Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 13 décembre 2013 et le 10 février 2014, présentés pour Mme B...C..., demeurant..., par la SCP Delaporte-A... -Trichet ; Mme C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1308703 du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ;
Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :
- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., pour MmeC... ;
1. Considérant que MmeC..., ressortissante moldave née le 11 mai 1989 à Nisporeni, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour dans le cadre de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; que, par arrêté du 24 mai 2013, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée ; que Mme C...fait appel du jugement du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
3. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de 1'une des dispositions du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code; qu'il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu d'éléments de sa situation personnelle dont il justifierait ;
4. Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de la circulaire du 28 novembre 2012 susvisée du ministre de l'intérieur, adressée aux préfets et publiée, conformément aux prescriptions du décret du 8 décembre 2008 susvisé, sur le site internet Légifrance : " (...) les demandes des étrangers en situation irrégulière qui sollicitent une admission exceptionnelle au séjour doivent faire l'objet d'un examen approfondi, objectif et individualisé sur la base des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du CESEDA en tenant compte notamment de leur intégration dans la société française, de leur connaissance des valeurs de la République et de la maîtrise de la langue française. 1 A cet effet, la présente circulaire (...) précise les critères d'admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions. Elle est destinée à vous éclairer dans l'application de la loi et dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qui vous est reconnu par la législation " ;
5. Considérant qu'au sein du paragraphe 2 de cette circulaire, intitulé "Les critères d'admission exceptionnelle au séjour", le point 2.1.1, qui concerne la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " aux parents d'enfants scolarisés, indique que : " (...) lorsqu'un ou plusieurs de leurs enfants sont scolarisés, la circonstance que les deux parents se trouvent en situation irrégulière peut ne pas faire obstacle à leur admission au séjour. 1 Il conviendra, pour apprécier une demande émanant d'un ou des parents d'un enfant scolarisé en France, de prendre en considération les critères cumulatifs suivants : 1 - une vie familiale caractérisée par une installation durable du demandeur sur le territoire français, qui ne pourra être qu'exceptionnellement inférieure à cinq ans; 1- une scolarisation en cours à la date du dépôt de la demande d'admission au séjour d'au moins un des enfants depuis au moins trois ans, y compris en école maternelle (...) " ;
6. Considérant que, par ces énonciations, le ministre de l'intérieur a, sans limiter le pouvoir d'appréciation des préfets dans l'application des dispositions législatives mentionnées au point 2 ci-dessus, ni le pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation d'un étranger qui leur appartient, indépendamment de ces dispositions, et sans édicter aucune condition nouvelle de caractère réglementaire, défini des orientations générales applicables à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention" vie privée et familiale "aux ressortissants étrangers en situation irrégulière ayant au moins un enfant scolarisé en France ; que les énonciations citées au point 5 ci-dessus de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 constituent des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, déposée le 18 mars 2013, Mme C...s'est prévalue de la circulaire du 28 novembre 2012 susvisée du ministre de l'intérieur en faisant valoir qu'elle résidait sur le territoire français depuis le 3 novembre 2006, soit depuis plus de cinq ans à la date du dépôt de cette demande en France, qu'elle entretenait depuis 2006 une relation maritale avec un compatriote en situation irrégulière en France à la date de sa demande et que leur fils, né le 20 octobre 2007 était scolarisé en France depuis septembre 2010, soit pratiquement depuis trois ans à la date de demande ;
8. Considérant que pour rejeter, par son arrêté du 24 mai 2013, la demande de titre de séjour présentée par MmeC..., au motif que celle-ci ne remplissait aucune des conditions prévues par le 7° de 1'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police, s'il a notamment mentionné que l'intéressée ne pouvait " justifier d'une présence de 10 années sur le territoire français " et était" mère d'un enfant mineur né le 18 septembre 2007 en France, scolarisé depuis septembre 2010 " , n'a ni visé la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, ni fait référence aux critères mentionnés par les lignes directrices citées au point 5 ci-dessus ; que, dès lors, Mme C...est fondée à soutenir que le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande au regard de ces lignes directrices et que, par suite, l'arrêté du 24 mai 2013 en litige est, pour ce motif, entaché d'erreur de droit;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10.Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet réexamen ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1308703 du 13 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 24 mai 2013 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme C...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 13PA04627