'ailleurs été abrogé le 11 juin 2010, soit quatre jours après sa notification ; que, par suite, en prononçant la fermeture de l'établissement pour une durée indéterminée, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société B...Restauration n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 4 juin 2010 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
17. Considérant que, l'administration n'ayant commis aucune faute, la société B...restauration n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables de la fermeture de son établissement ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. -761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement à la société B...Restauration d'une quelconque somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 novembre 2011 est annulé.
Article 2 : La demande de la société B...Restauration devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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N° 12PA00463